Le Haut-commissariat au plan (HCP) vient de rendre publique «la plus importante» enquête nationale sur la migration internationale jamais réalisée au Maroc, par sa dimension et sa couverture thématique. C'est un document de 213 pages pleines d'enseignements qui pourraient surprendre plus d'un. Une enquête inédite au Maroc. Réalisée sur le terrain entre août 2018 et janvier 2019 auprès d'un échantillon représentatif de 15.000 ménages, dont 8.200 ménages de migrants actuels, 4.100 ménages de migrants de retour et 2.700 ménages de non-migrants, l'enquête nationale sur la migration internationale réalisée par le Haut-commissariat au Plan (HCP) devait relever plusieurs défis. Tout d'abord, appréhender les nouvelles tendances de la migration internationale. Ensuite, comprendre les comportements des migrants et enfin peser les impacts et conséquences de la migration internationale sur le développement. Considérée comme «la plus importante » enquête nationale sur la migration internationale jamais réalisée au Maroc, par sa dimension et sa couverture thématique, elle s'inscrit dans le cadre du programme d'appui, de l'Union européene, aux politiques migratoires du royaume. Concrètement, le travail consistait pour les enquêteurs du HCP à étudier les réelles motivations des candidats à l'émigration, leurs profils, pays de destinations autres entre mythes autour de la question migratoire au Maroc. Plus de 70% des Marocains ne veulent pas quitter le Maroc L'enquête, c'est un document de 213 pages plein d'enseignements. Des enseignements qui pourraient surprendre plus d'un. Exemple pertinent, si on croit les équipes du HCP, la forte propension des Marocains à fuir leur pays relèverait d'un simple fantasme. «Si plus de 5 millions de nos concitoyens sont établis à l'étranger, il faudrait remarquer tout d'abord que les résultats ne confortent pas l'idée courante d'un large engouement en faveur de l'émigration. En effet, moins du quart (23,3%) de la population non-migrante déclare avoir l'intention d'émigrer», souligne le HCP. De plus, le fait d'être en contact direct avec la migration, grâce notamment à la présence d'un membre du ménage à l'étranger, ne semble pas être un incitatif puissant au départ, puisque la part de ceux qui ont l'intention d'émigrer à l'étranger ne diffère guère de celle des ménages dont aucun membre n'est migrant, 23,8% contre 23,3%. On peut alors en tirer la première conclusion : 70% des marocains résidant au Maroc ne souhaitent pas quitter leur pays d'origine. Autres enseignements à tirer de cette enquête, les motifs économiques, avec une part 73,5% sur le total des déterminants, sont les principales raisons de l'émigration potentielle. Toutefois, d'autres raisons poussent les Marocains à émigrer. À coté des motifs économiques, il y a les raisons sociales, 21,8%, détaille le HCP soulignant que leur importance respective varie selon le sexe, le milieu de résidence et le type de ménage. Les hommes plus tentés que les femmes Les raisons économiques sont plus fortes chez les hommes que chez les femmes, 81,8% contre 58,7% alors que les raisons sociales et humaines sont plus élevées chez ces dernières, respectivement 14,3% et 3,7% contre 35,2% et 6,1%. Il faudrait noter que les raisons familiales (qui font partie des raisons sociales, regroupement familial, mariages et divorces ou séparations) ne représentent que 1,8% ; elles sont quasi-exclusivement féminines, 4,7% contre 0,1% pour les hommes. Selon le milieu de résidence, les raisons économiques sont plus évoquées par les migrants potentiels ruraux avec 79,7% contre 69,8% pour les citadins. Le HCP a également enquêté sur les options relatives aux pays d'accueil. Ainsi, selon toujours la même source, le continent de prédilection des migrants potentiels reste principalement l'Europe qui arrive en tête comme destination probable avec 81,1% des personnes interrogées. Ce qui correspond à la concentration actuelle des MRE dans les pays européens avec quelque 85%, dira-t-on. Il faut noter à ce niveau que les anciens pays européens d'immigration ont un léger avantage sur les nouveaux, respectivement 42,3% et 38,8%. Les trois premiers pays indiqués sont ceux où la communauté marocaine est la plus importante, dans l'ordre, la France, l'Espagne et l'Italie, a poursuivi l'organisme chargé de la production, de l'analyse et de la publication des statistiques officielles au Maroc indiquant que les facteurs qui semblent expliquer ces préférences sont tout d'abord les raisons historiques et culturelles, l'existence de réseaux familiaux ou des connaissances dans ces pays. Le Souss-Massa a l'intention d'émigrer la plus faible Quant aux autres régions de destinations des migrants marocains, ce sont les Etats-Unis et le Canada avec 9,2%. Elles sont plus prisées par les migrants potentiels de la région du Grand Casablanca (23,7%), ainsi que ceux qui ont un niveau d'éducation supérieur. En revanche, les pays arabes, très attirants il y a une dizaine d'années, n'ont plus la côte (seulement 2,9% des migrants potentiels). Cernant la répartition régionale de l'intention d'émigrer, l'enquête révèle que certaines régions sont bien au dessus de la moyenne nationale (23,3%) alors que d'autres sont bien en dessous. La région de l'Oriental vient en tête avec 41,1%, suivie de celle de Tanger-Tétouan-Al Hoceima avec 30,8%, les régions du Sud, de Drâa-Tafilalet et de Marrakech-Safi avec 26 à 27%. La région de Rabat-Salé-Kénitra se situe au niveau de la moyenne nationale avec 23,8%. Les autres régions sont en dessous de la moyenne: Fès-Meknès avec 21,5%, Casablanca-Settat et Béni Mellal-Khénifra avec environ 18% et la région de Souss-Massa avec l'intention d'émigrer la plus faible, 10,5%. Il faut noter que toutes ces données concernent seulement les résultats détaillés de la première phase de l'enquête. La deuxième phase de l'enquête sera réalisée au deuxième semestre de 2020. Elle portera sur les réfugiés et demandeurs d'asile, les migrants irréguliers et les immigrés régularisés. Khadim Mbaye / Les Inspirations ECO