Alors que l'usine tangéroise de Renault tourne à plein régime, les plasturgistes commencent à s'inquiéter pour leur part du gâteau. «Selon les termes du contrat signé avec l'Etat marocain, le constructeur automobile français s'est engagé à ce que 60% de la valeur globale d'une voiture qui sort de son usine soit faite localement à l'horizon 2015. Bien évidemment, cela doit se faire graduellement. Seulement, aujourd'hui, et à deux ans de cette échéance, nous sommes encore très loin de ce niveau d'intégration», indique Hicham Elhaid, vice-président de la Fédération marocaine de plasturgie. Depuis que le constructeur français a jeté son dévolu sur la ville du détroit, plusieurs opérateurs étrangers, notamment espagnols, lui ont emboîté le pas pour saisir l'opportunité. Résultat : les plasturgistes marocains jouent des coudes pour se frayer un chemin. Les opérateurs nationaux affirment qu'ils ne manquent pas d'atouts. Mais encore ? «Nous avons tous les moyens pour être en pole position et fournir le constructeur français. À titre d'exemple, nous sommes l'un des leaders mondiaux dans l'assemblage des faisceaux électriques. Pour les réservoirs d'essence et les sièges automobiles, qui sont faits en grande partie de plastique, les opérateurs marocains ont également fait leurs preuves. Malheureusement, le système ne suit pas. Les pouvoirs publics n'ont pas conscience des difficultés d'investissement et ne font pas grand-chose pour accompagner les entreprises marocaines», poursuit Hicham Elhaid. Mission difficile Il faut dire que le marché est de taille. Pour se faire une idée, une voiture est composée de pas moins de 300 kilos de matières plastiques, ce qui devrait normalement être du pain bénit pour les plasturgistes. Hélas... Les professionnels précisent tout de même qu'ils n'ont rien à reprocher à Renault. «Partout où il est passé (Roumanie, Russie...), le constructeur a ramené dans ses valises ses fournisseurs, car son souci est de se servir en bonne qualité et dans les meilleurs délais. Le constructeur français se plaint d'ailleurs qu'il n'y ait pas assez d'équipementiers auprès desquels il peut se fournir», précise le vice-président de la Fédération. Un constructeur cherche d'abord des fournisseurs installés à proximité de ses usines pour gagner du temps et optimiser les coûts. Normal ! Or, «les pouvoirs publics n'ont pas balisé le terrain aux entreprises marocaines pour qu'ils franchissent le pas. À titre d'exemple, rien que l'immobilier à Tanger engloutit une bonne partie du capital, sans compter les autres charges», déplore Hicham Elhaid. Le résultat des courses est que la majorité des plasturgistes préfèrent rester dans les environs de Casablanca, en vue de décrocher des marchés auprès de Somaca. Les plasturgistes ne désespèrent pas pour autant. Au contraire, ils gardent le moral... Perspectives prometteuses Les professionnels assurent que la plasturgie est l'une des filières qui ont le vent en poupe. Selon les responsables de la Fédération, le chiffre d'affaires de la filière devraient passer de 11,3 MMDH, actuellement à 28 MMDH, à l'horizon 2020. Avec un taux de croissance à deux chiffres ces dix dernières années et des investissements massifs eu égard à la forte demande de produits plastiques, le secteur se targue en effet d'une place de choix dans le tissu économique. Pour consolider les acquis, la Fédération s'apprête d'ailleurs à organiser la 5e édition du Salon international du plastique, caoutchouc, composites, emballage et conditionnement pour le Maroc et l'Afrique du Nord, du 19 au 22 juin 2013. C'est l'occasion de faire le point sur l'évolution du secteur et, surtout, de nouer des partenariats en vue de conquérir d'autres marchés. «Nous cherchons à rendre la filière plus structurée, pour développer le produit marocain transformé. La demande ne cesse d'augmenter, car le plastique est une composante importante pour toutes les industries. Nous essayons donc de répondre à cette demande, en misant sur la qualité», explique Younès Lahlou, directeur du Salon. Les opérateurs de plusieurs pays seront de la partie avec l'Espagne comme invité du Salon. Le choix du voisin ibérique n'est guère anodin. «Nous cherchons à développer des joint-ventures avec des entreprises espagnoles pour peser sur le marché marocain, mais aussi à l'étranger», poursuit le directeur du salon. Avec l'invasion des opérateurs espagnols suite à la mauvaise passe que connaît leur pays, autant les avoir comme alliés !