Les voix qui s'élèvent aujourd'hui contre le pillage de l'Afrique ont changé de nom. Ce ne sont plus les ONG ou les acteurs politiques de gauche qui dénoncent les gouvernements occidentaux pour avoir vidé le continent de tout ce qui peut être bon en hommes et en matières premières. Ce sont, aujourd'hui, les personnalités politiques de droite et du centre qui condamnent, à l'image de François Bayrou, président du Mouvement démocratique (MoDem), «des politiques colonialistes» qui consistent à aller piquer aux Africains leurs matières premières, en particulier l'uranium, à les transformer chez nous en produits finis et à les renvoyer chez eux», de sorte que ces pays soient «absolument exploités et ruinés». Faisant allusion au dernier voyage du président Nicolas Sarkozy au Niger, marqué par la signature d'un partenariat stratégique pour l'exploitation de l'uranium nigérien par le groupe français Areva, François Bayrou a plaidé en faveur de la protection des régions les plus fragiles du monde, notamment l'Afrique. En effet, si l'on se réfère aux différents partenariats conclus entre la France et ses anciennes colonies africaines, on ne peut que constater le déséquilibre flagrant en termes de profits qui en résultent. Ainsi, la France obtient dans la majorité des cas, en vertu de ces partenariats, un vaste marché pour ses produits, une réserve constante de matières premières à bon marché, une présence stratégique importante avec des bases militaires occupées à titre gracieux, et la certitude qu'elle peut compter sur le soutien diplomatique de ses alliés africains. Mais, pour les Africains, le partenariat a toujours été synonyme d'une fuite massive de capitaux et des montagnes de dettes dont le remboursement empêche tout investissement supplémentaire dans les domaines de l'éducation, de la formation, de la santé, du logement et autres... Et c'est encore M. Bayrou qui pointe du doigt ce déséquilibre spectaculaire en appelant l'Europe à une politique juste et équitable envers le continent africain: «On a fait une politique agricole commune dont le but était de réserver aux producteurs européens un marché européen. On doit faire la même chose pour les producteurs africains. Voilà des idées simples qui vont nous servir de marques de fabrique, d'identité, dans le grand débat européen», a-t-il lancé, dimanche, lors d'un meeting réservé aux élections régionales de mars 2010. Le discours de Bayrou n'a pas été du goût du président Sarkozy qui s'était déplacé, il y a six mois, pour un voyage éclair de 48 heures en République démocratique du Congo (RDC), au Congo-Brazzaville et au Niger, rien que pour parrainer des accords destinés à sécuriser l'approvisionnement de la France en uranium nécessaire à la fabrication du combustible des cinquante-huit réacteurs français. En effet, l'uranium est une ressource stratégique pour la France plus que pour tout autre pays. D'autant que Sarkozy avait confirmé le choix de l'énergie nucléaire en annonçant, le 6 février 2009, la construction d'un second EPR, le réacteur de troisième génération. Ce voyage a donc pris une dimension énergétique importante avec la signature, à Kinshasa, d'un important accord sur l'uranium entre le groupe Areva et le gouvernement de la RDC. Le groupe nucléaire français a obtenu le droit d'explorer et d'exploiter les futurs gisements découverts dans un pays en proie à l'anarchie, mais qui détient, selon les experts, un potentiel uranifère significatif par sa surface et son profil géologique. La tournée de Sarkozy a donc été placée sous le signe de l'uranium, non seulement en République démocratique du Congo, mais également au Niger où la question du partage des richesses se pose de façon criante, puisque les populations dans les zones minières, ne sont que des victimes, exclues des bénéfices des richesses exploitées. Après quarante ans d'exploitation de l'uranium par Areva, payé à un prix très inférieur à celui du cours mondial, on constate que les Nigériens sont toujours parmi les plus pauvres du monde, alors qu'Areva distribue ses milliards d'euros de profit à ses actionnaires. Payer quarante ans l'uranium à un prix nettement inférieur au prix du marché est un pillage manifeste, et le groupe Areva avec l'Etat français qui en est l'actionnaire majoritaire, ont purement et simplement contribué au pillage du peuple nigérien. À la dette écologique liée aux dégâts de l'extraction, s'ajoute donc une dette financière d'Areva envers ce peuple. Les trois milliards d'euros que le groupe compte investir pour éventrer le Niger et souiller ses nappes phréatiques, pourraient servir à lancer une véritable industrie de production de panneaux solaires, laquelle permettrait de concilier développement économique, environnement et accès à l'énergie, avec une possibilité de créer plus de dix mille emplois pérennes, soit six fois plus le nombre de postes créés par Areva. L'appel de François Bayrou va, semble-t-il, dans le sens de la sauvegarde d'un peuple dont les fragiles conditions de survie sont mises en péril par Areva, symbole du pillage injuste à la française. Les Nigériens ne demandent pas plus que l'arrêt de ce pillage, en commençant par exiger le paiement de l'uranium à un prix correspondant au prix du cours mondial et en demandant la création d'un fonds de dédommagement des préjudices causés. Il faut, de plus et surtout, s'opposer à ce qu'Areva commence un nouveau projet avant d'avoir réparé les immenses dégâts qu'elle a causés dans les zones minières. Convoitise quand tu nous tient ! Le continent africain possède d'importantes ressources minières, qui représentent environ 30% des réserves mondiales prouvées. La part du continent dans la production mondiale est estimée, à titre d'exemple, à 50% pour le diamant, 25% pour l'or, 20% pour l'uranium. Le montant total des richesses africaines serait de l'ordre de 46 200 milliards de dollars. Pourtant, l'Afrique ne réussit toujours pas à valoriser une telle richesse qui équivaut à 13 fois le rendement annuel de la Chine. Un patrimoine largement suffisant pour transformer le continent en une des premières puissances mondiales. Seulement, les peuples d'Afrique, au lieu d'en profiter comme une bénédiction et une source de réel développement, sont victimes d'une mauvaise gestion publique de la part des gouvernants et, surtout, d'une exploitation abusive de la part des puissances étrangères, caractérisée par le désir des anciens pays colonisateurs de maintenir leur domination politique, économique, militaire et même socioculturelle sur leur anciennes colonies, et donc d'entraver le progrès du continent. L'appétit pour l'Afrique se voit étalé aujourd'hui à d'autres puissances comme les Etats-Unis, la Chine et l'Inde. A côté de ces Etats, de grandes sociétés comme Total, Aréva ou Bolloré sont présentes, mais aussi des groupes de grandes influences. La lutte pour s'imposer sur les marchés oblige à contrôler les routes maritimes, à redéployer les investissements vers les pays qui comptent. La concurrence est rude et la pression chinoise et américaine s'intensifie. Aujourd'hui, les Etats-Unis achètent 27% de leur pétrole en Afrique et la Chine, 35%.