Du 26 au 30 janvier s'est tenue à Davos, dans les Alpes suisses, la 41e édition du Word Economic Forum (WEF). Une rencontre qui réunit annuellement le gotha du monde politique et économique mondial autour des questions liées à l'économie mondiale. Comme pour les précédentes éditions, le Davos de cette année a pris fin sur une note de déception, selon l'avis largement partagé par plusieurs observateurs et experts présents à la rencontre. Et pour cause, le forum avait plus l'air d'une discussion de salon qu'une rencontre dont l'essence était de trouver des solutions adéquates aux multiples problèmes qui affectent le monde. Surtout que cette année ce ne sont pas les sujets qui manquaient. Malgré la reprise économique annoncée, mais avec beaucoup de prudence, les inquiétudes persistent en effet sur des risques énormes de rechute que matérialise la montée explosive des prix des matières premières, avec en toile de fond une crise sociale qui se profile à l'horizon. Mais les recommandations du forum ont été accueillies avec un gout d'inachevé. Du show encore et surtout une tribune qui a plus servi à certains pays de se livrer à du véritable marketing pendant que le monde fait face à ses problèmes. Ainsi, les pays dits «émergés» sont venus confirmés leur place dans le rapport de force mondial, la Tunisie a tenté de rassurer sur la santé de son économie, et l'Europe la pérennité de l'euro, pendant que la Russie amassait des contrats et que la France de Sarkozy faisait la promotion de ses ambitions pour son année de présidence à la tête du G20 et du G8. C'était un peu de tout ça le Davos 2009, une retraite touristique qui sied bien au lieu savamment choisi pour abriter la manifestation. À vrai dire, tout s'est discuté en parallèle, entre les grands du monde qui, du reste, n'ont pas estimé nécessaire d'y faire le déplacement. C'est en tout cas la lecture que laisse croire l'absence des présidents américain et chinois, Barack Obama et Hu Jin Tao qui se sont rencontrés d'ailleurs à quelques jours de l'évènement. Pourtant, le thème choisi pour cette édition était assez vendeur. Après la grande dépression économique de 2008 dont les effets et les pistes de sortie de crise ont dominé les débats lors de l'édition de 2009 et la reprise économique qui a été le point focal des discussions l'année dernière, la rencontre de 2011 a été placée sous le signe «des normes partagées pour une nouvelle réalité». Les sujets ont principalement été orientés sur la recherche d'un point d'équilibre dans la nouvelle configuration mondiale qui, selon Klaus Schwab, fondateur de la manifestation, est celle «d'un monde avec des centres de pouvoir multipolaires, caractérisé par un fort degré de volatilité et l'entrée d'acteurs dans une course globale à la compétitivité». Nouvel ordre mondial Quelle lecture faire alors du Davos de cette année, à défaut de ressortir du nouveau dans les principales conclusions qui en étaient issues ? Si à la lumière de l'importance de l'évènement, les recommandations faites laissent penser que la montagne a accouché d'une souris, la grand-messe mondiale a été marquée par des évènements de taille qui méritent d'être soulevés. En premier lieu, l'émergence progressive d'un nouvel ordre mondial suite à l'entrée de nouveaux pays dans le tour de table «du conseil d'administration mondiale». Le forum de Davos qui a réuni cette année plus d'une trentaine de chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que 2.000 décideurs provenant en majorité du monde des affaires mais également d'éminents experts et universitaires, a mis à l'honneur cette année les pays du BRICS avec l'Afrique du Sud qui a fait son baptême de feu. Un choix loin d'être fortuit puisqu'il illustre le rôle prépondérant que sont désormais appelés à jouer ces pays sur la scène économique et politique mondiale. Un basculement en perspective de l'économie mondiale confirmé par les dernières prévisions du FMI, publiées en début de semaine et qui annoncent une reprise plus palpable de la croissance au sein des économies émergentes, alors que les pays développés continueront à pâtir de la récession économique de 2008, même si des signes de reprise, certes fragiles, persistent. Une configuration que résume Schwab, qui a reconnu en marge de l'évènement que «les changements du pouvoir économique de l'Ouest à l'Est et du Nord au Sud ont créé une réalité complètement nouvelle» qu'il va falloir donc nécessairement prendre en compte dans le nouveau rapport de force mondial. Crise sociale à l'horizon L'autre évènement majeur qui a marqué le Davos 2011 c'est aussi et surtout l'ombre d'une crise sociale qui risque de relayer celle économique. Et c'est Klaus Schwab qui a planté le décor en prévenant, dès la veille de la rencontre, qu'il faudrait faire attention à ce que «cette crise ne devienne pas une crise sociale, ce qu'elle est déjà dans certains pays». Une référence gratuite aux évènements qui secouent actuellement la région arabe avec les révolutions dites sociales qui affectent la Tunisie et l'Egypte et qui guettent plusieurs autres pays selon des scénarios divers. Une raison d'ailleurs qui a fait que la question des inégalités sociales a été un thème clé des discussions. Si en 2008 les experts du Davos n'ont rien vu venir de la crise, pour cette fois au moins les signes parlent d'eux-mêmes. Et avec l'explosion des bulles spéculatives qui se dégagent de presque tous les secteurs de l'économie mondiale, ce ne sont pas les prévisions du FMI, somme toute assez pessimistes, qui écarteraient les risques d'un embrasement généralisé. L'universitaire Nouriel Roubini a d'ailleurs identifié à ce sujet six raisons qui invitent à redoubler de prudence : «l'anémie des pays riches, le risque présenté par la dette publique, le renchérissement des produits alimentaires et de l'énergie, le chômage et la persistance des déséquilibres internationaux avec la multiplication des politiques restrictives». Un redoutable cocktail qui semble occulter l'optimisme né après la reprise généralisée de 2010 et qui fait de 2011 une année de tous les défis.