OFinance vient de publier son premier panorama annuel des pratiques de gouvernance des sociétés faisant appel public à l'épargne suivant les rapports ESG 2020 «Environnement, social et gouvernance», et ce tel que prévu par la circulaire 03/19 de l'AMMC. Malgré les quelques avancées réalisées en termes de pratiques de gouvernance RSE, des efforts doivent encore être fournis. Pour sa première édition, le rapport d'OFinance vise à dresser un état des lieux des pratiques de gouvernance et leur évolution, à mesurer l'écart entre les pratiques de gouvernance de ces émetteurs faisant appel public à l'épargne (APE) et les standards internationaux et à leur fournir un outil d'évaluation de la conformité par rapport au cadre réglementaire. Elaborée à partir d'une data de 90 émetteurs APE et de plus de 50 critères d'analyse, l'étude permettra, selon la société de conseil, de mettre en lumière les pratiques de gouvernance et de pointer les zones de non conformité ainsi que les actions d'amélioration à mettre en place. Le panorama permet ainsi d'identifier les enjeux des réformes réglementaires en cours (amendements en cours de la loi sur la SA et la circulaire de l'Autorité marocaine du marché des capitaux – AMMC) visant à hisser les pratiques de gouvernance et du reporting extra-financier aux meilleurs standards internationaux. Un grand nombre de constats en découlent. Le premier concerne l'information sur la composition et le fonctionnement des conseils d'administration, qui est de plus en plus précise, structurée et accessible. En 2020, plus de la moitié des sociétés ont adopté une présentation structurée de l'organe de gouvernance et de ses différentes caractéristiques (nombre de réunions, assiduité aux réunions, etc). Cependant, malgré le contexte de gestion de la crise sanitaire, le rythme de travail est resté soutenu avec une diversification des thèmes des travaux des conseils d'administration, intégrant progressivement les questions liées à la démarche RSE et à la gouvernance. Compte tenu des restrictions sanitaires, les entreprises ont dû adapter leur méthode de travail et opter pour de nouveaux modes de réunion. Concernant l'approbation des résultats de l'exercice 2020, 32 sociétés cotées ont tenu leur AGO par visioconférence. Concernant l'indépendance des conseils d'administration, l'étude atteste que la majorité des émetteurs ont finalisé le processus de nomination des administrateurs indépendants suivant la disposition de la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes, qui a introduit en 2019 l'obligation de la nomination d'un ou plusieurs administrateurs indépendants au sein des organes de gouvernance des sociétés faisant appel public à l'épargne. Les sociétés concernées avaient jusqu'à avril 2020 pour s'y conformer. La question de la représentation des femmes dans les conseils d'administration a aussi été soulevée dans l'étude. En le comparant aux autres places boursières, il s'avère que le taux de représentativité des femmes administrateurs de sociétés composant le MSI20 est de seulement 16%, niveau inférieur au score enregistré auprès de l'ensemble des émetteurs étudiés (France : 44,6%, Belgique : 26,8%, Canada : 21%, Suisse: 16%). Si les émetteurs s'engagent progressivement pour la parité des organes de gouvernance, la formation des administrateurs reste quant à elle une pratique très limitée au Maroc. En 2020, seuls deux émetteurs (banques) ont annoncé avoir organisé des formations au profit des administrateurs sur les enjeux de conformité (obligations réglementaires, conflits d'intérêts, sanctions et sécurité financières). «La question de la formation des administrateurs est un chantier très important à mettre en place pour la gouvernance des sociétés dans les années à venir. Cette fonction va se professionnaliser dans les prochaines années et les exigences en termes de connaissances techniques et de leadership feront de la formation et des certifications un axe de développement majeur», soutient Omar Amine, associé fondateur d'OFinance. Même constat au niveau de l'évaluation de la performance du conseil d'administration, qui reste très peu établie. Autre point sensible pour les administrateurs : leur rémunération. Seuls 44% des émetteurs semblent enclins à communiquer cette information tel qu'exigé par la circulaire de l'AMMC. «La majorité des émetteurs ont communiqué l'information sur la rémunération des administrateurs sous forme de jetons de présence soit au niveau du rapport financier annuel, soit au niveau de l'avis de convocation de l'AGO», note le rapport. Du côté du dispositif éthique, anti-corruption et de déontologie boursière, les émetteurs affirment ouvertement leur engagement en matière de conformité, et plus de la moitié des émetteurs du panorama disposent d'un dispositif d'éthique et de déontologie. Ceci étant, les émetteurs semblent peu familiers avec le principe de conformité «Comply or Explain». Les explications sur les points de non-conformité restent souvent insuffisamment accessibles. Selon l'étude, seuls 3 émetteurs ont mentionné ce principe dans leur rapport ESG 2020. Par ailleurs, 56% des émetteurs mentionnent dans leur rapport ESG la mise en place des outils de gouvernance (charte de l'administrateur, charte de gouvernance, règlement intérieur, code déontologique, code de bonne conduite, charte des comités spécialisés...), indispensables au «renforcement d'une gouvernance efficace et solide ayant pour objectif d'anticiper les zones de conflits d'intérêts et les éventuels litiges, surtout avec les administrateurs d'actionnaires minoritaires ou indépendants», explique OFinance. Au final, les émetteurs de la place semblent de plus en plus familiarisés avec la gouvernance RSE puisque 79% d'entre eux l'ont complètement intégrée dans leur réflexion stratégique au sein du conseil d'administration. Aussi, 11% des émetteurs étudiés ont déclaré avoir mis en place un comité RSE soit au niveau de la direction générale, soit au niveau du conseil d'administration. «L'analyse des rapports ESG pour l'exercice 2020 nous permet de confirmer qu'un nombre important d'émetteurs ont réellement compris la portée de ce changement et se sont inscrits dans une réelle amélioration de leur gouvernance et de la qualité de l'information publiée», conclut Omar Amine, associé fondateur d'OFinance. L'étude fait montre d'une réelle amélioration des pratiques de gouvernance et de la qualité de l'information publiée malgré un contexte de pandémie difficile. Le nouveau cadre réglementaire a mis deux ans à se mettre en place et les émetteurs ont globalement intégré les nouvelles exigences. Il semble évident, pour OFinance, qu'une réforme aussi importante induise des changements de pratique au niveau des managers et des organes de gouvernance. L'enjeu serait de développer la courbe d'expérience des acteurs et de mettre en place un écosystème de parties prenantes à intégrer et à associer à ce grand chantier (commissaires aux comptes, conseillers financiers, juristes spécialisés, responsables communication financière, agences de communication...). «Sur le plan réglementaire, les émetteurs vont devoir redoubler d'efforts pour s'adapter à de nouvelles règles de gouvernance impulsées par la volonté du Royaume du Maroc d'améliorer son classement Doing Business», soutient OFinance.