À l'écouter, tout le sépare de Benkirane. Pourtant, le nouveau leader du parti de l'Istiqlal (PI), Hamid Chabat, dit vouloir tout simplement renforcer l'action gouvernementale. En revanche, le décryptage de ses propos, livrés à des médias internationaux, nous renvoie à une situation surréaliste où le principal allié du chef de gouvernement s'érige sans gêne en opposant en chef ! Poches de résistance La nouvelle Constitution, selon Chabat, a permis au chef de gouvernement de disposer de larges attributions, «et par conséquent, le peuple marocain n'acceptera pas que l'on parle de fantômes ou de crocodiles. Le chef de l'Exécutif doit retrousser ses manches et travailler jour et nuit pour exaucer les attentes des Marocains et honorer ses engagements», confie-t-il sans détour. Il ajoute que «Monsieur Benkirane doit se hisser au rang d'homme d'Etat car, malheureusement, il a gouverné jusqu'à présent avec un esprit partisan, ce que nous déplorons». Ministres du PI Chabat décline la feuille de route de la réforme du PI en 19 articles, qui constituent son engagement vis à vis de ses électeurs. Son message est on ne peut plus clair, «le contrôle de l'action gouvernementale et de la prestation de nos ministres est un préalable dans le sens où la volonté politique doit prévaloir. Nos ministres ont été nommés grâce au score réalisé par le parti lors des dernières élections. Ils ont donc le devoir d'honorer nos engagements et ceux qui n'y arriveront pas feront l'objet d'une décision de la part des instances du parti». Enfin, pour enfoncer le clou, il lance des insinuations à l'égard de certains ministres qualifiés d'apolitiques, en précisant que «l'Exécutif doit être strictement politique, car issu des urnes». Loi de finances «La crise internationale ne justifie pas la politique d'austérité ou la diminution des postes d'emploi budgétisés pour la LDF 2013. Le gouvernement doit faire preuve d'imagination en encourageant les investisseurs nationaux et internationaux et en incitant les grands groupes européens à délocaliser leurs industries au Maroc», conseille en substance le chef de file du PI. Il reproche en outre au gouvernement de ne pas actionner la diplomatie économique à travers les ambassades et les consulats marocains pour marketer le Maroc. Malgré le fait que le ministre des Finances, Nizar Baraka, soit issu du PI, Chabat fustige ce département et le qualifie de «ministère renfermé». «Il est inadmissible que les syndicats, les entreprises et les investisseurs soient marginalisés lors de l'élaboration du Budget», martèle-t-il. Remaniement ministériel Chabat estime que le PI vit son printemps et qu'il a le devoir d'honorer ses engagements vis à vis du peuple. «Ce dernier attend beaucoup de ce gouvernement qu'il a porté aux commandes à l'issue d'un scrutin populaire après l'avoir doté d'une Constitution à fortes attributions en faveur du chef de gouvernement. Malheureusement, après presque une année, force est de constater que le peuple n'a pas vu ses attentes se concétiser. Au lieu de cela, il a eu droit à des augmentations injustifiées des prix des carburants. Cette situation, après moult réflexions, nous donne le droit de demander un remaniement ministériel après les débats sur la loi de finances», déclare Chabat. Et d'ajouter que «le remaniement toucherait des ministres istiqlaliens, entre autres, pour renforcer les profils féminins et représenter les provinces du sud dans le prochain cabinet». Le leader du PI n'a pas oublié de lancer des menaces à peine voilées en affirmant que «si le parti d'Allal El Fassi ne pouvait réaliser ses engagements électoraux au sein du gouvernement rien ne l'empêchait de le faire en dehors de l'Exécutif». Action gouvernementale Les critiques parfois virulentes qualifiées par Chabat de «conseils» ont surtout porté sur l'action gouvernementale. Selon le leader du PI, le cabinet Benkirane n'a fait jusqu'à aujourd'hui qu'augmenter les prix des hydrocarbures et diminuer le pouvoir d'achat en l'absence de toute volonté politique. Il n'a pas oublié, au passage, d'endosser sa casquette syndicale pour dénoncer l'absence d'un vrai dialogue social avec les centrales syndicales. En outre, il a déploré le laxisme administratif dans le traitement des investissements, donnant pour exemple le délai d'octroi d'une simple autorisation, qui est actuellement de deux à quatre mois. Emploi Vantant son appartenance à «l'école du réalisme» et «au militantisme de proximité», Chabat n'a pas oublié de revenir sur «les acquis du gouvernement Abbas El Fassi, dont la gestion des tensions sociales et la signature d'un protocole d'accord, en juillet 2011, pour l'emploi des diplômés chômeurs». C'est un protocole qu'il qualifie d'irrévocable, en dépit de l'absence de transparence du processus de recrutement direct. Il n'admet pas le refus du chef de gouvernement de l'adopter. À cet égard, il n'hésite pas à déclarer que «le PI n'acceptera pas de revenir sur des engagements pris par le gouvernement El Fassi et ne se taira pas pour autant». Tensions sociales «Les attentes des Marocains sont innombrables et si les partis au pouvoir n'arrivaient pas à mettre à exécution leurs programmes, le peuple et le roi auront leur mot à dire. Ils agiront dans la sérénité, car les Marocains sont tous contre la violence», précise le leader du PI.