Karim Ghellab, Président de la Chambre des représentants La Chambre des représentants veut absolument retrouver sa popularité et compte capitaliser sur les avancées majeures offertes par la Constitution de 2011. Le président de la première instance législative n'y va pas par quatre chemins pour tracer le cadre des missions encore attendues des députés, qui veulent laisser auprès de l'opinion publique l'image d'un Parlement fort, ne se contentant plus d'approuver et d'applaudir les décisions du gouvernement. Il s'agità présent de faire atteindre au plan stratégique de développement et de mise à niveau de la Chambre des représentants, lancé en 2012, sa vitesse de croisière durant cette deuxième année d'exercice de l'instance présidée par Karim Ghellab. Or, dans ce cadre, c'est le volet institutionnel qui s'avère le plus délicat à résoudre, avec un Parlement voulant afficher son indépendance budgétaire vis-à-vis du gouvernement. «Il faut couper tous ces liens», estime à ce titre Karim Ghellab, qui promet aussi d'œuvrer vers un équilibre envers le gouvernement au niveau de la participation au chantier législatif. Sur les 15 lois organiques qui sont encore au passif du gouvernement, 3 seront l'oeuvre des parlementaires et concernent respectivement les lois sur les commissions d'enquête, des propositions législatives émanant des associations et, enfin, la loi organique sur les pétitions. Pour sa part, la réunion entre Benkirane et le bureau de la Chambre des représentants en fin novembre 2012 avait débouché sur un accord préalable sur plusieurs questions inhérentes à la relation entre les pouvoirs législatif et exécutif et à la mise en œuvre des dispositions de la Constitution. Plusieurs propositions ont été faites, susceptibles de baliser la voie à une meilleure coopération entre les deux institutions et de permettre aux députés de remplir leurs tâches dans les meilleures conditions vers «une réelle séparation des pouvoirs», insiste le président de la Chambre des représentants. Actuellement, les questions se rapportant aux procédés d'action en matière de législation et à la manière d'approcher les propositions de lois formulées par les groupes parlementaires sont les plus instantes. 49 propositions ont jusqu'à présent émané des députés, pour marquer le grand retour des parlementaires au niveau de l'initiative de la législation. Des conventions de partenariat avec les universités pour bénéficier de leur expertise juridique a permis aux 8 groupes présents de s'associer à des praticiens de droit pour améliorer la rédaction finale des propositions de loi. ussi, une ligne rouge a été tracée par les députés afin d'éviter que les départements ministériels ne badinent avec la lenteur de la procédure des convocations et des réunions au sein des commissions. «Les membres de la Chambre des représentants ont l'intention d'exercer pleinement leurs prérogatives législatives», tranche ainsi Ghellab. Et en dépit du fait que l'organisation des réunions avec les ministres soit une procédure qui vient ralentir l'action des députés, les séances mensuelles réservées au Chef de gouvernement sont considérées parmi les principaux acquis de la Chambre. Ghellab ne s'attend pas à la tenue d'une session exceptionnelle après le 13 février, date de clôture de cette session. Pourtant, «si le gouvernement arrive à déposer les lois organiques sur l'amazighité ou encore celle relative aux régions avant cette date, une session exceptionnelle se justifierait parfaitement».La session d'automne, qui reste toujours marquée par le vote annuel du budget, peut servir d'exemple à suivre pour les parlementaires, en attendant l'adoption de la nouvelle loi organique du budget. Les attributions économiques des députés devront aussi subir des changements, qui sont conditionnés cette fois par la réforme du règlement intérieur. Mais c'est la nouvelle loi organique des finances qui focalise actuellement l'attention des composantes de l'instance présidée par Karim Ghellab. Parmi les 8 groupes, un consensus essentiel existe désormais sur le renforcement du rôle du Parlement dans l'élaboration et l'exécution de la loi de finances, surtout qu'actuellement son rôle se limite à l'étude et au vote du projet de loi de finances. Après l'exécution, il ne joue plus aucun rôle. Le gouvernement et le Parlement ont convenu de soumettre des propositions finales relatives à la nouvelle loi organique à une commission technique qui travaille actuellement avec la commission des finances et du développement économique, pour accélérer les délais d'adoption de la loi organique, qui était dans l'agenda du gouvernement sortant de Abbas El Fassi. Deux autres lois organiques hantent aussi l'esprit des députés: la régionalisation avancée et la mise en œuvre de la langue amazighe. Là aussi, une nécessaire synchronisation avec les prochaines échéances électorales s'impose, «car cela sera un danger si on lie une loi aussi cruciale que celle de la régionalisation aux prochaines élections», insiste Ghellab. Le danger de l'instrumentalisation politique de cette législation qui renvoie directement au renouvellement de la 2e Chambre est présent, en raison des divergences de point de vue sur la question entre les partis politiques. «Les insultes envers les parlementaires sont intolérables» «Je n'accepterai jamais que les parlementaires soient insultés». Le président de la Chambre des représentants est catégorique quant aux dérapages qui ont marqué la relation de l'instance législative notamment avec certains organes de presse. «Je ne veux pas que le Parlement se sente victimisé et je prendrai ma responsabilité pour défendre cette institution», tranche Ghellab. Les moments difficiles avec la presse ne doivent pas pour autant éclipser les visées de l'ouverture de la Chambre des représentants sur les divers représentants de la presse nationale. «La formalisation des relations entre les membres de la Chambre et la presse est le troisième axe du plan stratégique de développement et de mise à niveau de la Chambre des représentants. Nous voulons instaurer une vraie professionnalisation», insiste Ghellab, qui garde quand même les pieds sur terre concernant la fin à vue du «dénigrement» du travail des députés. Lire l'interview : «Ne pas confondre le rôle de la régionalisation avec les élections locales»