La 77e édition de la Mostra de Venise s'est clôturée, samedi 12 septembre, sur un palmarès aussi habité qu' intense. C'est le film de l'Américaine d'origine chinoise, Chloé Zhao, qui est sacré Lion d'or par le jury de Cate Blanchett. La réalisatrice du sublime Nomadland est la deuxième femme à recevoir ce prix après Sofia Coppola en 2010. Public masqué, salle à moitié vide du fait de la distanciation physique, la cérémonie des remises de prix de la 77e édition de la Mostra de Venise avait un goût particulier, samedi 12 septembre. Conscients de leur chance, les quelques invités savourent le moment alors que les autres spectateurs sont devant leur écran. Si le Grand Prix du jury a été attribué à Nuevo Orden du Mexicain Michel Franco, le Lion d'argent du meilleur réalisateur est allé au Japonais, Kiyoshi Kurosawa pour Wife of Spy, un film d'une poésie cruelle. Sans surprise aucune, Vanessa Kirby, reine de la Mostra ayant joué dans deux films en compétition, s'est vue sacrée Meilleure Actrice pour Pieces of Woman du Hongrois Kornel Mundruczo où elle interprète une femme qui se construit après un deuil impossible. Côté prix d'interprétation masculine, c'est l'excellent Pierfrancesco Favino qui a été récompensé pour son rôle dans Padre Nostro de Claudio Noce. Quant au prix du Scénario, il est revenu à un des films les plus aboutis de la compétition, une belle surprise venue d'Inde : The Disciple de Chaitanya Tamhane. See you on the road «Nous ne sommes pas des sans-domicile-fixe, mais des sans-maison-fixe», plante déjà le décor d'un film débordant d'humanité. Dans Nomadland, Chloé Zhao explore le monde des vandwellers, les habitants de camionnettes aménagés qui passent leur temps sur la route. Sa caméra suit la puissante Frances McDormand, brisée par la perte de son mari, qui ne se voit plus habiter dans la maison qu'ils ont partagée. Elle vend tout et s'en va, loin, dans son van au risque de subir la faim, le froid, les mauvaises rencontres. La réalisatrice réussit le pari de plonger dans cet univers particulier, peu connu à l'écran, de nomades au grand cœur, d'âmes en peine pour la plupart qui cherchent un réconfort, une réponse, une thérapie dans les mystères et les tribulations de la route. Les personnages sont décrits à la façon du documentaire, il n'y a pas de place au superficiel ou au superflu ; chaque scène compte, et la réalisatrice mise autant sur les plans larges pour montrer la force de cette magnifique nature qui happe les nomades que sur les plans serrés pour capter la magie de l'émotion. L'interprétation de Frances McDormand, deux fois oscarisée, est à couper le souffle. Elle joue comme elle respire, et on ne se lasse pas de la voir à l'écran en continu, puisqu'elle est dans presque tous les plans. Une œuvre débordante d'humanité qui a séduit la Mostra. Le rythme lent peut certes déranger, l'œuvre n'est pas magistrale, mais elle est criante de vérité et de sincérité. Ce Lion d'or est à l'image d'une édition solidaire et courageuse. La Mostra a gagné son pari de réaliser un festival en temps de pandémie. Les prochains jours seront déterminants et l'avenir nous dira si elle a eu raison. Pour l'heure, la magie du cinéma a opéré, le monde du 7e art à l'agonie a pu respirer un peu. Bravo et merci ! Jihane Bougrine, DNES à Venise / Les Inspirations Eco