Au Maroc, les accidents du travail continuent de faire leurs victimes dans un silence quasi total. Chaque année, au moins 65.000 accidents du travail sont répertoriés, dont 18.000 cas graves. Des chiffres qui restent très en deçà de la réalité, en raison de l'absence de statistiques fiables. À en croire des données approximatives révélées par des experts, lors du premier forum sur la prévention des risques professionnels (Preventima), les accidents du travail touchent 36.492 travailleurs sur 100.000. Soit un taux très élevé de 47,8%, le double de celui de certains pays voisins comme la Tunisie. «Les conditions de travail sont peu sûres», confirme Abdeljalil El Kholti, directeur de l'Institut national des conditions de vie au travail. Une conséquence logique du laxisme de tous les acteurs concernés. «La responsabilité est partagée à la fois par les autorités publiques, les chefs d'entreprises que les travailleurs», observe Abdeljalil El Kholti. Pourtant, du côté du ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle, on assure mettre à disposition un cadre législatif adéquat, bien que certaines lacunes soient encore à combler. «Les véritables responsables, ce sont les chefs d'entreprises», lance Ahmed Bouharou, directeur de l'Emploi au ministère. C'est plutôt «le problème des salariés et un problème culturel», répond Jamal Bellahrach de la CGEM (patronat), qui s'étonne à l'instar d'Ahmed Bouharou que «les questions relatives à la sécurité des travailleurs ne figurent pas sur les principales doléances des syndicats». Bien que chaque partie continue de rejeter la responsabilité sur l'autre, toutes sont unanimes quant à l'urgence à déployer les efforts sur une sensibilisation. Pour les ouvriers, dont un sur deux est analphabète, il s'agit surtout d'insister sur le respect du port des instruments de sécurité. L'Etat doit veiller à l'application des lois et renforcer les contrôles, alors que les entreprises sont appelées à combiner productivité et respect de la vie humaine car les accidents du travail nuisent à l'image des entreprises et affectent lourdement leur rentabilité. En effet, le coût moyen d'un seul accident du travail s'élève à 15.000 DH. À en croire certaines estimations des professionnels, le manque à gagner sur le PIB avoisinerait les 2% par an.