Spécialiste en intelligence économique Loin de l'élan initial qui avait porté le complexe Noor au rang d'emblème mondial du solaire, l'Exécutif affiche à présent une volonté plus mesurée de débloquer le financement public pour l'hydrogène vert. La déclaration de la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable marque-t-elle une prise de conscience nette de l'exécutif quant à la nécessité de lier les financements publics à la compétitivité des projets? Pour accompagner la transition énergétique, l'Etat s'est historiquement appuyé sur différents leviers de financement, notamment auprès des bailleurs de fonds internationaux. Toutefois, le retrait des Etats-Unis du New Green Deal, sous l'administration Trump, a soulevé des interrogations sur la viabilité de certaines stratégies énergétiques. Cette situation a restreint les possibilités de financement, poussant l'Exécutif à adopter une approche différente pour l'hydrogène vert. Désormais, l'Etat met à disposition le foncier, mais transfère le risque financier au secteur privé. Justement, quel rôle est dévolu au secteur privé dans la nouvelle stratégie hydrogène, au-delà de la simple mise à disposition du foncier ? L'hydrogène vert a le potentiel d'améliorer significativement le mix énergétique national. Mais la compétitivité de ce vecteur énergetique est limitée, sauf dans certains secteurs comme le transport maritime, où il peut représenter une alternative intéressante, notamment pour les flottes bénéficiant de subventions publiques. Or, avec le désengagement progressif des financements publics, la question des ressources se pose avec acuité. Comment le gouvernement entend-il garantir un coût du kilowattheure suffisamment bas pour rendre l'hydrogène vert compétitif, tout en évitant les surcoûts ? La production de l'hydrogène requiert une quantité importante d'électricité. Pour générer un kilowattheure d'hydrogène «vert», il faut accéder à une électricité à très bas coût, en l'occurrence puiser dans le solaire et l'éolien pour espérer rendre cette filière économiquement viable.... Quel retour d'expérience tirer de l'expérience Noor, et comment peut-elle éclairer la stratégie hydrogène pour éviter les mêmes écueils ? L'expérience du programme Noor offre des enseignements précieux, notamment sur la nécessité de mieux maîtriser les choix technologiques et les coûts associés. S'engager dans une filière où la technologie reste à l'état embryonnaire comporte des risques, d'autant que le Maroc ne bénéficie pas encore d'un transfert de savoir-faire à long terme. Sans un projet solidement structuré et axé sur une production locale «Made in Morocco», l'intérêt économique d'investir dans cette technologie peut être remis en question. Solliciter des financements pour des projets dont les bénéfices économiques à long terme sont incertains reviendrait à engager des ressources sans garantie de retour sur investissement. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO