Il y a d'abord l'explosion démographique que connaît le monde et qui nécessite une augmentation de la production du phosphate entrant notamment dans la fabrication des engrais. Mais il y a aussi l'assèchement des gisements mondiaux de phosphates. Ces deux éléments de taille suscitent les inquiétudes des experts internationaux quant à une éventuelle pénurie du secteur dans les prochaines décennies. Ils appellent tous, en l'absence de données fiables sur les réserves de ce minerai, à l'urgence de mieux maîtriser la gestion de cette matière première. Même son de cloche au sein de l'OCP « Il faut arriver à une meilleure gestion de cette ressource », confie dans les colonnes du quotidien « Le Monde », Samia Charadi, conseillère auprès du président de l'Office chérifien des phosphates (OCP). En effet, et selon l'institut de géophysique américain (USGS), les réserves mondiales économiquement exploitables du minerai s'élèveraient à environ 15 milliards de tonnes. Ce chiffre comparé à la production mondiale (près de 165 millions de tonnes en 2008, selon l'USGS), laisse supposer que les réserves pourraient satisfaire la demande pendant seulement environ quatre-vingt-dix ans. De plus, la consommation mondiale devrait afficher une croissance de 2 % à 3 % pour les années à venir, selon les estimations de l'Association internationale de l'industrie des engrais (IFA). La question qui s'impose est de savoir si les réserves mondiales de phosphates suffiront à satisfaire les besoins d'une agriculture qui en consomme de plus en plus ? La réponse à cette question a poussé plusieurs pays à assurer leur sécurité d'approvisionnement. De grands groupes industriels investissent dans les zones les plus riches en minerai, notamment le pourtour méditerranéen. Les Etats-Unis ont ainsi passé avec le Maroc un accord commercial préférentiel, entré en vigueur en 2006. Le géant industriel brésilien Vale s'intéresse, quant à lui, au phosphate tunisien. De son côté, l'Union européenne a lancé, mi-2009, une étude sur une utilisation «durable» des ressources en phosphates. « Il y a trente ans, le monde entier parlait d'une pénurie du pétrole. Aujourd'hui, le débat se tasse. On est dans le même cas de figure concernant les phosphates », nuance une source à l'OCP. Difficile d'en savoir plus, puisque «la question mérite d'être étudiée profondément et cela prend du temps», ajoute la même source. Plusieurs enjeux pour Le Maroc Toujours est-il que la rareté du phosphate présente des enjeux économiques et politiques, eu égard à son caractère stratégique et aux implications géopolitiques qu'il représente. A cet effet, de plus en plus de pays se lancent dans la chasse des phosphates. Outre l'Arabie saoudite qui a démarré un chantier pour l'exploitation d'un immense gisement de phosphore à l'horizon de 2011, l'Algérie, l'Australie, le Pérou et le Brésil se lancent également dans cette chasse, motivés par le profit que pourrait générer la hausse de la consommation et des prix. Cette restructuration du paysage des fournisseurs mondiaux aurait certainement des impacts sur la production mondiale et par la suite sur le prix (L'USGS estime que les réserves mondiales potentielles, plus ou moins commercialement exploitables, pourraient s'élever à 47 milliards de tonnes). Des potentiels de taille, qui pourront éventuellement bouleverser la donne des pays leaders sur ce marché et, à leur tête, le Maroc (le Maroc, les Etats-Unis et la Chine représentent aujourd'hui, à eux trois, les deux tiers de la production mondiale, et une proportion similaire des réserves). Ce qui implique une optimisation de la gestion des ressources en phosphates, qui passe également par une amélioration des techniques d'extraction et de transport du minerai. Sans compter la nécessaire adoption de pratiques agricoles plus «durables» dans l'utilisation des engrais. L'OCP prend les devants Conscient de la reconfiguration en cours au niveau international et du déséquilibre prévu entre l'offre et la demande en matière de phosphates, l'OCP a pris les devants. Cela fait déjà quelques année que leader mondial a commencé sa stratégie de renforcement afin de se maintenir en tête et mettre en avant ses atouts, son expérience et son savoir-faire pour sécuriser ses marchés. La stratégie de développement à l'international du groupe OCP porte notamment sur des partenariats durables avec ses clients. Cette coopération touche aussi bien les accords de livraison à moyen et long terme que la construction d'unités de production. Dans cette optique, des unités basées au Maroc et à l'étranger sont en exploitation en joint-venture avec des partenaires. D'autres axes de collaboration sont également à l'étude ou en cours de réalisation, notamment avec l'Iran, le Pakistan et le Brésil. Plusieurs filiales spécialisée dans la valorisation du phosphate ont ainsi vu le jour : Prayon (50% OCP, 50% SRIW-Belgique), Emaphos (Euro-Maroc Phosphore : 1/3 OCP, 1/3 Prayon, 1/3 CFB), Imacid (1/3 OCP, 1/3 Chambal Fertiliser-Inde, 1/3 Tata Chemicals Ltd-Inde ), Zuari Maroc Phosphate (50% OCP, 50% Chambal Fertiliser-Inde), Pakistan Maroc Phosphore S.A. (50% OCP, 25% FFBL, 12,5% Fauji Foundation, 12,5% FFCL).