Quand mon ami Rachid El Ouali m'a appelé pour m'inviter, j'ai tout de suite accepté. En vérité, j'ai été hyper fier qu'il me considère, moi l'affreux pubeur et pompeux communicateur, comme un artiste à part entière. Que voulez-vous ? Je suis comme ça : à chaque fois que quelqu'un me dit que je suis un artiste, j'ai la tête qui gonfle, les chevilles qui enflent, et le cœur qui bat la chamade. Et si jamais on me le répète, même une seule fois, là, je fonds, carrément. Au fond, il ne faut pas grand-chose pour que je tombe dans les pommes. Redevenons sérieux et revenons à Rachid. Je voudrais, tout d'abord en profiter pour lui rendre un grand hommage pour son audace et pour son élégance à mon égard. En effet, en me choisissant comme témoin à charge dans la sympathique émission «3itab» sur Al Aoula, animée par l'excellente et non moins charmante Fatima Al Ifriqi, et me connaissant, je trouve qu'il a fait preuve d'un certain courage, ou, peut-être, d'une certaine inconscience. Si vous avez vu cette émission diffusée il y a quelques semaines, vous avez dû remarquer que je n'ai pas été très tendre avec lui. Pourtant, dès la fin de l'enregistrement, il m'a téléphoné pour me remercier pour ma franchise et pour mon amitié. Et c'est pour ça que quand il m'a appelé lundi pour m'inviter à la rencontre qui sera organisée par l'association nouvellement créée et qui porte le joli nom étoilé de «Les stars de la citoyenneté», je ne pouvais pas refuser. Du coup, je me suis pris, moi aussi, pour une star. Non, je plaisante. Quoique... En fait, j'avais déjà lu l'info dans les journaux, et j'avais tout de suite tiqué. Entre nous, j'ai toujours eu une appréhension négative envers ce type d'initiatives que je suspecte toujours, à tort ou à raison, d'être au service du... Pouvoir. Excusez-moi d'utiliser un terme aussi vieillot et désuet, mais je le préfère, de loin, au «Makhzen» que je trouve confus et fourre-tout. Mais là, j'ai mis un bémol à mon scepticisme inné, et j'ai décidé d'y voir un peu plus clair. Je ne vous cache pas que ce qui m'a également attendri, c'est que parmi les fondateurs de cette association, se trouvent certains potes - hommes et femmes, bien sûr, et qui se reconnaîtront - que je ne pourrais, en aucun cas, suspecter d'être manipulés ou manipulateurs. Et c'est pour ça que j'ai dit aussitôt oui à Rachid, tout en le mettant amicalement mais fermement en garde. J'ai essayé de lui expliquer - ce qui d'ailleurs a été récemment bien développé par un de mes confrères billettistes arabophones - que les artistes, au sens le plus global du terme, ont 1.000 fois raison de se mettre au service de leur pays et de ses causes. Mais, hélas, on se trouve, à chaque fois, face à deux tentations diaboliques : d'un côté, il y a le pouvoir, le makhzen, les «services», ou tout ce que vous voulez, bref, ce système hideux qui est toujours à l'affût de tout ce qui peut faire oublier ses si innombrables gaffes, cacher ses si voyantes tares et faire résonner sa si bruyante fanfare ; et d'autre part, il y a toute cette horde d'opportunistes de tout genre, composée d'artistes ratés, de sportifs «has been», de pique-assiettes insatiables et de membres dits de la société si vils et si avides qui, dès qu'ils aperçoivent un micro fût-il éteint ou une caméra fût-elle invisible, brandissent le drapeau national pour s'en servir ou s'en drapent entièrement sans rougir. Certains n'hésitent pas à s'égosiller, jurant leurs grands dieux qu'ils sacrifieraient leur âme pour le pays, alors qu'ils sont prêts à la vendre au premier venu. Mon cher Rachid, tu es prévenu : je vais venir, mais je risque de tout dire. D'ici là, salut les artistes !