À l'occasion de l'anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, 4.831 personnes condamnées, poursuivies ou recherchées dans des affaires liées à la culture du cannabis ont bénéficié d'une grâce royale. Objectif : permettre à ces citoyens de s'intégrer dans la nouvelle stratégie nationale de production licite du cannabis. Le potentiel est certain, puisque ce secteur enregistre une très forte croissance. Le Maroc est en train de prendre avec brio le virage de la légalisation encadrée de la culture de cannabis. Plus stratégique que les considérations économiques qui sont associées à cette ambition, l'impact social est profond, en particulier dans les régions où la culture du cannabis était autrefois une activité clandestine. En témoigne la grâce royale accordée à 4.831 personnes condamnées, poursuivies ou recherchées dans des affaires liées à la culture du cannabis, remplissant les conditions requises pour bénéficier de la grâce. Cette décision, annoncée à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, a pour but de permettre aux bénéficiaires «de s'intégrer dans la nouvelle stratégie, dans laquelle se sont engagées les provinces concernées, suite à la création de l'Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis, et dans l'impact structurant de son activité aux niveaux économique et social à travers l'industrialisation, la transformation, l'export du cannabis et l'importation de ses produits à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles, ainsi que sa contribution au développement des cultures alternatives et des activités non-agricoles», est-il expliqué dans le communiqué du ministère de la Justice, publié à cette occasion. À ce sujet, le directeur général de l'Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC), Mohamed El Guerrouj, a pour sa part souligné, lors d'un point de presse, que cette Haute initiative royale marque «une étape clé» et «un point d'inflexion vers l'élimination des superficies et des cultures illicites», en les remplaçant progressivement par des cultures licites et des activités alternatives. Il s'agit donc, indéniablement, d'une opportunité de réinsertion économique et sociale qui est à présent offerte à cette communauté, afin de bénéficier de l'élan d'un secteur qui montre un potentiel des plus prometteurs. Il suffit, pour en attester, de voir la croissance spectaculaire du nombre d'autorisations délivrées par l'ANRAC, en plus des mesures prises afin de réussir la structuration rigoureuse du secteur. Explosion des autorisations en 2024 En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi 13-21, le nombre d'autorisations accordées pour la culture, la production, la transformation, et la commercialisation du cannabis licite a explosé. Selon les données les plus récentes de l'ANRAC, 3.029 autorisations ont été délivrées en 2024, contre seulement 721 en 2023. Cette augmentation exponentielle reflète l'engouement des agriculteurs pour cette nouvelle filière et l'engagement des autorités à réguler ce secteur de manière transparente. C'est ainsi que, depuis le début de cette année, 2.837 autorisations ont été accordées à 2.659 agriculteurs pour la culture et la production de cannabis, traduisant une hausse spectaculaire par rapport aux 430 autorisations délivrées en 2023. Ce chiffre souligne l'ampleur du virage vers une production légale, encadrée par des mesures strictes pour assurer la conformité aux normes nationales et internationales. En parallèle, 192 autorisations ont été accordées à 98 opérateurs en 2024, contre 291 autorisations à 138 opérateurs en 2023. Ces autorisations couvrent divers domaines, dont la plupart (60) concernent la transformation. Les autres couvrent les volets de la commercialisation (49), l'exportation (39), l'importation des semences (24), le transport (18), l'exportation des semences (1) et la création et l'exploitation de pépinières (1). La variété «Beldia» : une valorisation sous haute surveillance La mise en avant de la variété locale de cannabis, la «Beldia», est un élément clé de la stratégie nationale. Cette variété, historiquement cultivée au Maroc, bénéficie désormais d'une reconnaissance officielle et d'un cadre de culture strictement encadré. En 2024, l'ANRAC, en concertation avec l'ONSSA, a autorisé l'utilisation de 1.634 quintaux de semences de la variété «Beldia» sur une superficie de 1.916 hectares, répartis entre 106 coopératives regroupant 1.816 agriculteurs. Notons que la culture de la variété «Beldia» est encadrée par un protocole strict qui impose aux coopératives de production de respecter des conditions spécifiques pour assurer une traçabilité complète. Parmi ces conditions, l'obligation de tenir un registre détaillé des semences «Beldia» utilisées, permettant de suivre précisément la production, du champ jusqu'au produit fini. S'y ajoute, aussi, l'obligation pour les opérateurs de s'engager à acheter la totalité de la production de cannabis «Beldia» pour une utilisation licite. Toute production excédant la teneur autorisée en THC (supérieure ou égale à 1%) doit être détruite si elle ne peut être vendue à une industrie pharmaceutique. Enfin, ledit protocole impose la réalisation d'analyses de conformité, pour garantir que la teneur en THC de la production finale est inférieure à 1%, conformément aux exigences réglementaires. Une législation innovante La loi 13-21, qui encadre les usages licites du cannabis, est un exemple d'innovation législative visant à structurer un secteur sensible tout en protégeant les petits agriculteurs. La législation impose une organisation professionnelle rigoureuse, où les agriculteurs sont tenus de se regrouper en coopératives pour pouvoir vendre leur production. Ces coopératives sont les seules habilitées à établir des contrats de vente avec les opérateurs autorisés, garantissant ainsi une protection accrue pour les petits producteurs face aux fluctuations du marché. Premier point clé de cette législation, la stricte limitation des autorisations de culture aux agriculteurs des trois provinces historiquement reconnues pour cette culture (Al Hoceïma, Chefchaouen et Taounate). La finalité en est d'éviter une expansion incontrôlée de la culture du cannabis. Ainsi, aucune nouvelle surface ou nouvel agriculteur ne peut être intégré à ce dispositif. Par ailleurs, la loi impose la fixation préalable du prix de vente de la production de cannabis dans un cadre contractuel avec les opérateurs autorisés. Cela permet aux agriculteurs d'avoir de la visibilité sur leurs revenus annuels avant le début de la saison de culture, réduisant ainsi les risques économiques. Troisième point clé : Les agriculteurs autorisés peuvent désormais accéder aux subventions publiques et aux programmes de financement réservés aux autres secteurs agricoles, facilitant les investissements nécessaires à l'amélioration de leurs pratiques et à la modernisation de leurs systèmes de production. Sami Nemli / Les Inspirations ECO