Le secteur des fruits rouges andalou a annoncé le début du processus de sélection des ouvrières agricoles pour la prochaine saison. Cette année, la filière fera appel à des travailleuses originaires d'Amérique Latine. Est-ce le début de la fin de l'arrivée des saisonnières marocaines en Espagne ? La filière espagnole des fruits rouges met à exécution sa «menace», celle de faire appel à des saisonnières agricoles originaires d'Amérique Latine pour couvrir les besoins du secteur en termes de main-d'œuvre agricole. Selon l'association des jeunes producteurs agricoles Asaja-Huelva, celle-ci a initié le processus de sélection des travailleurs qui seront recrutés durant la prochaine campagne. Jusqu'ici tout va bien : il s'agit de la procédure normale suivie par cette organisation agricole, à l'avènement de chaque année, pour préparer la prochaine saison des fruits rouges. La période de réception des demandes de la part des entrepreneurs et les requêtes pour identifier les besoins des concernés est déjà bouclée, le 26 août précisément. Place maintenant au recrutement. Or, la nouveauté, cette année, comme l'a bien mentionné l'association agricole, c'est qu'elle fera appel à des saisonnières originaires d'Amérique Latine. En effet, dans le cadre d'un projet pilote, l'association sollicitera le recrutement d'environ 500 ouvrières agricoles originaires du Honduras et de l'Equateur, à raison de 250 par pays. L'association Asaja a indiqué qu'il s'agit d'un projet pilote, mais qu'elle ignore toujours les conditions et les exigences de ce recrutement. En tout cas, cette annonce, qui est tout sauf anodine, devra être validée par les autorités espagnoles. Concernant le cas des Marocaines, Asaja a souligné que rien n'est encore décidé. Le doute plane sur le processus de sélection et surtout sur la capacité du contingent. Le secteur penche pour l'arrivée d'ouvrières déjà recrutées précédemment, pour éviter des déplacements in-situ afin d'éviter de la sorte la mise en place d'un processus de sélection. Celui-ci s'avère difficile à réaliser par les temps qui courent et les contraintes de la crise sanitaire. Cette décision sera tranchée lors de la réunion tripartite entre les autorités locales et centrales, les syndicats ainsi que les représentants des patrons des exploitations agricoles, qui aura lieu prochainement. «Nous ignorons toujours la date de tenue de cette réunion, mais nous estimons que le nombre des saisonnières marocaines recrutées pour cette campagne pourrait être identique à celui de la dernière», souligne cette source au sein d'Interfresa, l'Association interprofessionnelle andalouse des producteurs de fruits rouges. Au sujet de cette décision de faire appel aux services de travailleurs en provenance d'Amérique Latine, le porte-parole de l'organisation associative refuse de se positionner. «Si la filière décide de recruter des travailleuses en provenance de pays d'Amérique Latine, nous les accueillerons et leur fournirons la même attention et soutien que nous offrons aux Marocaines qui se déplacent à Huelva, dans le cadre de ce programme de migration circulaire», soutient notre interlocuteur auprès d'Interfresa. En tout cas, les besoins de la filière, en termes de main-d'œuvre, ne seront connus qu'après la communication par le Service andalou de l'emploi (SAE) sur les places vacantes non-couvertes par les travailleurs locaux, qu'il s'agisse de citoyens espagnols ou de résidents légaux. «C'est une fanfaronnade de la part de certains agitateurs du secteur», souligne notre source marocaine proche du dossier, en Espagne. En effet, ce n'est pas la première fois que la filière agite la menace de se passer de la main-d'œuvre nationale. Quand le scandale des abus sexuels, dont ont été victimes des saisonnières de la part de patrons et contremaîtres des fermes agricoles, a éclaté, certaines voix, au sein de ce secteur, ont menacé d'en finir avec l'arrivée des travailleuses agricoles originaires du Maroc. Cependant, et comme au début de chaque saison, les patrons des exploitations agricoles remuent ciel et terre, et mettent la pression sur leurs gouvernants pour accélérer les démarches en faveur du recrutement de ces femmes. «Il est important de rappeler que les saisonnières marocaines, quand elles se déplacent en Espagne dans le cadre de ce projet de coopération, tous les frais sont à leur charge. Que ce soient ceux des visas, du transport via le bateau et même ceux de la réalisation des PCR, comme ce fut le cas lors de cette dernière campagne, où elles étaient appelées à fournir un test PCR négatif pour pouvoir embarquer vers l'Espagne. Recruter des saisonnières en provenance d'un continent aussi lointain que l'Amérique Latine engendre des charges conséquentes que les travailleuses rechigneront à assumer, surtout quand la durée du travail est limitée, et ne dépasse guère quelques mois», soutient notre interlocuteur. Amal Baba Ali / Les Inspirations ECO