Le green sera-t-il le sauveur des emplois dans les pays nord-africains ? Dans tous les cas, le Maroc pense tenter l'expérience avec le soutien du Programme des nations unies pour le développement (PNUD). Cela devrait en effet se concrétiser à travers un important projet d'employabilité des jeunes dans les métiers verts. Intitulée «Yes green», l'initiative vise effectivement à stimuler l'emploi et l'entrepreneuriat chez les jeunes Marocains dans les métiers verts, en particulier dans les régions et au sein des groupes les plus vulnérables, socialement parlant. Sur le volet opérationnel, ce projet devrait se décliner en plusieurs axes d'intervention. En effet, puisque tout commence par le savoir, la formation est le premier créneau sur lequel les promoteurs du projet comptent s'investir. L'initiative prévoit en effet la mise en place de modules de formation thématiques mis en place avec une cinquantaine de formateurs pour encadrer 500 jeunes porteurs de projets sur des secteurs spécifiques à l'emplois vert. «Yes green» prévoit également le lancement, dès le démarrage du projet, des mécanismes de financement appropriés et accessibles à ces jeunes proteurs de projets dans le secteur des énergies renouvelables et de la protection de l'environnement. Tout cela devrait mener à terme, à la création de plusieurs dizaines de nouveaux projets verts (Start-up). «Il faut savoir que Yes green s'inscrit dans un cadre beaucoup plus global, relatif à l'élaboration d'une stratégie nationale de l'emploi vert, centrée sur un renforcement des capacités - aussi bien des institutions que des jeunes bénéficiaires - et sur une facilitation de l'accès au financement de projets dans ce secteur», explique-t-on auprès des responsables du projet. «Yes green» est de fait, l'aspect opérationnel de l'initiative multi-pays du PNUD, intitulée Génération d'emploi jeunes dans les pays arabes en transition, à savoir l'Algérie, l'Egypte, la Libye, la Tunisie et le Maroc. Elle a été lancée par le programme onusien pour répondre à la nécessité exacerbée par les récents bouleversements sociopolitiques connus par la région, d'une meilleure insertion de la jeunesse, aussi bien dans la participation à la vie civile de ces pays, que dans l'intégration professionnelle. Pour le cas du Maroc, l'organisme précise que le département de l'Environnement est d'ailleurs en train d'élaborer une ébauche de stratégie de développement des compétences dans les métiers verts. La capacité d'absorption de la croissance verte ainsi que l'intégration de ces projets dans le développement local pour la création d'emplois et de richesses, représentent un axe prioritaire aux yeux du PNUD. Le Femise y croit... Une question à laquelle un autre organisme international, avait pourtant tenté d'apporter une réponse (www.lesechos.ma). Le Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise) vient en effet de rendre public un important travail de fond sur les opportunités de création d'emplois dans le secteur des énergies renouvelables au Maroc. Le Femise propose plusieurs scenarii des impacts du développement des projets marocains en énergies renouvelables, sur le secteur de l'emploi. L'une de ces projections - intitulée Business as usual (BAU) - a en effet prévu que «la valeur ajoutée globale annuelle moyenne de l'effet sur l'économie marocaine résultant de l'installation d'énergies renouvelables, devrait passer de 0,18% du PIB en 2010 à 1,17% en 2040. L'impact correspondant à l'emploi serait la création d'environ 36.000 nouveaux postes en 2010 et aux alentours de 265.000 à la fin de la période de prévision», explique-t-on dans le rapport du Femise. Le second scénario pré-visualisé par les chercheurs du forum, est basé sur une hypothèse où 20% de la capacité installée d'électricité d'origine renouvelable, serait destinée à l'exportation. Dans ce cas, le recours aux exportations devrait être relativement faible. En 2040, il devrait se concrétiser par une part de 1,41% sur le PIB national, pour un nombre d'emplois créés qui serait d'environ 319.000 postes. Dans le scénario intelligent (qui consiste à une réduction de la dépendance sur les composants importés), l'impact sur la valeur ajoutée devrait être porté jusqu'à 1,6 % au terme des deux prochaines décennies, avec une augmentation de près de 401.000 emplois. En outre, dans une projection optimale - le scénario exportations intelligentes - l'impact combiné du développement des énergies renouvelables au Maroc devrait s'apprécier de 1,9% du PIB national, en termes de valeur ajoutée. Cela correspondrait dans ce cas à la création de 482.000 emplois d'ici 2040. Le CES aussi... Préalablement aux pronostics du Femise, au Maroc, c'est le Conseil économique et social (CES) qui met surtout le doigt sur le green comme une des solutions à la problématique de l'emploi. Dans son rapport consacré à l'économie verte, l'organisme avait mis en relief cette alternative (www.lesechos.ma), comme un message direct adressé aux gouvernants sur la pertinence de cette dernière. Le CES s'est surtout basé sur l'étude commandée par le ministère de l'Energie, de l'eau et de l'environnement, sur les besoins en compétences et en emplois prévisionnels dans les différentes filières d'énergie renouvelables en développement dans la stratégie énergétique nationale. Concernant l'éolien, les estimations du nombre d'emplois créés se déclinent selon les deux hypothèses d'intégration industrielle. La première, à portée minimaliste, devrait favoriser la création de 2.023 nouveaux emplois à l'horizon 2025. Dans les détails, cela correspond à la création de 982 nouveaux postes dans le segment de l'installation et de la réalisation des projets, ainsi que de 1.041 emplois dans la phase d'exploitation. Le second scénario, concernant la filière éolienne, suppose une intégration industrielle maximaliste. En effet, 7.437 emplois devraient être générés à partir de ce cas de figure. «Sur la base de la méthodologie utilisée pour le chiffrage des emplois générés par le plan éolien intégré, il apparaît que le potentiel d'emploi de ce secteur dépend en grande partie du niveau d'intégration mis en place sur le territoire national», commentent les membres du CES. En effet une intégration maximaliste de la chaîne de valeur de la filière éolienne devrait générer près de quatre fois plus d'emplois que dans l'option d'une intégration faible. Les projections sont tout aussi prometteuses pour le solaire. Le solaire, vivier d'emplois Pour la filière de la technologie Concentrated Solar Power (CSP), trois scénarios sont retenus en fonction du taux d'installation de puissances CSP dans les projets du plan solaire marocain, à l'horizon 2025. Pour le scénario d'un recours au CSP à 33%, il devrait favoriser la création de 3.408 emplois. Ce chiffre est de 5.642 emplois dans le cas d'un recours au CSP pour équiper 50% des projets envisagés et 7.356 emplois pour 67%. Ces emplois devraient principalement concerner la plupart des maillons de la chaîne de valeur solaire (Génie civil, opération, installation des collecteurs, maintenance). Dans le cas d'un choix porté sur le photovoltaïque, un recours à 33% à ce type de technologie devrait favoriser la création de 6.046 emplois (Installation : 3.406 emplois, exploitation : 2.640 emplois). Pour un scenario à 50% de recours au photovoltaïque, 9.160 emplois devraient être créés (5.160 emplois dans l'installation et 4.000 dans l'exploitation). Quant au cas de figure d'une utilisation à 67% de photovoltaïque dans les projets du PSM, 12.274 nouveaux emplois devraient être créés, dont 6.914 emplois le seront dans l'installation et 5.360 dans la phase d'exploitation d'ici 2025. En attendant la concrétisation de tous ces chiffres... l'emploi se tournera les pouces. Intégration industrielle, le levier espéré ? Pour faire des énergies renouvelables la solution miracle à la problématique de l'emploi des jeunes, l'intégration industrielle des filières est une condition sine qua non. Selon le rapport du CES sur l'économie verte, il faut savoir que, dans ce sens, les opérateurs économiques locaux attendent encore beaucoup de garanties de la part de l'Etat. «La logique d'intégration industrielle prônée sera amenée à se traduire par davantage d'implantations d'industriels étrangers, seuls ou dans le cadre de joint-ventures», note-on dans le document de l'instance. Cependant, du fait de la nature et de la taille des programmes en énergies renouvelables engagées, les investissements favorisent les grandes entreprises, au détriment des petits opérateurs et par conséquent au détriment des PME-PMI et TPE nationales. «Il s'agit là d'une difficulté à surmonter pour les industriels marocains du secteur, qui cherchent à se positionner sur ce marché», concluent les membres du CES. Il faut pourtant savoir que pour favoriser l'émergence de véritables filières industrielles locales, aucun effort ne semble avoir été ménagé par les pouvoirs publics. La loi de finances 2011 a par exemple déjà institué une réduction du droit d'importation pour les équipements et les matériaux utilisés dans les énergies renouvelables, à 2,5%. Les chauffe-eau solaires ont vu également leur TVA passer de 20% à 14%. Les filières qui marchent ailleurs... La biomasse peut également être qualifiée comme une source d'énergie renouvelable à fotr potentiels d'emplois. Son exploitation en est encore à un niveau très limité au Maroc, mais les récentes études de la tutelle ont permis de révéler ses avantages en termes de pourvoyeur de revenus. Dans le monde, les sous-filières de biocarburant et de biogaz, en particulier, «constituent à elles seules un gisement d'emplois équivalent à celui des autres énergies renouvelables cumulées, soit plus de 5 millions d'emplois à l'horizon 2050. Au Maroc, les perspectives de croissance dans le segment de la biomasse au Maroc sont non négligeables selon le CES. Les scenarii à l'étude par la tutelle prévoient en effet la création de 1.281 emplois pour le «moindre coût», 2.248 emplois pour le «portefeuille équilibré» et enfin : 3 806 emplois pour le scénario «stratégie solaire». La filière de la micro-hydro-électricité est également parmi celles à potentiels d'avenir en termes de gisement d'emplois. Au Maroc, le scénario de développement d'une capacité installée de 23 MW en micro-hydro-électricité, favoriserait la création de 356 emplois.