Huit ans après la dernière rencontre ministérielle, la ville de Rabat ravive le dialogue méditerranéen autour de la souveraineté alimentaire et des défis climatiques. Sous la présidence du tout nouveau ministre de l'Agriculture, Ahmed El Bouari, la capitale marocaine accueille la 12e réunion des ministres des 13 pays membres du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM), marquant un tournant dans la coopération pour des systèmes agroalimentaires plus résilients et durables. Après le récent remaniement ministériel, le nouveau ministre de l'Agriculture, Ahmed El Bouari, préside pour la première fois un événement international de cette envergure. Accompagné par Frida Krifca, présidente du conseil d'administration du CIHEAM, et en présence des délégations des 13 pays membres, El Bouari a ouvert cette rencontre avec pour objectif de replacer la souveraineté alimentaire et la gestion durable des ressources au cœur de la coopération méditerranéenne. Dans ce contexte, la réunion ministérielle cherche à répondre aux défis de résilience alimentaire et de développement durable, des enjeux devenus cruciaux pour la région. Un dialogue stratégique autour de la souveraineté alimentaire Cette 12e édition s'inscrit dans la lignée des dialogues méditerranéens du CIHEAM sous le thème de «Une approche méditerranéenne de la souveraineté alimentaire». Les ministres et chefs de délégations ont abordé des questions essentielles comme la gestion de l'eau, les impacts du changement climatique ainsi que l'intégration des jeunes et des femmes dans les chaînes de valeur agroalimentaires. «Cette réunion intervient à un moment crucial, où les enjeux de sécurité alimentaire et de sécheresse nécessitent une coordination accrue, notamment dans la formation et la recherche», a souligné le ministre espagnol de l'Agriculture, Luis Planas, en rappelant l'importance de cette rencontre et du CIHEAM. Créé en 1962, le centre s'est imposé comme un pilier de la coopération régionale pour le développement agricole et rural. Des réunions précédentes, comme celles tenues à Istanbul en 2010 et à Alger en 2014, ont ouvert la voie à des avancées sur la sécurité alimentaire et l'agriculture familiale. Philippe Gustin, directeur de cabinet de la ministre française de l'Agriculture, Annie Genevard, retenue en France par de violentes intempéries, a souligné l'importance de cette collaboration continue, rappelant que «la multiplicité des crises actuelles exige un front commun pour faire face aux défis du changement climatique, de la limitation des ressources en eau et de la perte de biodiversité». Engagement renouvelé du Maroc pour un avenir inclusif Le Maroc, membre actif du CIHEAM depuis 1990, témoigne une fois de plus de son rôle moteur dans la promotion d'une agriculture inclusive et résiliente. En accueillant cette réunion, le Royaume affirme sa volonté de renforcer les domaines de la recherche, de l'éducation et de la gestion durable des ressources. Avec des initiatives comme la stratégie agricole «Génération Green» et la stratégie «Forêts du Maroc», le pays ambitionne de concilier les impératifs de production agricole et de préservation des écosystèmes, dans une perspective de développement durable à long terme. Une conférence en prélude pour préparer la feuille de route «4 pour 1000» En préparation de cette réunion ministérielle, le secrétaire général du ministère de l'Agriculture, Redouane Arrach, a présidé à Rabat la Conférence méditerranée sur l'agroécologie, sous le thème «Ensemble, soutenons la santé des sols dans le contexte méditerranéen». Cette rencontre a rassemblé des décideurs politiques, des chercheurs, des représentants d'organisations agricoles, des ONG, ainsi que des acteurs du secteur privé, pour débattre des opportunités qu'offrent l'agroécologie et la séquestration du carbone dans les sols pour la durabilité des systèmes agricoles. La conférence a été organisée en collaboration avec plusieurs partenaires de renom, tels que le CIHEAM, l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II et le CIRAD. En ligne de mire, l'élaboration d'une feuille de route régionale dans le cadre de l'initiative «4 pour 1000», lancée lors de la COP21 par la France, qui vise à renforcer la capacité des sols à stocker du carbone, contribuant ainsi à l'atténuation du changement climatique. Perspectives pour un avenir résilient et durable La conférence d'agroécologie a permis de formuler plusieurs recommandations, parmi lesquelles un parcours d'action régional pour la santé des sols et la séquestration du carbone. Ces propositions seront examinées par les ministres du CIHEAM lors de la réunion ministérielle, avec pour ambition de promouvoir des pratiques agricoles plus durables et de répondre aux enjeux du réchauffement climatique en Méditerranée. Dans un contexte où les sols jouent un rôle central dans la capture du carbone et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le renforcement des pratiques agroécologiques et la conservation de la biodiversité apparaissent comme des solutions porteuses pour garantir la résilience agricole. À l'échelle internationale, la séquestration du carbone dans les sols est perçue comme une réponse naturelle et prometteuse à la crise climatique. Lors de la dernière COP 28 de la CCNUCC à Dubaï, les pratiques agricoles durables ont été mises en avant pour atténuer les effets du réchauffement climatique. Le CIHEAM, en tant qu'acteur clé de la région, espère ainsi consolider son rôle de catalyseur de solutions novatrices pour l'agriculture méditerranéenne, en conjuguant préservation de l'environnement et sécurité alimentaire pour les générations futures. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO