À la surprise générale, le gouvernement a décidé de prendre une batterie de mesures d'urgence pour faire face à la propagation de la pandémie de Covid-19. Un couvre-feu nocturne de trois semaines à l'échelle nationale, à partir de ce mercredi 23 décembre, qui plonge dans une colère noire les professionnels des métiers de bouche. La situation se corse dans les villes de Rabat, Casablanca, Marrakech et Agadir où les restaurants devront fermer totalement. Pas sûr que ces entreprises puissent se relever après ce nouveau coup de massue. À quelques jours des fêtes de fin d'année, le gouvernement joue les trouble-fêtes. Dans un communiqué rendu public lundi en fin de journée, l'Exécutif a annoncé une batterie de mesures pour faire face à la propagation de la pandémie de Covid-19. Sur recommandation du Comité scientifique et technique, des mesures plus restrictives seront ainsi appliquées pour une période de trois semaines, à partir d'aujourd'hui, mercredi 23 décembre. Au niveau du territoire national, détaille la même source, il a été décidé la fermeture dès 20h des restaurants, cafés, commerces et supermarchés. Aussi, un couvre-feu nocturne sera décrété de 21h à 6h du matin sur l'ensemble du territoire national, à l'exception de certains cas particuliers, ajoute le communiqué. On nous apprend également dans le document que l'organisation des fêtes et des rassemblements publics ou privés est interdite notamment dans les grandes villes où les restaurants seront fermés totalement pour une durée de trois semaines. Une décision «implacable» Il s'agit, pour les villes concernées, de Casablanca, Marrakech, Agadir et Tanger. Une décision «très dure», estime l'économiste Khalid Ben Ali, alors que le Maroc a enregistré à ce jour un total de 418.002 cas confirmés de contamination à la Covid-19 et 7.000 décès pour un nombre de guérisons qui s'élève à 380.134 cas. «Vous savez, ce n'est pas aisé de prendre des décisions aussi lourdes de conséquences. Il y a forcément une logique ou une nécessité qui a amené l'Exécutif à réagir ainsi», souligne le professeur universitaire selon qui un rappel à l'ordre des Marocains était nécessaire au vu du relâchement ambiant dans les lieux de rassemblement, notamment les grands centres commerciaux. «Nous avons fait un constat simple : il y a eu des pics de cas de coronavirus plus importants après qu'avant le confinement généralisé. Cela veut dire que les Marocains ne respectent plus les mesures barrières», explique-t-il. Là où le bât blesse En effet, poursuit-il, on est partagé entre la nécessité de sauver les acquis qui ont suivi les sacrifices liés au confinement, durant les mois précédents, et la volonté de ne pas perturber la relance économique qui commençait à prendre forme dans de nombreux secteurs. Seule «consolation», le Maroc n'est pas seul à se retrouver dans une telle situation», dit le spécialiste. D'autres pays ont, en effet, pris des mesures similaires. «Mais là où le bât blesse, c'est au niveau de l'improvisation dans les prises de décisions. Il fallait avertir, plusieurs semaines à l'avance, les opérateurs afin qu'ils puissent mieux s'organiser», déplore l'expert. Un point de vue largement partagé par la Confédération marocaine des métiers de bouches représentée par la Fédération marocaine des traiteurs, la Fédération nationale des pâtisseries et boulangeries, la Fédération marocaine de la franchise et la Fédération des cafés et restaurants rapide. Celle-ci dénonce «une décision drastique voire mortelle pour les franchises, restaurants et cafés». Rappelant leur adhésion aux décisions et mesures déployées par les instances gouvernementales pour préserver la situation sanitaire au Maroc en général -et des métropoles en particulier- les opérateurs, qui ne cachent pas leur colère, dénoncent le flou total qui entoure le communiqué de l'Exécutif. «Flou total» Ils souhaitent avoir «plus de précisions» sur certains passages du communiqué du chef de gouvernement qui liste, dans les actions préventives, aussi bien la fermeture des cafés et magasins à 20h que l'arrêt total de l'activité des restaurants au niveau des villes de Casablanca, Rabat, Tanger et Marrakech. «Aujourd'hui, 80% des cafés servent de la nourriture. Est-ce qu'ils seront donc fermés ?», s'interroge Mohamed Elfane, président de la Fédération marocaine de la franchise. «Le flou, c'est qu'on ne sait pas si on va garder la livraison ou pas», insiste ce dernier, avant de souligner que la restauration rapide joue un rôle majeur dans le quotidien d'un citoyen dans les grandes villes. «Aussi, prière de nous éclairer sur l'étendue des commerces concernés par cette décision. Intègre-t-elle l'hôtellerie, les commandes à emporter et la livraison ?», demandent les opérations qui déplorent l'asphyxie que subissent les commerces au niveau national. Menaces de fermeture définitive «Sachez que 30% ont été contraints de fermeture et de cessation d'activité, le reste arrivera à suffocation avec une telle décision de fermeture définitive pendant trois semaines sans intervention et contribution des instances gouvernementales. Il est clair que cette décision a mené les entrepreneurs et dirigeants à une situation de désarroi», lit-t-on dans un communiqué de la confédération, parvenu à la rédaction des Inspirations ECO ce mardi 22 décembre. Par ailleurs, elle s'interroge sur les mesures que l'Etat devra mettre en place pour accompagner les entreprise concernées pour leur survie et le respect de leurs engagements vis-à-vis des collaborateurs, des bailleurs, des banques, des fournisseurs. Il est aujourd'hui primordial voire crucial, selon les gérants, d'accompagner ces décisions drastiques par des mesures d'accompagnement et de prise en charge des engagements des entreprises vis-à-vis des parties prenantes (loyers, salaires, dettes, crédits...). Selon eux, «il en va de la vie de nos entreprises et de ce que cela peut engendrer comme impacts socio-économiques néfastes». En somme, pour faire face à cette situation, ils demandent au gouvernement d'exclure les restaurants sans débit de boissons alcoolisées et de maintenir officiellement, pour les cafés et restaurants, la livraison, le drive et les commandes à emporter jusqu'à 20h dans le respect des mesures sanitaires. Idem pour les commerces où ils sollicitent le maintien de l'activité de livraison et de récupération à l'extérieur des magasins jusqu'à 20h au moins. Khadim Mbaye / Les Inspirations Eco