Trois accords d'envergure ont été signés devant le souverain, lundi à Fès. Ils porteront le royaume vers une strate supérieure de leadership en matière de lutte contre la Covid-19. Alors que les nouvelles infections augmentent d'une semaine à l'autre, près de 90 % des pays africains n'atteindront pas l'objectif mondial de vacciner un dixième de leur population d'ici septembre prochain, s'est récemment inquiété l'Organisation mondiale de la santé. Un affront fait à l'Afrique que le Maroc compte bien lever ou tout du moins se démarquer en assurant son indépendance vaccinale. L'annonce a été faite par le Roi Mohammed VI à Fès, lors de la signature, lundi, d'un mémorandum de coopération entre le royaume et le groupe pharmaceutique chinois Sinopharm, laquelle signature fait suite à l'entretien téléphonique du 31 août 2020 entre le Roi Mohammed VI et Xi Jinping, président de la république populaire de Chine. Le souverain a en effet présidé la cérémonie de lancement et de signature de conventions relatives au projet de fabrication et de mise en seringue au Maroc du vaccin anti-Covid-19. À l'ouverture de cet évènement, Samir Machour, expert international en biotechnologie industrielle et actuellement vice-président de Samsung Biologics, a présenté le projet de mise en seringue et de fabrication au Maroc du vaccin anti-Covid et autres vaccins. Par la suite, le PDG du groupe Sinopharm, Liu Jingzhen, est intervenu en distanciel depuis la Chine. Le président directeur général de la société Recipharm, Marc Funk, a également présenté le projet d'établissement de capacités de fabrication de vaccins au Maroc. C'est ainsi que trois importants accords ont été signés devant le souverain: le premier est un mémorandum relatif à la coopération pour le vaccin anti-Covi-19 entre l'Etat marocain et le groupe pharmaceutique national de Chine (Sinopharm), signé par le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, et le président de Sinopharm. Le second contrat est un mémorandum d'accord concernant l'établissement de capacités de fabrication de vaccins au Maroc entre l'Etat marocain et la société Recipharm, signé par le ministre de l'Economie, des finances et de la réforme de l'administration, et président du conseil d'administration du Fonds Mohammed VI pour l'investissement, Mohamed Benchaâboun, le président directeur général de la société Recipharm, Marc Funk, et le représentant du consortium de banques marocaines, Othmane Benjelloun. Le troisième contrat, quant à lui, concerne la mise à disposition de l'Etat marocain des installations de remplissage aseptiques de la Société de thérapeutique marocaine (Sothema) pour la fabrication du vaccin anti-Covid-19 propriété de la société Sinopharm entre l'Etat marocain et Sothema, signé par Khalid Ait Taleb, et la présidente directrice générale de Sothema, Lamia Tazi. Un défi à portée continentale Plus que la finalité d'atteindre l'autosuffisance du royaume en la matière, le projet de fabrication locale de vaccins, issu d'un partenariat public-privé, vise à faire du Maroc une plateforme de biotechnologie de premier plan à l'échelle du continent africain et du monde dans le domaine de l'industrie du «fill & finish». Ledit projet prévoit de démarrer à court terme avec une capacité de production mensuelle de 5 millions de doses de vaccins anti-Covid-19, avant de passer à la vitesse de croisière sur le moyen terme. Il nécessitera un investissement global d'environ 421 millions d'euros. L'enjeu dépasse de loin la dimension d'une campagne nationale de vaccination, aussi réussie soit-elle. Il va au-delà de la protection des citoyens contre une maladie potentiellement grave pour anticiper un challenge du futur : se donner les capacités industrielles pour une fabrication locale de vaccins en tous genres. Pour rappel, plus de 10 millions de personnes, dont 9,1 millions avec les deux injections requises, ont été vaccinées au Maroc depuis le début de la campagne de vaccination initiée fin janvier dernier avec les vaccins chinois Sinopharm et britannique AstraZeneca. Ce projet permet, par ailleurs, au Maroc de confirmer une fois de plus son positionnement en tant que figure de proue continentale dans la lutte contre la Covid-19. Il réaffirme également par-là son leadership en Afrique dans un domaine qui reste largement la chasse gardée des grandes puissances mondiales, depuis le début de la crise sanitaire. C'est ce que confirme Layla Laasel Sentissi, directrice exécutive de la Fédération marocaine de l'industrie et l'innovation pharmaceutiques (FMIP), pour qui le Maroc a toujours été un pionnier dans le domaine de l'industrie pharmaceutique au niveau continental et régional. Seulement voilà, ces dernières années, ce leadership a été plus ou moins écorné par l'émergence d'une industrie pharmaceutique régionale. De ce fait, poursuit Layla Laasel Sentissi, «cette initiative royale que nous saluons nous permettra de mieux nous repositionner». Une mission qui n'a rien d'impossible, semble-t-il, d'autant plus que le royaume a tous les atouts techniques et scientifiques, en plus de l'expertise nécessaire, pour réussir ce challenge. Rappelons que le Maroc a pris part, de bout en bout, à des essais vaccinaux multicentriques, avec tout ce qui en découle en termes de transfert d'expertise et d'acquis scientifiques pour le pays. Toujours selon la directrice exécutive de la FMIP, le projet n'est certes pas simple, mais il démontre que le Maroc est capable de fabriquer des vaccins anti-Covid-19 très rapidement. C'était d'ailleurs aussi l'avis du président chinois qui a spécifiquement exprimé la disposition de son pays à promouvoir activement la R&D du vaccin anti-Covid -19 et la coopération en matière de production avec le Maroc. Transfert de technologie Depuis la mise en place du partenariat stratégique entre la Chine et le Maroc en 2016, les relations entre les deux pays ont connu un haut niveau de développement, a également souligné Liu Jengzhen, le PDG de Sinopharm, pendant la cérémonie de signature des trois accords, notant que son groupe a réalisé une bonne coopération avec le gouvernement et les institutions marocains en termes de recherche et de développement du vaccin contre le nouveau coronavirus. Le Maroc a ainsi apporté à Sinopharm une aide solide et un soutien précieux dans les essais cliniques à l'étranger, a souligné Jengzhen. Le même engouement était aussi perceptible chez le PDG de Reciphram. Commentant la portée du projet de la société suédoise, Marc Funk a indiqué qu'il s'agit d'accroître les possibilités d'accès aux campagnes vaccinales, qu'elles soient préventives, endémiques ou pandémiques. La contribution de Recipharm vise à démontrer que le Maroc sera, le plus rapidement possible, «le premier centre d'excellence de remplissage de vaccins injectables par voie parentérale au service du peuple marocain et du continent africain», a poursuivi Funk, notant que Recipharm aidera à poursuivre l'ambition en créant dans un second temps la manufacture des vaccins complets (forme active et remplissage) en partenariat avec les compagnies innovantes dans la branche. Et d'annoncer que son groupe apportera son assistance au pilotage de la construction de l'usine de remplissage de vaccin. Il contribuera également à la formation des équipes de travail au Maroc et en Europe dans les usines Recipharm, au transfert de technologies de manufacture en salle blanche et savoir-faire adéquat, à la gestion de l'usine au Maroc et la garantie de la qualité des lots fabriqués, a expliqué Funk. Khadim Mbaye / Les Inspirations Eco