Le rapport sur la situation des immigrés, élaboré par «Casa arabe» donne des sueurs froides. Présenté jeudi dernier à Madrid, le document de douze pages dresse un tableau des plus sombres sur la situation économique des Marocains d'Espagne. Désespérante, voilà en résumé la situation dans laquelle se trouvent nos concitoyens durant cette période de récession espagnole. Certes, le constat est loin d'être une grande révélation, puisque bon nombre d'associations de travailleurs marocains en Espagne, comme ATIME ou ASISI, ont alerté sur les répercussions de la crise sur nos concitoyens. Mais les chiffres sont alarmants et tous les indices sont au rouge. Le taux de chômage au sein de la communauté marocaine a atteint 44,5% durant le second trimestre de 2010. Les femmes à la rescousse Le chômage de longue durée concerne 48% de la population marocaine active, contre 25% en 2007. La traversée du désert ne semble pas devoir prendre fin de sitôt et les chiffres continuent leur montée effrénée. Et comme le souligne le rapport, la gravité de la crise qui touche les Marocains requiert des dispositions particulières, ne cessent de recommander avec insistance les rédacteurs de cette enquête, au détour de chaque phrase. Si en 2007, pour chaque centaine de Marocains actifs, 11 hommes et 9 femmes étaient au chômage, ces données ont augmenté d'une manière vertigineuse durant l'année écoulée. Ils sont désormais 36 hommes et 24 femmes d'origine marocaine sans emploi, sur 100 personnes actives. Seule note positive, la crise a poussé la gent féminine marocaine à se retrousser les manches. En effet, de plus en plus de Marocaines, jadis femmes au foyer, cherchent à accéder au marché du travail pour joindre les deux bouts après que le père de famille ait perdu son gagne-pain. Cela peut constituer un pas en avant vers l'intégration de la communauté marocaine, jugée recluse et un brin conservatrice par les Espagnols. Et la crise ne connaît pas de répit. À la fin du premier semestre de 2010, 83.000 hommes contre 38.000 femmes se sont retrouvés dans une situation particulièrement difficile, révèle l'étude. Cela est dû principalement à une perte de travail de longue durée. «La gravité de la situation est moindre quand une seule personne est sans emploi au sein d'un groupe familial», souligne le rapport, qui revient tout de même tempérer en précisant que «cependant, quand tous les membres actifs du foyer sont au chômage, cela revêt un caractère dramatique». D'ailleurs, ce groupe a augmenté d'une manière vertigineuse durant les trois dernières années. Le taux d'augmentation des foyers avec tous les membres au chômage a atteint 459%, passant ainsi de 18.000 à 103.000 personnes affectées. De la sorte, les foyers marocains représentent 7,9% du total des foyers ibériques ayant tous les membres actifs au chômage. La crise a des complices Le décor devient apocalyptique quand on apprend qu'une grande partie de cette population, (74.000 hommes et 65.000 femmes en 2010), est sans revenus après avoir épuisé ses droits aux allocations chômage. Plusieurs facteurs ont empiré, en quelque sorte, l'état des choses du côté marocain. À la crise économique s'ajoutent des facteurs accablants, comme le manque de formation. Le niveau de scolarité des Marocains est très bas en comparaison avec leurs homologues en provenance d'Amérique Latine. Comme le met en relief l'enquête, 57% des Marocains entre 16 et 64 ans n'ont pas décroché un certificat d'études primaires. Seuls 3% des Marocains d'Espagne disposent d'une formation universitaire. De plus, les législations en vigueur sont très discriminatoires vis-à-vis des populations immigrantes en provenance d'Afrique. L'accès à la nationalité espagnole est un véritable chemin de croix, vu que le résident devrait justifier d'une résidence légale de 10 ans minimum, contre deux ans par exemple pour les latino-américains. Malgré cela, 50.400 personnes nées au Maroc ont décroché la nationalité espagnole depuis l'an 2000, souvent à travers des mariages avec un conjoint ibère. «En analysant les indicateurs précédents, tout démontre que la population marocaine se trouve dans une situation désavantageuse par rapport aux autres immigrés», notent les rédacteurs du rapport. Ils ajoutent qu' «il est fort probable que les indices de pauvreté et de privation matérielle au sein de ces foyers se trouvent parmi les plus élevés». L'enquête ajoute que la pauvreté monétaire pourrait affecter environ 40% de la population marocaine établie en Espagne. Malgré ces constats préoccupants, les nationaux se refusent d'abandonner le navire espagnol. 85% des Marocains résidant en Espagne comptent y rester de manière définitive, contre 5% seulement titillés par l'idée de rentrer au bercail.