Les amendements approuvés lors de l'examen du PLF 2025 en 1ère lecture apportent un éclairage intéressant sur les priorités économiques et fiscales du gouvernement. Loin d'être anodins, ces changements traduisent les rapports de force au Parlement. L'adoption en première lecture du Projet de loi de finances (PLF) 2025 par la Chambre des représentants a été l'occasion d'apporter plusieurs amendements au texte initial. Sur les 541 amendements proposés, 48 ont été acceptés, dont seulement 3 émanant de l'opposition parlementaire. Cette faible proportion, à peine 3,8%, souligne la difficulté pour les les partis de l'opposition de faire entendre leur voix sur des sujets aussi cruciaux que le budget de l'Etat. Malgré cela, les amendements retenus donnent un éclairage intéressant sur les préoccupations majeures en matière fiscale et douanière pour l'année à venir. Zoom sur les principales modifications approuvées, en attendant ce qu'il adviendra au niveau de la 2e Chambre. Douanes: des ajustements tarifaires ciblés Sur le volet douanier, la majorité des amendements concerne des ajustements tarifaires sur des produits spécifiques. On peut citer la modification du taux pour le chapitre 95 relatif aux jeux et jouets, proposée par le groupe socialiste. L'exécutif a également obtenu l'adoption d'amendements visant à revoir les droits de douane sur certains codes tarifaires liés aux produits de la minoterie (chapitre 164) et aux papiers et cartons (nouveau code 164 bis). Fiscalité directe : quelques avancées sur le régime des exonérations C'est surtout sur la fiscalité directe que les changements ont été les plus nombreux. En tête, les exonérations prévues par le Code général des impôts ont focalisé l'attention avec une douzaine d'amendements acceptés. Parmi les principaux, l'exonération temporaire des plus-values de cession d'actifs immobiliser réinvesties (art. 57) a été étendue aux personnes morales sur proposition de l'opposition de gauche. Cela élargit le dispositif d'exonération fiscal pour favoriser le réinvestissement des entreprises. Ensuite, le régime d'exonération des indemnités de départ volontaire (art. 57) a été clarifié par la majorité, apportant plus de lisibilité sur ce dispositif fiscal pour les entreprises et les salariés concernés. Pour les entreprises industrielles exportatrices, un toilettage rédactionnel de leur exonération (art. 57) a été opéré par la majorité, probablement pour la rendre plus lisible et opérationnelle. Concernant l'immobilier des particuliers, l'exonération pour l'acquisition d'un terrain à usage d'habitation principale (art. 61) a été étendue, facilitant cet investissement. Et l'exonération des plus-values immobilières des artisans a été réintroduite (nouvel art. 62), leur permettant de bénéficier à nouveau de ce régime avantageux lors de cessions. Par ailleurs, la majorité parlementaire a également obtenu des précisions sur le régime de la taxe sur les profits immobiliers, notamment le mode de calcul de l'abattement applicable (art. 65), sécurisant ce dispositif fiscal. Elle a aussi réussi à assouplir le régime de la TVA immobilière en élargissant les cas ouvrant droit à exonération avec possibilité de déduire la TVA (art. 92), une mesure favorable aux opérateurs immobiliers. On constate donc de nombreux aménagements et ajustements du régime des exonérations fiscales, visant pour la plupart à le rendre plus avantageux pour les différents acteurs économiques concernés. Contrôle fiscal : un durcissement contesté En revanche, un amendement gouvernemental très controversé a été adopté, durcissant les sanctions à l'encontre des notaires dans le cadre du contrôle fiscal (art. 207). Cet amendement gouvernemental concernant le durcissement des sanctions à l'encontre des notaires dans le cadre du contrôle fiscal a suscité de vives critiques et tensions. Vivement contesté par l'opposition qui a tenté en vain de le faire supprimer, ce changement risque d'alimenter les tensions avec la corporation notariale. Tout d'abord, le rôle du notaire dans le contrôle fiscal est essentiel. En tant qu'officier public, il est soumis à des obligations déclaratives importantes sur les transactions immobilières, successions, donations, etc. Cela permet à l'administration fiscale de disposer d'informations fiables pour effectuer les contrôles nécessaires. Jusqu'à présent, les sanctions, en cas de manquements dans ces obligations, étaient relativement modérées pour les notaires. Cet amendement durcit considérablement le régime de sanctions applicables. Les pénalités financières pourraient ainsi être alourdies en cas d'omissions, de retards ou d'erreurs dans les déclarations obligatoires des notaires. Pour le gouvernement, ce durcissement vise à renforcer la prévention et la lutte contre la fraude fiscale. Les notaires, en tant que tiers de confiance, doivent être pleinement responsabilisés et les manquements sanctionnés sévèrement. Mais cette mesure a été vivement critiquée par l'opposition et la corporation notariale elle-même. On lui reproche une approche trop répressive qui dénature le rôle de conseil du notaire. Celui-ci pourrait hésiter à prendre des risques au détriment de ses clients. Le climat de défiance envers la profession notariale s'en trouverait dégradé. De plus, les notaires font déjà l'objet d'un strict contrôle disciplinaire par leur ordre professionnel. Alourdir les sanctions fiscales reviendrait selon eux à un doublon inutile et contre-productif pour leur activité. Ce bras de fer avec le gouvernement sur ce point précis illustre les tensions récurrentes sur l'encadrement du contrôle fiscal et le risque de dérive d'un système jugé trop répressif par certains. Incitations fiscales: des avancées limitées Enfin, sur le front très attendu des incitations fiscales en faveur de l'investissement, de l'emploi ou de la transition énergétique, les progrès restent limités. Seul un amendement gouvernemental élargissant légèrement le crédit d'impôt pour l'embauche de jeunes diplômés (art. 160 ter) a été accepté. Préserver les grands équilibres économiques et financiers initialement prévus Au-delà des considérations politiques, le rejet de la plupart des amendements suggérés par les parlementaires reflète sans doute la volonté du gouvernement de préserver les grands équilibres économiques et financiers initialement prévus dans le PLF 2025. Les enjeux autour de la mobilisation des recettes fiscales et douanières sont en effet cruciaux pour atteindre les objectifs budgétaires. Le PLF 2025 poursuit désormais son parcours législatif avec son examen par la Chambre des conseillers. Reste à voir si de nouveaux amendements seront proposés et retenus lors de cette nouvelle étape parlementaire. Une chose est sûre, les dispositions fiscales et douanières demeureront au cœur des discussions et arbitrages à venir. Bilal Cherraji / Les Inspirations ECO