La Comarit tire sa révérence. C'est du moins ce que laisse supposer l'entrée en jeu d'Intershipping. La société marocaine fraîchement créée vient d'annoncer le démarrage de son activité sur la ligne maritime Tanger-Tarifa. La toute nouvelle compagnie a finalement opté pour l'utilisation d'un bateau de la flotte Comarit, qui opérait sur ce même tronçon avant son dépôt de bilan. La navette entre le port de Tarifa et celui de Tanger-ville est donc assurée depuis le 20 août dernier par le navire «Bissat». La société «100% marocaine, avec un tour de table essentiellement marocain» devient par là le concurrent direct de l'armateur espagnol FRS, qui naviguait seul depuis le 9 juin dernier. Interrogé, le top management insiste sur la complexité du démarrage des activités sur cette ligne pour des raisons «essentiellement techniques». Rachid Chrigui, directeur général d'Intershipping, explique : «Opérer dans le détroit de Gibraltar reste assez compliqué. Au départ, nous avions affrété deux navires grecs qui étaient finalement d'une taille supérieure à celle autorisée par le port de Tarifa, à savoir 75 mètres». Voilà ce qui justifie donc le recours à la flotte de la Comarit. Cependant, l'arrivée d'Intershipping est révélatrice de l'avenir même de la Comarit, sur lequel les principaux responsables s'efforçaient ces derniers temps de maintenir le suspense. Qu'adviendra-t-il de la Comarit qui commence à céder sa flotte ? Serait-ce là le début de la fin de l'armateur ? En tout état de cause, tout laisse à croire que la société, placée en redressement judiciaire pour non paiement de dettes, ait cédé une partie de son capital. Plus concrètement, le Bissat, acquis par opération de leasing, n'a pas pu être entièrement payé (les traites n'ayant pas été honorées). Dans ce sens, Maroc Leasing aurait choisi de le remettre en vente et donc de le céder à Intershipping, avec lequel un contrat d'achat a été conclu. Dernier virage Ces récents rebondissements, qui font suite à un long silence de la Comarit, remettent de fait totalement en cause une éventuelle sortie de crise de la société, comme annoncé précédemment par ses responsables. Rappelons à cet effet que la Comarit est officiellement en redressement judiciaire depuis des mois et avait il y a quelques semaines annoncé qu'elle s'apprêtait à répondre aux exigences des investisseurs italiens prêts à prendre des parts dans la compagnie. La cession de son capital et au delà celle d'une partie de sa flotte donnent un tout autre signal, en contradiction avec la dernière lettre adressée par le PDG de la compagnie Ali Abdelmoula et qui évoquait une sortie de crise avant l'automne. Deux semaines après la dernière réunion du conseil d'administration, le dépôt de bilan se profile à l'horizon, de l'avis de plusieurs observateurs du marché. Flashback L'affaire du transporteur maritime national Comarit-Comanav a rapidement pris l'allure d'«un scandale national». Janvier 2011, trois bateaux de la Comarit sont bloqués au port de Sète pour factures impayées. La compagnie doit s'acquitter de 200 millions d'euros de dettes non remboursées dans les délais. Comment un armateur de cette taille a-t-il donc pu en arriver là ? Au début des années 2000, la Comanav, alors société publique, est privatisée. En 2009, sa branche ferry, Comanav Voyage, est cédée pour un montant de 80 millions d'euros à la Comarit, une nouvelle société maritime tangéroise. Celle-ci se lance rapidement dans de grands investissements à la veille de la flambée des prix des carburants. Dans l'incapacité de payer ses dettes vis-à-vis de la compagnie maritime d'affrètement CMA-CGM, un consortium franco-italo-espagnol, le cauchemar commence. Plusieurs tentatives sont dès lors menées par des commissions interministérielles pour tenter de sauver la société d'une faillite certaine, mais jusqu'à présent, aucun des plans envisagés n'est réalisable. Depuis, les différents responsables dans cette affaire comparaissent à tour de rôle devant la justice. Les réunions du conseil d'administration se succèdent sans réelle visibilité, maintenant par là le suspense sur le retour de la compagnie à ses activités.