Fondateur et directeur général de Carré Immobilier, membre de Royal institution of chartered surveyors Au-delà des facteurs conjoncturels, l'immobilier est confronté à des mutations profondes liées, notamment, au changement des comportements des utilisateurs et à la transition écologique. Nous sommes sur un point d'inflexion où des changements s'opèrent, observe William Simoncelli, fondateur et directeur général de Carré Immobilier, membre de Royal institution of chartered surveyors (RICS). Le marché immobilier a évolué en montagnes russes au cours des deux dernières années. Comment se comporte-t-il aujourd'hui ? Dans l'immobilier tertiaire, nous relevons, depuis le début de l'année, une demande de bureaux et d'entrepôts à la location plus dynamique comparativement à 2020 et 2021. Le mouvement s'est accéléré au cours des trois derniers mois. Cependant, nous n'avons pas encore retrouvé les niveaux de 2019 sachant qu'il y avait, avant le déclenchement de la crise sanitaire, les prémices d'un ralentissement. Ces deux dernières années, il y a un impact Covid certain sur le secteur mais aussi un malaise qui était déjà existant. À quoi l'imputez-vous ? L'une des explications se trouve dans le changement des comportements des utilisateurs. Ils ont des exigences de plus en plus fortes liées aux enjeux de développement durable, au bien-être des salariés... Nous avons une vraie demande de la part tant des sociétés étrangères que des grandes entreprises marocaines portant sur un immobilier qui répond à la législation en termes de sécurité et apporte un certain confort à leurs collaborateurs. Elles requièrent des immeubles avec des certifications, des empreintes carbones les plus faibles possibles, une gestion différente de l'aération… Nous avons de plus en plus un retour à du bon sens dans l'approche immobilière. Nous sommes également sur un point d'inflexion avec des changements qui s'opèrent. Le secteur est triplement impacté par la flambée des prix des matières premières, le changement de comportement des utilisateurs et la transition écologique. Ce sont des mutations profondes et majeures qui vont avoir un vrai impact sur notre quotidien. Les opérateurs ont-ils pris la mesure des enjeux ? Ceux qui ne vont pas s'adapter vont disparaître, pas tout de suite, mais peut-être dans dix ou vingt ans. Au Maroc, les transformations s'opèrent avec un temps de retard par rapport à l'Europe qui, elle-même, vit les mutations en décalé par rapport aux Etats-Unis. Du coup, nous vivons ici les choses plus brutalement, et nous sommes obligés de nous mettre au pas. Nous sommes à un moment assez particulier de l'immobilier au Maroc. Les prix ont atteint un tel niveau que les acheteurs ou les locataires sont prêts à patienter pour trouver la meilleure offre en termes de rapport qualité/prix. Cela est dû au fait que les consommateurs ont pris le pouvoir sur l'offre. Aujourd'hui, le rapport de force penche en faveur des acquéreurs et des locataires. Ainsi, lorsqu'un bien n'est pas dans le «scope» des utilisateurs, sa valeur va baisser… Il ne prendra de la valeur que s'il répond à leurs exigences. Cela vaut pour les ventes mais aussi pour les loyers. De ce fait, il va y avoir de la redistribution. Certains immeubles vont perdre de la valeur parce qu'ils ne sont plus conformes aux besoins des utilisateurs. L'enjeu, aujourd'hui, est de satisfaire les attentes des consommateurs. À défaut, les immeubles ne se rempliront pas. BIO-EXPRESS William Simoncelli est le fondateur et le directeur général de Carré Immobilier, une société de conseil en immobilier d'entreprise, qu'il a créée en 2002 à Casablanca et dont les activités sont l'expertise immobilière, les études, le conseil, l'investissement, le capital market, l'immobilier d'entreprise et l'immobilier résidentiel. Il a débuté sa carrière en 1995, en France, dans le conseil immobilier. En 2013, il intègre la Royal institution of chartered surveyors (R.I.C.S.), une organisation professionnelle internationale qui promeut la profession immobilière en faisant appliquer des normes professionnelles et éthiques, et propose des solutions aux défis majeurs auxquels le secteur est confronté. L'année suivante, il cofonde, avec trois autres sociétés (CBRE, Colliers et JLL), le GIE Statimmo Maroc dont l'objet est de recenser les transactions réalisées sur le marché de bureaux et logistique, ainsi qu'en matière d'investissement. En janvier 2020, il cofonde La FrenchTech Maroc en qualité de spécialiste PropTech où il anime une communauté PropTech et ConTech constituée d'une vingtaine de membres passionnés par l'innovation, la technologie et le digital, tous issus d'entreprises diverses gravitant autour des domaines de l'immobilier et de la construction. Franck Fagnon / Les Inspirations ECO