C'est officiel. Le dialogue avec les associations démarrera le 22 avril prochain. Contacté, Ismail Alaoui, président de la commission nationale chargée de la supervision de ce dialogue, affirme que la prise de contact avec la société civile débutera dès que le règlement intérieur de ladite commission sera adopté. Une dead line, le 21 avril, a été fixée pour boucler ce chapitre organisationnel, qui n'a pas été une promenade de santé pour le ministre de tutelle, Habib Choubani. En effet, la défection du trio Mohamed Tozy, Abdellah Saâf et Abderrahim El Jamai a eu l'effet d'une secousse. Rappelons que Tozy et Saaf faisaient partie de la commission royale chargée de la réforme de la Constitution. Pour Choubani, qui espérait une reprise de langue sans cahot avec le monde associatif, cet épisode est loin d'être réjouissant. Ce n'est pas fini. Le dialogue a commencé par un camouflet émanant de forums d'associations qui sont des poids lourds, parmi lesquels, le Forum de la dignité s'est également retiré des travaux de la commission. Comble de la contradiction, ce forum est présidé par Abdelali Hamieddine, membre du SG du PJD et rapporteur de la commission de dialogue. Par ailleurs, la circulaire de Choubani datant de juillet 2012 est restée en travers de la gorge des responsables associatifs. Un collectif de 350 ONG, via notamment le fameux Appel de Rabat, a critiqué les obstacles au financement dressés par la circulaire. Celle-ci stipule qu'un représentant du ministère des Relations avec le Parlement et la société civile doit être présent pour toute signature d'un partenariat dont le montant dépasse 50.000 DH. Par ailleurs, la publication de la liste des associations qui profitent d'un financement étranger n'a pas été du goût des associations de grand gabarit. À l'époque, Choubani pouvait être sûr que le dialogue avec les associations ne pouvait plus avoir lieu dans un cadre serein. Pour Ismail Alaoui, la commission n'a pas vocation à mener le dialogue entre ses membres. «Le dialogue se passe en dehors de la commission, en respect des dispositions de la Constitution qui tendent à renforcer le rôle du tissu associatif», tranche-t-il. Justement, cette consultation a pour objectif d'inclure les acteurs concernés dans la préparation des lois organiques et autres, qui devront gérer le travail des associations en toute transparence. Pour ce faire, le président de la commission ne jure que par le travail de terrain, principalement dans les régions. En effet, il est difficile de sonder les avis de 93.000 associations qui œuvrent sur le terrain, mais il y a toujours moyen de constituer des masses critiques par voie de délégation. Bien qu'il appartienne à un parti de la majorité, le PPS dont il est président d'honneur, Ismail Alaoui ne cesse de répéter que la commission est indépendante. Les associations voudraient bien le croire, mais il est difficile de l'admettre face à une présence trop visible du PJD à travers le ministre et le rapporteur de la commission. En tout cas, son président reste ouvert à tout changement d'opinion de la part des personnalités qui l'ont boycottée. Ismail Alaoui nous confie que Me Jamaï lui a promis par deux fois de le rappeler pour une éventuelle discussion sur sa position. Abstraction faite de ces micmacs, le responsable considère que le problème de fond dépasse les susceptibilités entre personnes. L'essentiel est d'appliquer la Constitution, en renforçant la place de la société civile et partant, la démocratisation du pays. Mais peut-on alors espérer un renforcement de l'aide étatique en faveur des associations actives ? Ismail Alaoui l'espère. En tout cas, l'aide existe pour les associations reconnues d'utilité publique et pour celles qui agissent dans le cadre de l'INDH. Toutefois, il faut savoir que pour accéder au rang d'utilité publique c'est la croix et la bannière. Les critères sont généralement trop verrouillés et pas assez clairs. Seules les associations ayant pignon sur rue arrivent à joindre les deux bouts. L'objectif aujourd'hui est de réorganiser et de renforcer l'aide étatique, selon des critères nouveaux et transparents. L'éternel bras de fer entre partis et associations Le dialogue sur la société civile, lancé par le département de Habib Choubani, montre à quel point les deux mondes politique et associatif sont inconciliables. Les deux instances se livrent, depuis toujours, une concurrence acharnée. De plus, les partis politiques n'ont jamais caché leur crainte à l'égard d'une société civile dynamique, susceptible de leur faire de l'ombre. Il est vrai que par leur travail de proximité, les associations sont plus au fait des attentes des citoyens que les partis. Il est donc difficile pour la commission qui ne compte pas en son sein de représentants associatifs, d'établir un contact avec la société civile. Et celle-ci se considère assez mature pour s'affranchir d'une quelconque tutelle. C'est dans ce contexte difficile que la casquette associative de Choubani sera lourde à porter.