Si pour Attijari Global Research (AGR), la tendance est clairement à la stabilité du taux directeur pour au moins les deux prochains trimestres, les analystes du département Analyse et recherche d'Attijariwafa bank envisagent même une première baisse fin 2024 si l'inflation continue à se réduire. C'est quasiment acté. Sauf cas de force majeure, Bank Al-Maghrib ne devrait en aucun cas relever son taux directeur, du moins pour les deux prochains trimestres. Les analystes semblent en être convaincus. Dans une note dédiée, le département analyse et recherche d'Attijariwafa bank prévoit le maintien du taux directeur (TD) stable à 3% sur les six prochains mois en raison des «conditions de financement de l'économie qui demeurent adéquates dans le contexte actuel, marqué par le démarrage d'un cycle intense d'investissement, ainsi que par la tendance à l'inflation». AGR estime qu'avec les nouvelles projections d'inflation de Bank Al-Maghrib (BAM), elle a plus de clarté quant à la fin du cycle de resserrement monétaire. Une situation, si elle perdure, pourrait conduire, in fine, à une nouvelle étape d'assouplissement. Un assouplissement justifié par «l'atténuation des pressions sur la rémunération de l'épargne grâce à la désinflation, le pivot monétaire attendu à l'international, et les nouveaux enjeux économiques et échéances auxquels le Maroc fait face». En attendant, les analystes d'AGR pensent que BAM a émis des signaux favorables. Outre la baisse plus rapide de l'inflation en 2024, ils évoquent la nette détente des pressions sur la rémunération de l'épargne nationale, l'absence de tension sur le dirham durant le premier trimestre, et les projections de croissance moins «favorables» en 2024. 4e statu quo de suite Il faut rappeler qu'il s'agit du 4e statu quo consécutif du taux directeur à 3% depuis 2022. Cette pause intervient, il faut se le remémorer, après une phase monétaire restrictive de BAM durant la période allant de septembre 2022 à mars 2023, marquée par un relèvement cumulé du TD de +150 points de base (pbs). Toujours est-il, au niveau de l'inflation, AGR table sur la poursuite de la tendance baissière durant les prochains mois. Il anticipe même qu'elle retombe en territoire négatif avant de repartir légèrement à la hausse vers le deuxième semestre (S2) 2024, tenant compte des effets progressifs de la décompensation du gaz en 2024, qui est l'une des principales mesures budgétaires déflationnistes de l'Etat en faveur du soutien du pouvoir d'achat des ménages. Elle s'ajoute au programme d'urgence d'environ 10 MMDH en faveur du secteur agricole mis en place en 2023 qui porte sur le soutien aux chaînes de production, et dont les effets sont visibles depuis le T1-24. «Il est également question de la limitation des exportations de quelques produits alimentaires, conjuguée à des températures plus clémentes durant le T1-24, qui ont contribué à la maturité des cultures nationales et à leur disponibilité sur les marchés», rappelle AGR. Résultat : l'inflation alimentaire n'a cessé de baisser depuis février 2023 pour atteindre 6,7% à fin décembre 2023. Sur le registre de la détente des pressions sur la rémunération de l'épargne nationale, AGR rappelle que les taux réels repassent, pour la première fois depuis leur inversion en octobre 2021, en territoire positif, et ce, compte tenu d'une inflation qui a franchi à la baisse la barre des 3% à 2,3% en février 2024. Une évolution qui atténue fortement les pressions sur l'épargne nationale. Pour ce qui est du dirham durant le T1-24, le broker ne relève pas de pressions majeures sur le panier de devises de référence de la monnaie nationale dans un contexte où la Fed et la BCE vont entamer un revirement stratégique de leur politique monétaire après des hausses cumulées importantes de +550 pbs et de +450 pbs des TD. Les parités USD/MAD et EUR/MAD affichent dans ces conditions des baisses respectives de -3,4% et -0,9% à la mi-mars 2024. «Néanmoins, la vigilance reste de mise, tenant compte d'une éventuelle poursuite du flottement du dirham en 2024», préviennent les analystes. Conjoncture difficile La révision des projections de croissance par BAM en 2024 permet à AGR de juger que «l'activité économique nationale devrait être une nouvelle fois pénalisée par une 3e année successive de sécheresse, marquée par une très faible campagne agricole sur la dernière décennie». Ceci dit, les analystes estiment que la croissance nationale resterait soutenue par des investissements publics et privés record ainsi que par l'opérationnalisation des plans inédits de relance et de réhabilitation de la région du Sud, dans un contexte où les conditions de financement de l'économie demeurent très confortables, ne nécessitant pas d'intervention rapide de l'institution monétaire. De quoi laisser présager une première baisse du TD en fin d'année 2024, si les conditions demeurent propices à la poursuite de la désinflation au Maroc. Sami Nemli / Les Inspirations ECO