Les startups marocaines ont réussi à capter des investissements significatifs en 2024, témoignant d'un dynamisme accru et d'une ambition de croissance. De la fintech à l'agritech en passant par la logistique, plusieurs jeunes pousses ont levé des fonds pour consolider leur position sur le marché et s'ouvrir à l'international. Pourtant, en dépit de ces avancées, le pays peine encore à rivaliser avec les poids lourds du continent, qui concentrent l'essentiel des financements. Malgré un ralentissement général du financement des startups en Afrique, le Maroc se distingue par une dynamique entrepreneuriale en pleine expansion. En 2024, le pays a enregistré plusieurs levées de fonds significatives, témoignant d'un écosystème en mutation, où l'innovation et l'investissement s'accélèrent. Si ces performances placent le Maroc parmi les acteurs montants du continent, il reste encore loin des géants africains que sont le Nigéria, le Kenya, l'Afrique du Sud et l'Egypte, qui dominent le marché des startups depuis des années. Un écosystème en pleine mutation En 2024, le Maroc s'est hissé à la 8e place en Afrique en matière de financement des startups, selon Africa The Big Deal. Ce positionnement ne reflète pas le poids économique du pays, puisqu'il se classe 6e en PIB nominal et 11e en population. Malgré un cadre économique solide et des infrastructures en développement, le Maroc ne capte pas encore autant d'investissements que des pays comme le Kenya ou le Sénégal qui sont moins puissants sur le plan économique. L'année 2024 a néanmoins marqué une avancée. Avec 70 millions de dollars levés, le Maroc se positionne en 5e position des pays africains ayant reçu le plus de financements pour leurs startups, devançant plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre. Cette montée en puissance s'explique par l'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs, capables d'attirer des fonds pour des projets innovants et stratégiques. Des secteurs moteurs de la croissance Le dynamisme des startups marocaines s'illustre notamment dans des secteurs porteurs tels que la fintech, l'agritech et la logistique. Selon un classement de Startup Researcher Africa qui a recensé les principales opérations de financement réalisées dans le pays, Nuitée, spécialiste de la connectivité hôtelière, a réalisé l'une des plus grosses levées de l'année 2024 avec 48 millions de dollars en série A, confirmant sa position sur un marché B2B mondial estimé à 75 milliards de dollars. Cette startup, fondée au Maroc et désormais basée à Dublin, collabore avec des géants comme Expedia et Google, renforçant ainsi son rayonnement international. Dans le secteur agricole, YoLa Fresh révolutionne la chaîne d'approvisionnement en reliant directement les agriculteurs aux détaillants, réduisant le gaspillage alimentaire et garantissant une meilleure rémunération aux producteurs. La startup a levé 7 millions de dollars en pré-série A, un financement qui devrait lui permettre d'accélérer son développement et d'étendre son modèle à d'autres pays africains. La fintech est également en plein essor, avec des entreprises comme Tookeez, qui a levé 1,5 million de dollars pour développer un programme de fidélité universel basé sur une monnaie numérique. De son côté, ORA Technologies ambitionne de transformer le marché marocain avec une superapp intégrant e-commerce, services à la demande et paiements numériques, soutenue par une levée de 1,5 million de dollars. Ces levées de fonds et d'autres annoncées en 2024, comme celles de Userguest, ZSystems, Crealo et Enakl, montrent un intérêt croissant pour les startups marocaines. Ces données proviennent de Startup Researcher Africa, Une montée en puissance freinée par des défis structurels Si ces levées de fonds témoignent de la vitalité de l'écosystème marocain, elles restent modestes face aux performances des Big Four africains. En 2024, l'Afrique du Nord a levé 478 millions de dollars, dominée à 84% par l'Egypte, tandis que le Kenya à lui seul a capté 638 millions de dollars, soit près de 29% des financements du continent (données Africa: The Big Deal). Cette disparité s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, le manque de mégatransactions : alors que le Nigeria et l'Afrique du Sud attirent régulièrement des levées supérieures à 100 millions de dollars, le Maroc ne compte encore aucune startup de cette envergure. Ensuite, l'accès au financement est plus restreint : même si des fonds comme Al Mada Ventures, CDG Invest et Maroc Numeric Fund II soutiennent activement les startups, les tours de financement restent globalement plus petits qu'en Afrique de l'Est et de l'Ouest. Enfin, le marché marocain reste moins connecté aux grandes dynamiques d'investissement globales. Alors que le Nigeria et l'Egypte bénéficient d'une forte présence de fonds internationaux, le Maroc attire encore peu d'investisseurs étrangers de premier plan. Ce retard s'explique notamment par une régulation financière prudente et une ouverture encore limitée aux financements internationaux de grande ampleur. Un avenir à construire Pour combler son retard et rivaliser avec les leaders africains, le Maroc doit accélérer le développement de son écosystème startup en mobilisant davantage de financements à grande échelle, notamment via une plus forte implication des fonds internationaux. L'amélioration des infrastructures numériques et financières facilitera aussi l'accès au capital-risque, tout comme le renforcement des collaborations entre startups et grands groupes favorisera la croissance et l'innovation. Des initiatives existent déjà en ce sens, à l'image de l'accélérateur UM6P Ventures, qui soutient des projets deeptech, ou des fonds spécialisés comme Azur Innovation Fund et 212Founders, qui accompagnent les entrepreneurs marocains dans leur phase de développement. Malgré ces avancées, le Maroc doit encore franchir un cap pour s'imposer comme un véritable hub de startups en Afrique. Si des startups comme Nuitée, YoLa Fresh et Tookeez démontrent qu'il est possible d'attirer des financements significatifs, le chemin est encore long avant d'atteindre la maturité des écosystèmes nigérian ou kenyan. L'ambition est là, l'élan aussi. Reste maintenant à transformer cette montée en puissance en véritable leadership régional. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO