A quelques jours de la dernière réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) au titre de 2020, un rendez-vous très attendu par les décideurs publics et privés, plusieurs analystes et experts n'excluent pas le scénario de l'annonce d'une nouvelle baisse du taux directeur, établi actuellement à 1,5%. En effet, après deux baisses successives aux premier et deuxième trimestre 2020, de respectivement 25 points de base (pb) et 50 Pb, suivie d'une pause au troisième trimestre, cette mesure, en cas de son adoption, devrait notamment permettre d'atténuer les impacts négatifs de la crise du nouveau coronavirus (Covid-19) sur les banques et de soutenir davantage la relance économique. « L'incertitude autour de la situation sanitaire et les pressions qui en découlent sur les finances publiques, alimentent les anticipations haussières sur les taux obligataires », souligne Attijari Global Research (AGR), dans sa dernière note Budget Focus, intitulé « Trésor: un recours intensifié au marché domestique ». D'après les analystes d'AGR, cette hausse des taux obligataires est d'autant plus attendue que « les conditions de financement à l'international s'annoncent moins favorables en 2021 après le mouvement d'abaissement des notations souveraines de plusieurs pays émergents », relevant, dans ce sens, que le Trésor devrait s'orienter davantage vers le marché domestique, au moins sur le prochain trimestre. Ainsi, face à cette nouvelle orientation haussière des taux, une nouvelle baisse du taux directeur de BAM lors de la prochaine réunion est un scénario « à ne pas exclure », indiquent les analystes de la filiale d'Attijariwafa Bank, dédiée à la recherche, notant que l'objectif étant de « soutenir davantage la relance de l'économie marocaine à travers un financement à faible coût ». Dans ce document, AGR estime que le besoin de financement brut du Trésor devrait s'établir, d'ici la fin de l'année 2020, à 45,8 milliards de dirhams (MMDH), constitué du reliquat de financement du déficit budgétaire ainsi que les arriérés du Trésor estimés par la Loi de finances rectificative (LFR) à 26,7 MMDH, et des tombées du Trésor restantes à fin 2020, réalisées exclusivement sur le marché intérieur, à hauteur de 19,1 MMDH. Le recours du Trésor au marché intérieur devrait ainsi s'établir à 31,9 MMDH, soit 16 MMDH en moyenne d'ici la fin d'année, selon les analyses, ajoutant dans ce sens, que la pression sur les finances publiques devrait, à priori, orienter à la hausse les niveaux des taux de rendement primaires. La baisse du taux directeur, une décision souhaitable! Pour l'économiste et spécialiste de politique de change, Omar Bakkou, une décision de baisse du taux d'intérêt directeur « serait souhaitable », évoquant trois principales raisons. Selon M. Bakkou, cette mesure permettra d'atténuer les impacts négatifs de la crise de Covid-19 sur la situation financière des banques, en l'occurrence la baisse importante des sources de financement gratuites et les dépôts à vue à la suite des retraits massifs d'argent de la clientèle, l'augmentation des créances en souffrance et la décélération des diverses recettes générées au titre des services financiers dispensés par les banques. De même, ajoute l'économiste, une nouvelle baisse du taux directeur permettra, à travers l'amélioration de la situation financière des banques et du coût de leur refinancement, d'abaisser le coût du crédit et par conséquent de faciliter l'accès des ménages et des entreprises, soulignant que ces facilités seront ainsi susceptibles d'amortir la propagation des effets dépressifs de la sècheresse et de la crise sanitaire sur l'activité économique générale, et d'améliorer, par la suite, la capacité globale de résilience de l'économie marocaine. L'économiste estime, en outre, que cette mesure ne recouvre aucun risque de dérapage par rapport aux paramètres généraux de conduite de la politique monétaire, à savoir risque inflationniste supplémentaire et risque de baisse des avoirs. « En effet le risque inflationniste, c'est-à-dire celui d'augmentation des prix internes, est très minime, si ce n'est inexistant (au contraire c'est celui de la déflation qui plane actuellement sur l'économie marocaine). Cela, en raison des perspectives de décélération de l'activité économique sous l'effet des retombées de la crise du Covid-19, de stabilisation des prix du pétrole, ainsi que de la stagnation de la demande globale provenant des ménages », a-t-il précisé. Quant au risque de baisse des avoirs de réserve, M. Bakkou a indiqué qu'il est également minime, en raison essentiellement de la diminution prévisible dans le futur des dépenses en devises inhérente à la baisse de la principale composante de ces dépenses, à savoir les importations qui représentent 70% en moyenne de l'ensemble des dépenses en devises du Maroc, et ce, sous l'effet essentiellement de la faible reprise de l'activité économique et de l'augmentation des tarifs douaniers, ainsi que de la stabilisation des prix des produits énergétiques.