L'industrie marocaine du poids lourd sort de deux années pesantes sur son activité. Secteur de l'ombre, le montage de camions, de bus, d'autocars, de remorques, semi-remorques et de carrosserie industrielle génère près de 8.000 postes d'emplois directs et indirects. Cette industrie dégage un chiffre d'affaires estimé à plus de 15 milliards de dirhams annuellement, avec une valeur ajoutée locale s'élevant à 30%, correspondant à près de 5 milliards de dirhams. Dans sa majorité, le secteur est organisé, se regroupant dans l'association professionnelle «Groupement du poids lourd et de la carrosserie» (GPLC), membre de la Fédération de l'automobile de la CGEM. Il compte toutefois plusieurs entreprises œuvrant dans l'informel. Si le secteur a connu une très forte évolution entre 2003 et 2008, avec une progression annuelle de plus de 30%, se hissant de 4.000 unités en 2003 à près de 15.000 en 2008 (10.221 unités motorisées et 4.000 remorques et semi-remorques), il s'est fortement replié les deux années suivantes. En effet, la production a été divisée par deux depuis 2008 pour atterrir à près de 6.000 unités produites (-30% en 2009 et -22% en 2010). Comme illustré dans les graphes de l'activité, cette tendance est observée dans tous les segments, mais dans une moindre mesure pour les tracteurs routiers (40T). Ce qui «est dû à une reprise de ce segment après l'entrée en vigueur du nouveau Code de la route», estime le GPLC. «Cette baisse est à relativiser par la forte hausse qui l'a précédée (ndlr : 300% entre 2003 et 2008) et qui a été possible grâce à la politique des grands chantiers qui était à son apogée avec notamment la construction du port de Tanger Med», explique Adil Zaidi, président du Groupement. «La baisse de l'activité des BTP, nos principaux clients, ainsi que la fin de la première vague de chantiers, sont les principaux éléments explicatifs de cette évolution», poursuit-il. En revanche, l'activité relative aux bus a continué de progresser en 2010, après un léger repli en 2009. Un contraste par rapport aux autres branches du secteur qui est dû à la montée en puissance de l'équipement des gestionnaires délégués de transport urbain. Veolia à Rabat, M'dina bus à Casablanca ou encore Alsa à Marrakech et Agadir. Mais «l'évolution aurait pu être bien plus marquée si les marchés publics avaient donné la priorité à l'industrie locale par rapport aux véhicules importés», déplore Zaidi. Selon lui, 300 véhicules ont été importés d'occasion et 150 (sur 450 prévus) en véhicules montés et carrossés, autant de moins pour l'activité locale, les chiffres exacts n'ayant pas été communiqués par l'administration des Douanes. Ceci dit, les professionnels restent confiants dans l'évolution future de l'activité. Ils tablent sur une croissance annuelle du secteur entre 20 et 25% sur les années qui viennent. Il faut dire que le Maroc dispose d'avantages comparatifs non négligeables qui lui permettent de réexporter (avec une valeur ajoutée marocaine) une partie de la production vers l'Europe, l'Afrique, l'Asie et même l'Australie pour certains, malgré le handicap lié au coût logistique. Réexporter et non exporter car le secteur se fonde sur le concept de CKD pour Completely Knocked Down. «Cette activité de montage sut la base CKD est très importante pour l'industrialisation marocaine, car la décision industrielle reste au Maroc, avec tous les effets induits sur les secteurs des équipements et de la carrosserie», insiste Zaidi. En d'autres termes, les unités sont importées en pièces détachées dans leur totalité, pour être montées sur les chaînes de montage nationales. Ces dernières se concentrent sur l'axe Casablanca-Berrechid, avec comme leaders Soriac en tant que chaîne de montage libre et Auto Hall et CFAO en tant que chaîne de montage intégrée, c'est-à-dire dédiée à des marques du groupe. O.Z