La jeunesse et l'éducation ont été les principaux axes du traditionnel discours royal du 20 août, prononcé à l'occasion de la commémoration du 59e anniversaire de la révolution du roi et du trône. Cette année, les festivités ont été endeuillées par la disparition, il y a quelques jours, de la princesse Lalla Amina, suite à quoi le souverain a décidé d'annuler les célébrations qui, d'habitude, marquaient l'évènement. Cependant, la fête de la jeunesse a servi d'occasion pour le rituel annuel d'allégeance, qui se tenait traditionnellement lors de la célébration de la fête du trône et qui s'est finalement déroulé hier mardi à Rabat. Dans son message à la nation qui intervient, fort opportunément, à la veille de la fête de la jeunesse, célébrée le 21 août de chaque année, Mohammed VI s'est directement adressé à la jeunesse marocaine, appelée à s'inscrire dans la dynamique de développement que connaît le royaume à travers les réformes politiques et socio-économiques lancées depuis quelques années, et qui ont connu un nouveau déclic depuis l'adoption d'une nouvelle Constitution en juillet 2011. «Jeunes du Maroc, vous êtes la vraie richesse de la nation, compte tenu du rôle que vous assumez en tant que partie prenante dans le processus d'évolution sociale de votre pays» a interpellé le souverain, établissant un lien indissociable entre les implications, en termes de droits et d'obligations, que leur accorde leur citoyenneté pleine et entière, et «la nécessité de vous investir de manière constructive dans les transformations que connaît la société, tout en demeurant attachés aux constantes de l'identité nationale et ouverts aux idéaux universels». Pour le souverain, les politiques volontaristes des grands chantiers ne peuvent atteindre leurs objectifs qu'en s'appuyant «sur la force et la créativité de la jeunesse marocaine, et en tirant parti des potentialités dont elle est porteuse». Cependant, a souligné Mohammed VI, «parler des jeunes, c'est évoquer les défis du présent et aborder les perspectives d'avenir». C'est en ce sens que, dressant les principaux défis auxquels doit faire face la jeunesse marocaine, le souverain a insisté sur la nécessité d'élaborer des stratégies propres à préparer nos jeunes pour des lendemains meilleurs. «La nouvelle Constitution du royaume accorde une importance capitale à la démocratie représentative et participative impliquant tous les citoyens et prévoit à cet égard la création des différents mécanismes favorisant leur participation efficiente à la vie publique du pays», a ainsi indiqué le souverain relevant le fait que «l'adhésion des jeunes à ce choix stratégique reste tributaire de leur niveau de qualification et de la manière avec laquelle ils sont préparés pour l'avenir». En clair, les défis actuels de la jeunesse ne sauraient être relevés sans la prise en compte de la problématique du système éducatif national dans «sa capacité à former les générations montantes et à les préparer à s'investir pleinement dans le processus de développement et de progrès démocratique de la société». Priorités nationales «Nous invitons le gouvernement à œuvrer dans ce sens en mettant l'accent sur la nécessaire réhabilitation de l'école publique et la mise à niveau de l'enseignement privé dans un esprit de synergie et de complémentarité», a indiqué Mohammed VI, traçant les jalons d'une nouvelle réforme du système éducatif marocain. Pour le souverain, il est impératif de se pencher avec sérieux et résolution sur «ce système qui nous interpelle aujourd'hui et se doit non seulement d'assurer l'accès égal et équitable à l'école et à l'université pour tous nos enfants, mais également de leur garantir le droit à un enseignement de qualité, doté d'une forte attractivité et adapté à la vie qui les attend». Mohammed VI a ainsi décliné les principaux axes d'une nouvelle approche pour la réforme de l'éducation au Maroc, une réforme pour un système qui «permettra aux jeunes d'affûter leurs talents, de valoriser leur créativité et de s'épanouir pleinement pour qu'ils puissent remplir les obligations de citoyenneté qui sont les leurs, dans un climat de dignité et d'égalité des chances». Le souverain a tenu à indiquer que c'est autour de ces idéaux que s'articule le défi majeur du moment et qu'à cette fin, «nous devons mettre en œuvre ce qui a été recommandé ces dernières années et rendre effective l'éducation moderne de qualité». Mohammed VI a ainsi appelé à l'activation de la mise en œuvre de certaines dispositions de la Constitution, notamment celle relatives au Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique. «Cette instance se doit d'apporter son concours pour pouvoir aborder avec succès ce tournant essentiel et décisif non seulement pour l'avenir des jeunes, mais aussi pour le devenir du Maroc en tant que pays et en tant que nation», a indiqué le souverain. Défis pour une génération En mettant l'accent sur les défis de la jeunesse, le souverain a mis en relief le vrai challenge du gouvernement. Au delà des enjeux politiques et socio-économiques de la problématique de la jeunesse, il s'agit de préparer la prochaine génération sur laquelle repose l'avenir de la nation. «Nos jeunes souhaitent l'émergence des conditions optimales à leur plein épanouissement et leur aptitude à prendre en charge les responsabilités. Ils ambitionnent légitimement une meilleure insertion sociale et professionnelle, notamment par un accès privilégié à l'emploi», a listé le souverain qui a par la même occasion fait cas de l'instauration d'un environnement favorable à l'épanouissement des jeunes. Accès au logement, à la santé et aux différentes structures de proximité, espaces de sports et de loisirs, centres d'insertion et espaces dédiés aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. «Si notre jeunesse est animée par l'ambition légitime de jouer un rôle significatif dans la vie politique, économique et sociale, elle souhaite, au même titre, s'insérer utilement dans la création culturelle et artistique, dont les espaces demeurent inégalement répartis entre les différentes régions du Maroc», a expliqué Mohammed VI. C'est en ce sens que le roi a mis l'accent sur un autre volet lié à l'épanouissement de la jeunesse marocaine, la culture qui «constitue de nos jours un levier fondamental pour la création, l'innovation, le ressourcement spirituel et l'affirmation de la personnalité nationale». Le souverain n'a pas manqué de souligner le fait que le Maroc a déployé d'énormes efforts pour garantir aux jeunes l'accès aux multiples services et diverses prestations auxquels ils ont droit et qui les destinent à s'émanciper, à s'assumer et à participer activement au développement de leur pays. À ce titre, «des budgets considérables ont été investis et un nombre impressionnant d'initiatives et de programmes ont été lancés, ce qui a permis d'enregistrer des résultats significatifs et louables». Cependant, a relativisé le souverain, les performances atteintes ne sont pas à la hauteur des ambitions et des attentes des jeunes. «Des lacunes et des difficultés subsistent et trop de jeunes d'horizons divers demeurent confrontés à certaines contraintes dans leur vécu ou dans leurs perspectives d'avenir», a reconnu Mohammed VI, soulignant qu'il serait «inacceptable de considérer la jeunesse comme une charge pour la société». C'est pourquoi le souverain a émis la piste de la mise au point d'une véritable stratégie globale qui «mettrait fin à la dispersion des prestations fournies actuellement à notre jeunesse, et d'adopter une politique intégrée qui associe, dans une synergie et une convergence, les différentes actions menées en faveur des jeunes». À cette fin, c'est le Conseil consultatif de la jeunesse et de l'action associative (CCJAC), autre organe prévu par la Constitution, qui sera appelé à «contribuer à l'élaboration des axes stratégiques, et adopter avec la participation des jeunes une politique prenant en compte la pleine citoyenneté des jeunes». Le souverain s'est par ailleurs appesanti sur la contribution de la jeunesse marocaine, issue de l'émigration et établie à l'étranger, aux efforts de développement du royaume. «Leur solide attachement à leur pays qui entretient avec eux des relations de grande proximité, reflète leur pleine adhésion aux orientations que nous avons tracées et aux chantiers de développement que nous avons lancés», a apprécié le souverain, réitérant la volonté royale de veiller à donner une pleine effectivité aux dispositions de la Constitution qui sont relatives à ces derniers, «qui assurent une participation aussi étendue que possible à la construction du Maroc de demain et une présence active dans les instances dirigeantes d'institutions nouvelles». En tout état de cause, le souverain a estimé que la problématique de la jeunesse est aujourd'hui un défi majeur pour l'ensemble de la société et à ce titre Mohammed VI a souligné que «les questions de la jeunesse ne relèvent pas seulement de la sphère privée et familiale ou du champ de l'éducation, de la formation et de l'apprentissage. C'est l'affaire de toute la société et des solutions doivent être trouvées à tous les problèmes que connaît la jeunesse». Modus operandi Une vraie feuille de route ! Comme assez souvent, le discours royal ne s'est pas seulement limité à établir la nécessité d'une nouvelle approche pour la réforme d'un secteur érigé en priorité nationale par le souverain. Celui de lundi dernier a également énuméré quelques pistes de réformes sur la base du constat dressé par les différents rapports sur la question. Au delà donc de l'appel à la réforme que Mohammed VI a dressé en filigrane, c'est une évaluation première de la réforme de l'éducation engagée depuis plus d'une décennie qui s'est affirmée. En dépit des efforts fournis par le gouvernement, grâce notamment au plan d'urgence qui a été greffé à la réforme en 2008, les résultats restent bien en deçà des attentes. C'est d'ailleurs, ce qu'a reconnu l'actuel ministre de l'Education nationale, Mohamed El Ouafa, en dressant le bilan du programme d'urgence qui arrive à échéance cette année. Mohammed VI a donc émis des pistes de réflexions vers lesquels se concentreront les principaux défis de l'heure. «Nous devons revoir notre approche et les méthodes en vigueur à l'école pour passer d'une logique d'enseignement centrée sur l'enseignant et sa performance, laquelle est limitée à la transmission des connaissances aux apprenants, à une autre logique fondée sur la réactivité des apprenants et axée sur le renforcement de leurs compétences propres et la possibilité qui leur est donnée de déployer leur créativité et leur inventivité, d'acquérir des savoir-faire et de s'imprégner des règles du vivre-ensemble dans le respect de la liberté, de l'égalité, de la diversité et de la différence» a explicité le souverain.