C'est en décembre prochain, lors des Assises du tourisme, que seront approuvés et signés les contrats-programmes régionaux (CPR) du tourisme. Un chantier que les autorités de tutelle (ministère de Tourisme et Société marocaine d'ingénierie touristique) ont lancé il y a trois mois. «Nous sommes en train de finaliser et de caler le travail effectué dans les régions. Dans ce processus, l'implication des gouverneurs, des walis, des élus, des présidents de régions et des communes est primordiale. Il est aussi important d'avoir une idée très précise sur les produits à développer, sur la contribution de chacun, sur le foncier disponible, et aussi sur le tour de table par rapport au financement», nous a précisé le ministre du Tourisme, Lahcen Haddad. Plusieurs réunions ont en effet été tenues avec des autorités locales, des élus et des intervenants touristiques dans différentes régions, pour débattre des actions à mettre en place en vue de concrétiser les ambitions de la Vision 2020, à travers l'adoption d'une politique d'aménagement territorial de l'offre touristique. Ceci, dans la mesure où la mise en œuvre des contrats-programmes vise à décliner l'offre touristique sur plusieurs segments : culturel, balnéaire et naturel. L'objectif à terme consiste à positionner le Maroc parmi les 20 premières destinations mondiales. Les contrats-programmes régionaux du tourisme auront pour objectif de décliner au niveau régional les projets et actions prévus par la Vision 2020, portant notamment sur la création de 200.000 lits supplémentaires, la multiplication par deux du nombre de visiteurs et par trois du nombre des nuitées des touristes nationaux, la création de 420.000 emplois directs et l'augmentation des recettes pour atteindre 140 MMDH. Seulement, il semble qu'il n'est pas facile de mener à bien tout le processus. Les débats en perspective dans certaines régions, notamment à Marrakech et Agadir, s'annoncent très animés durant les deux prochains mois. «Il y a des régions où les débats avancent. C'est surtout au niveau de Marrakech et d'Agadir que le processus traîne. À Marrakech, le débat porte sur le développement touristique alors qu'au niveau d'Agadir, il est plus porté sur le positionnement des stations balnéaires et le côté résidentiel», précise Lahcen Haddad. Plus en détail, la région de Marrakech, qui a concentré la dernière décennie, le gros des investissements touristiques, devrait enregistrer un ralentissement des projets hôteliers. Ainsi, dans le cadre du nouveau pilotage des investissements, seuls les projets ayant une réelle valeur ajoutée ou proposant des offres d'animations seraient autorisés. Il convient de rappeler à ce titre que Marrakech conforte aujourd'hui sa position de leader, dotée qu'elle est d'un vaste parc hôtelier. 30 hôtels et maisons d'hôtes y ont d'ailleurs ouvert leurs portes en 2011. Une vingtaine d'établissement est encore prévue au courant de cette même année! Au total, il est prévu plus de 8.000 lits supplémentaires, dont une majorité est classée en haut de gamme. À l'horizon 2013, Marrakech comptera plus de 60.000 lits, un volume jugé «énorme» par les professionnels. Aujourd'hui, la ville est confrontée à la problématique du remplissage des hôtels, surtout en ces temps de crise en Europe. Malgré cela, les professionnels gardent le moral, surtout que le regain de confiance des touristes français pour le Maroc se confirme. Selon les dernières prévisions du CETO (Association des TO français), le Maroc démarre la saison d'hiver 2012-2013 sur les chapeaux de roues. Les réservations à forfait devraient grimper de 82,6% contre une chute de -23% affichée par l'Egypte. Ceci, bien que l'année 2013 s'annonce difficile pour les Français. Pour l'Hexagone, principal marché émetteur pour le Maroc, la reprise économique est attendue pour 2014. Au niveau de la région d'Agadir, les présidents des différents Conseils et communes semblent loin de voir le bout du tunnel par rapport au contrat-programme régional du tourisme. Les discussions avec la tutelle butent aujourd'hui sur deux principaux éléments: le foncier et le financement. Par contre, dans d'autres régions, le processus de finalisation des CPR à signer en décembre prochain avance sans grandes difficultés. C'est le cas par exemple de la région de Doukkala-Abda (Safi) qui ambitionne de se positionner en tant que destination touristique de choix, surtout avec la station Mazagan, qui a donné un coup de pouce à la région. «Dans le cadre du CPR, la région Doukkala-Abda a programmé de nombreux projets se concrétiseront à partir de 2013. Nous avons tenu plusieurs réunions avec la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT), le Centre régional d'investissement (CRI), l'Agence urbaine, ainsi qu'avec les présidents des communes concernées par les projets touristiques. Le contrat sera signé lors des Assises du tourisme, car nous sommes bien avancés sur ce chantier. Nous sommes à 80% du processus de sa finalisation», indique Abdellah Bakrim, président du CRT de Doukkala-Abda. D'ailleurs, sur la liste des projets à réaliser dans cette région, qui s'apprête à lancer un nouveau circuit pour les touristes, figure la station de Sidi Abed (inscrite sous la houlette du Plan Biladi). «Les problèmes de foncier entravant la réalisation de cette station sont en cours de règlement au niveau des tribunaux. Cela sera résolu très prochainement. Les travaux seront lancés une fois l'aménageur développeur, à savoir le CMKD, mettra la main sur le terrain, car les plans sont déjà prêts», souligne Abdellah Bakrim. Il en est de même pour la région Gharb-Chrarda-Beni-Hssen où il est prévu de structurer la croissance de cette destination touristique autour d'une offre «nature et sport» et de mettre en avant son atout balnéaire dans le cadre du territoire touristique «Centre Atlantique». Dans cette perspective, plusieurs projets structurants sont proposés tels que le développement de deux stations du Plan Biladi. Il s'agit en l'occurrence de la station touristique de Mehdia (capacité de 5.600 lits : 1.104 en résidences hôtelières, 688 en RIPT, 912 en résidences immobilières et 2.896 en camping), dont les travaux de réalisation seront lancés dans une dizaine de jours, ainsi que le Club Biladi My Bousselham (capacité de 5.600 dont 2.896 en camping). Ceci sans oublier la valorisation du patrimoine (la Kasbah de Mehdia, le site de Thamusida et le site de Banassa) et de l'héritage culturel de la région. Industrie touristique Bref, les prochaines semaines sont décisives pour le ministère du Tourisme et la SMIT, tenus de boucler le chantier des CPR avant les Assises du tourisme. Le ministre du Tourisme, Lahcen Haddad, qui tient à signer les CPR lors des Assises du tourisme, se montre pourtant optimiste. «Les débats avec les différentes régions sont très sains, il n'y a pas de blocage», a-t-il assuré. Il y a lieu de noter que le thème majeur retenu pour ce premier évènement depuis la signature du contrat-programme de la Vision 2020 en novembre 2010, portera sur le développement territorial de l'industrie touristique. Aux côtés de la Haute autorité du tourisme (HAT) qui veillera à la bonne exécution de la stratégie et garantira également l'efficacité en termes de suivi, d'ajustement et d'arbitrage dans la mise en œuvre de la Vision 2020, les Agences de développement touristique (ADT) constituent la pierre angulaire de la politique régionale et le garant de la mise en œuvre de la stratégie territoriale. Seulement, le démarrage effectif des premières agences n'est programmé qu'à partir de fin 2013. Encore faudrait-il accélérer la mise en place et le vote des lois les régissant. Abderrahim Oummani, Président du CRT Agadir. «Il faut être pragmatique et réaliste» Les Echos quotidien : À votre avis, le contrat-programme de la région d'Agadir sera-t-il prêt pour sa signature lors des Assises du tourisme prévues en décembre prochain ? Abderrahim Oummani : Franchement, j'ai des appréhensions par rapport à ce sujet. Les 57 projets ont été validés par le comité de pilotage régional qui regroupe tous les acteurs et qui est désigné par le wali. Deux principaux points bloquent toujours. Il s'agit du problème du foncier qui n'est réglé qu'à hauteur de 20% et du problème du financement. Il faut savoir que le contrat-programme régional repose sur un financement des élus. Or, le Conseil de la région, le Conseil préfectoral et les communes n'ont pas de ressources financières. En outre, les présidents des différents Conseils et communes ne peuvent pas s'engager sur de pareilles dépenses, du moment qu'ils ont besoin de cessions ordinaires ou extraordinaires pour voter un engagement financier, qui donne souvent la priorité à des projets liés à l'électrification rurale, à l'eau potable, aux routes... J'ai l'impression que la Société marocaine d'ingénierie touristique et le ministère du Tourisme ne sont pas conscients de l'ampleur du problème. Certes, ils nous demandent de signer pour le principe, mais ceci ne sert à rien si on ne peut pas honorer nos engagements. On ne peut pas commettre les mêmes erreurs du plan Azur de 2010. Nous avions hissé la barre très haut en parlant de 80.000 chambres, alors que nous n'avons au final même pas dépassé 4 hôtels en 10 ans. Il faut donc être pragmatique et réaliste. Il ne faut pas se précipiter pour dire qu'on n'est pas en retard. Mais l'engagement du privé est aussi important pour l'aboutissement des contrats-programmes régionaux... C'est sûr. La parité est primordiale. J'ai l'impression qu'avec les instances de pilotage au niveau national et au niveau des agences de développement régional, c'est-à-dire au niveau local, le principe de la parité entre le privé et le public n'est pas bien établi, comme cela était le cas auparavant. Un courrier a été d'ailleurs adressé au ministre du Tourisme, pour attirer son attention sur ce volet. Sans l'engagement du privé et des élus, on ne peut pas voir les CPR aboutir. Que pensez-vous de la disparition des CRT pour être remplacés par les agences de développement du tourisme ? Certes, dans le cadre de la vision 2020, est prévue la disparition des CRT. Seulement, ni le ministre, ni le wali, ni personne ne peut décider de la dissolution des CRT, car seule une assemblée générale avec un vote peut exercer ce pouvoir. À savoir qu'au niveau de l'assemblée générale, les deux tiers sont des élus et des professionnels. Il s'agit en fait d'une association dont les statuts sont clairs. Par ailleurs, je tiens à préciser que la mise en place des ADT ne pourra pas se faire en 2013. Je les défie de faire sortir une loi en 2013. Je suis un parlementaire et cela fait 20 ans que je suis dans la politique, pour faire adopter un projet de loi, avec toutes les interventions possibles, cela prend plus de 18 mois.