Le patron du fisc a botté plusieurs fois en touche, lors d'un récent débat avec les professionnels. Quelles possibilités d'optimisation fiscale avec un IS de 15% pour les TPE, manque d'audace sur les avantages aux entreprises individuelles se constituant en sociétés, équité fiscale perfectible... plusieurs questions urgentes ne trouvent pas encore de réponse Le «service après-vente» des dispositions fiscales de la loi de finances 2011 se poursuit. Jeudi dernier, le patron du fisc, Abdellatif Zaghnoun, était l'invité de notre confrère «La Vie Eco». Il en est ressorti un débat riche où les professionnels ont émis plusieurs interrogations qui ont contraint le directeur des impôts à botter en touche plus d'une fois. Eclairage sur les zones d'ombre persistantes. IS à 15% pour les TPE... une bombe à retardement. La question se pose d'elle-même. À quel taux d'impôt sur les sociétés (IS) les entreprises exportatrices en activité depuis plus de quatre ans et dégageant moins de 3 millions de dirhams de chiffre d'affaires seront-elles soumises avec l'entrée en vigueur de l'IS à 15% pour les TPE ? Pour rappel, toute entreprise exportatrice bénéficie aujourd'hui d'un régime d'impôt préférentiel, avec une exonération de ses quatre premiers exercices et une taxation au-delà, au taux de 17,5% (contre 30% pour le régime commun). La question est de savoir si les sociétés exportatrices ayant moins de 3 millions de CA existant depuis plus de quatre ans se verront appliquer un taux de 17,5 ou 15% à présent. Réponse du patron du fisc : c'est le taux de 15% qui doit être appliqué. Mais à ce taux, est-ce qu'on peut encore parler de régime préférentiel pour les entreprises exportatrices, puisque les TPE non exportatrices sont imposées au même niveau? Sur un autre registre, certaines entreprises de taille moyenne pourraient chercher à profiter opportunément de la fleur faite par le fisc aux TPE, en veillant à contenir leur chiffre d'affaires à 3 millions de dirhams. Des leviers existent en tout cas pour parvenir à cela en toute légalité, en opérant par exemple des scissions d'entreprises. On s'en doute, la perspective n'est pas sans susciter la réaction épidermique du patron du fisc. Zaghnoun évoque notamment un effort de recoupement avec les statistiques nationales des TPE, qui sera mené par la DGI, pour prévenir tout emballement au niveau du nombre de ces entreprises. Néanmoins, l'effectif de celles-ci devrait nécessairement suivre un trend haussier, car le propre de l'avantage fiscal aux TPE n'est-il pas après tout de faire sortir de l'informel de petits opérateurs et d'élargir l'assiette des contribuables ? Le tout sera donc pour la DGI de séparer le bon grain de l'ivraie. Pour cela, le patron du fisc promet un contrôle systématique pour les entreprises qui déclareraient pour l'exercice en cours un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 3 millions de dirhams en baisse par rapport à l'exercice 2009. Une circulaire qui se fait désirer Depuis quatre ans qu'on en parle, la fameuse circulaire des impôts, portant le n°717, devrait enfin être publiée fin mars prochain ou au plus tard en avril, parole de Zaghnoun. Le document qui dépasse le millier de pages est très attendu par les professionnels. Il devrait reprendre les modalités d'application de la totalité du code général des impôts, qui a été parachevé en 2007. En clair, les experts-comptables et chefs d'entreprises sauront enfin comment interpréter telle ou telle disposition fiscale. Parlons équité fiscale C'est à n'en pas douter la statistique la plus célèbre du fisc : 2,5% des entreprises fournissent 80% de l'IS. Dès lors, il est normal qu'une certaine frustration soit perceptible parmi les bons contributeurs. La parade de Zaghnoun pour contenir le sentiment d'injustice est de récompenser les bons élèves. La catégorisation d'entreprises est donc lancée pour accorder un traitement de faveur aux contribuables exemplaires. Dans un même ordre d'idées, et comme annoncé précédemment dans nos colonnes, la DGI a lancé plusieurs appels d'offres pour l'acquisition de logiciels qui devraient aider les inspecteurs à cibler les contribuables à contrôler. L'idée est d'accompagner les bons contributeurs en rationnalisant au passage les moyens du fisc. Plus généralement, Zaghnoun veut marquer son mandat à la tête de la DGI sous le signe de la réconciliation avec le contribuable. En lien, une charte du contribuable devrait être émise ce mois de janvier et viendrait déterminer les droits et obligations des assujettis ainsi que la manière dont il faut se comporter avec l'inspecteur à tous les stades du contrôle fiscal. Baisse de la TVA : «On veut bien, mais le timing ne s'y prête pas» La pilule a visiblement toujours du mal à passer. Attendue par les professionnels pour la loi de finances 2011, la baisse de la TVA n'a finalement pas eu lieu. Se voulant rassurant, le directeur des impôts affirme que «la diminution de l'impôt sur la valeur ajoutée demeure une préoccupation majeure pour les autorités, mais le timing ne s'y prête pas». C'est que la mesure est coûteuse. «La diminution d'un point de TVA induirait une baisse des recettes fiscales de 3,5 milliards de dirhams pour l'Etat», soutient le patron du fisc. Une hausse des recettes de la TVA pourrait certes s'ensuivre ne serait-ce que du fait de l'augmentation de la consommation interne qui en résulterait. Mais l'on ne pourrait en bénéficier que sur le long terme, soutient Zaghnoun. Le directeur s'appuie par ailleurs sur la recommandation des instances internationales pour justifier le choix de différer la baisse de la TVA : «Le FMI et la Banque mondiale préconisent de ne pas baisser cet impôt en conjoncture défavorable». Par ailleurs, Zaghnoun a tenu à préciser que quand baisse de la TVA il y aura, celle-ci devrait s'inscrire dans une réforme globale, à savoir que la diminution du taux devrait s'accompagner immanquablement par une réduction du nombre de taux d'imposition. Cette dernière démarche serait, selon le patron du fisc, la seule voie vers une solution pour la problématique du butoir tant décriée par les professionnels. L'autre point sensible ayant trait à la TVA concerne le remboursement de cette taxe aux entreprises. Encore trop long, tranchent les opérateurs. Zaghnoun défend pour sa part une tendance au raccourcissement des délais de remboursement. Ceux-ci étaient en effet de quatre mois en 1999, et ils ont été ramenés à trois mois à partir de 2008. «Si ça prend plus de temps, c'est que le déclaration est incomplète ou comporte des erreurs», garantit le directeur. Et si on se remettait aux amnisties fiscales ? La mesure cristallisait de nombreux espoirs du gouvernement lorsqu'elle a été introduite en 2009. Les patrons d'entreprises individuelles qui franchissent le pas pour se constituer en personnes morales et s'assujettir à l'IS peuvent bénéficier d'une répartition sur 10 ans de l'impôt sur la plus-value générée dans le cadre de cette transformation mais pour les seuls biens amortissables. Or, cette ouverture n'a pas intéressé grand monde jusqu'à présent et c'est un euphémisme... Seuls 30 dossiers ont été reçus par la Direction des impôts. Tenaces, les autorités ont poussé l'avantage dans le cadre de la loi de finances 2011. En lien, c'est la neutralité fiscale qui est accordée à présent aux entreprises qui passent du statut de personne morale à celui de personne physique. Pour les biens amortissables, la plus-value imposée est donc intégrée par fraction d'amortissements sur 10 ans. Quant aux biens non amortissables, leur plus-value n'est imposable que quand un de ces biens sont retirés ou cédés. Cette fois sera-t-elle la bonne ? Rien n'est moins sûr pour les professionnels selon lesquels il reste un problème de taille. On explique que les entreprises individuelles continueront à se constituer en société en raison du contrôle fiscal systématique qui succède à cette transformation. Partant, l'on suggère même d'instaurer une amnistie fiscale au bénéfice des intéressés.