Les Echos : À quel stade se trouve aujourd'hui le dialogue social entre le gouvernement et les centrales syndicales ? Mohamed Saâd Alami : Il y a peut être une tension entre les centrales syndicales et le gouvernement, mais il n'y a pas de conflit à proprement parler, parce que l'intention est la même : trouver un terrain d'entente afin d'améliorer les conditions matérielles des salariés. Les résultats sur lesquels le dialogue a débouché depuis son lancement il y a deux ans, sont jugés positifs par le gouvernement, qui ne compte nullement s'arrêter là, mais plutôt activer un processus visant à institutionnaliser le dialogue de manière permanente, à travers des rounds arrêtés dans le temps et de manière régulière, avec les syndicats. Expliquez-nous les dernières mesures décidées dans le dossier du dialogue social ? Notre devoir est de concrétiser les derniers résultats du dialogue social et le conseil du gouvernement a approuvé jeudi dernier deux décrets importants, l'un portant sur des mesures exceptionnelles de promotion devant profiter à plus de 115.500 fonctionnaires de l'administration publique et des collectivités locales, classés aux échelles de 1 à 4, avec une enveloppe de 415 millions DH. Le second décret, quant à lui, modifiera les conditions de promotion des fonctionnaires au sein de l'administration publique, en augmentant le quota de 25% à 28%, ce qui permettra la promotion, chaque année, de 3.200 fonctionnaires supplémentaires. La question de l'indemnité sur le travail dans les zones éloignées et difficiles d'accès devra attendre l'avis des syndicats sur les critères à adopter pour faire bénéficier les fonctionnaires concernés d'une indemnité de 700 DH net par mois. Dans tous les cas, cette indemnité prendra effet à compter du 1er septembre 2009. Cela est-il suffisant ? La réponse à cette question se trouve dans l'essence même du dialogue social, puisque le quotidien est en perpétuelle évolution. Autre point. La formation continue des fonctionnaires et agents de l'Etat constitue un axe stratégique du programme de modernisation des secteurs publics. Où on est-on aujourd'hui ? Je pense que la formation, et surtout la formation continue, est un des principaux piliers de la modernisation de l'administration publique marocaine. Aujourd'hui, au niveau du ministère, nous sommes en train d'adopter de nouvelles approches pour assurer une réelle stratégie pour la formation continue. Ces dernières seront d'ailleurs mises en place notamment par l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et à travers un programme global qui sera réalisé en concertation avec l'ensemble des administrations publiques. Ce programme de formation des ressources humaines englobe trois champs d'action : Une formation qui peut être qualifiée de «classique» qui passe par l'Ecole nationale d'administration et par l'Institut supérieur de l'administration. En deuxième lieu, les fonctionnaires auront accès à des stages de formation pour renforcer de manière régulière leurs compétences. Et enfin, la formation à distance ou le e-learning, pour lequel d'ailleurs, le ministère de la Modernisation des secteurs publics se penche actuellement sur des expériences réussies dans d'autres pays, avant d'élaborer une plateforme à la fois intégrale et opérationnelle. Qu'est-ce qui a été opéré jusqu'à aujourd'hui, par le gouvernement, afin de rajeunir les profils du personnel du secteur public ? Il existe un fait indéniable : les départs à la retraite et les recrutements annuels représentent un cycle qui fait que l'administration publique est en perpétuel rajeunissement. D'ailleurs, les départs volontaires, effectués dans le cadre de l'opération Intilaka, s'insèrent dans le cadre de cette approche de rajeunissement des profils. N'oubliez pas qu'à une période pas très lointaine, les lois de finances ne procuraient que 7.000 nouveaux postes au niveau du secteur public. Cependant, après l'Intilaka, cet état de saturation a été revu à la baisse et le gouvernement actuel a pu pourvoir au niveau de la loi de finances de 2010 plus de 23.000 postes, ce qui a permis à l'administration de recruter de nouveaux profils qui apporteront certainement une valeur ajoutée aux rangs des fonctionnaires déjà en poste dans le secteur public. Vous comptez, prochainement, mettre en place un infocentre RH, une sorte de grande base de données qui participerait de manière rationnelle à la gestion des ressources humaines dans l'administration publique. Peut-on avoir plus de détails sur cet infocentre ? Afin d'instaurer au ministère de la Modernisation des secteurs publics, et au gouvernement, un meilleur suivi et pilotage des politiques interministérielles relatives au ressources humaines, tout en allégeant la charge de renseignement des enquêtes auprès des ministères, il devient nécessaire de mettre en place un instrument de consolidation et d'exploitation de données RH directement issues des SIRH (Système d'information des ressources humaines, ndlr) des ministères. Il s'agit donc de réaliser un système d'information décisionnelle, un infocentre, relatif aux ressources humaines de l'administration publique, capable de fournir des données et des indicateurs RH fiables, et régulièrement actualisés, ainsi que des outils d'analyse et de simulation. Compte tenu du caractère transversal de ce projet et de son interdépendance avec les SIRH des autres ministères, il sera précédé à une étude de définition ou de cadrage, dont l'appel d'offres est déjà lancé et qui sera achevée au courant de cette année. La réalisation du projet «Infocentre RH» devra démarrer début 2011. Le programme e-gouvernement a pour but d'améliorer le processus de traitement de l'information effectué par l'administration.A quelle phase se trouve-t-il aujourd'hui ? Le projet de e-gouvernement a déjà parcouru de grandes étapes depuis son lancement. Il est d'ailleurs l'un des principaux constituants de la stratégie du Maroc numérique. Nous avons une grande conviction que le e-gouvernement est devenu un outil stratégique autant pour l'administration que pour les entreprises. www.servicespublics.ma permet, par exemple, de rapprocher les investisseurs et les citoyens de l'administration. Pourtant, plusieurs ministères ont du retar dans l'utilisation d'Internet... Il ne suffit pas juste d'équiper une administration d'un site web ou d'ordinateurs. L'essentiel est plutôt de penser à la formation et au financement qui permettraient d'accompagner le projet de e-gouvernement. Comment l'administration publique compte-t-elle suivre le projet de régionalisation élargie dont les résultats de sa Commission dédiée seront prêts fin 2010 ? D'abord, le Maroc n'est pas à sa première expérience en matière de régionalisation. Dans les faits, cette dernière est passée par plusieurs étapes : d'une régionalisation administrative en 1972, le Maroc est entré dans la phase d'une autre forme de régionalisation, à travers les collectivités locales, dans ce qui s'appelait communément «régionalisation naissante». Aujourd'hui, le pays passe à un autre cap, celui d'une régionalisation élargie et adaptée au contexte marocain.Toutefois, notre ministère attendra les résultats et les scénarios que présentera la Commission consultative pour la régionalisation avant de proposer une stratégie qui accompagnera ce grand projet.L'autre point essentiel est celui de la déconcentration : les centres de décision, au niveau de l'administration centrale, devront attribuer plus de délégation aux services extérieurs des ministères, au niveau des communes, des provinces et des régions. La déconcentration est donc un élément essentiel pour réussir la régionalisation. Les résultats de ce grand chantier de déconcentration, qui suivra la régionalisation élargie, est assurée aujourd'hui par une commission tripartite formée du ministère de la Modernisation des services publics, du ministère de l'Intérieur et du ministre des Finances. En termes d'actions dans la lutte contre la corruption, où se trouvent les limites et les différences entre le ministère de la Modernisation des secteurs publics et l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) ? Le Maroc affiche désormais une volonté ferme pour moraliser la vie publique et lutter contre la corruption. Cela a d'ailleurs donné naissance à l'Instance centrale de prévention de la corruption. Cette dernière a désormais une force de proposition et une indépendance pour élaborer des plans visant à éradiquer ce fléau.Le gouvernement, à travers la Commission de lutte contre la corruption que préside d'ailleurs le ministère de la Modernisation des secteurs publics, a invité l'ICPC au tour de table de cette commission. N'oublions pas que le Maroc a depuis toujours lutté contre la corruption, notamment en mettant en place un cadre institutionnel et juridique qui a prouvé son efficacité. Dans le même cadre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, le ministère a lancé un programme d'urgence pour mettre en place les mécanismes de lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique. D'ailleurs, ce programme sera appuyé par une campagne de sensibilisation qui sera très prochainement lancée et qui fera appel à toutes les composantes économiques, sociales et politiques du pays.