C'est depuis 2008 que le Maroc connaît une détérioration du compte extérieur. Une tendance qui s'est accentuée en 2011 et 2012. En témoigne l'évolution défavorable du compte courant et des réserves de change en mois d'importations de biens et services du Maroc. Selon le rapport 2011 de Bank Al-Maghrib (BAM), ces deux indicateurs font grise mine, après avoir évolué positivement sur la période 2005-2007, et ce, en affichant un excédent établi à 1,3% du PIB en moyenne, avec des réserves de change évaluées en mois d'importations de biens et services, à 9,5 mois en moyenne. Ainsi, sur la période 2008-2011, le solde du compte courant ressort déficitaire pour se situer en moyenne à 5,8% du PIB, tandis que les réserves de change ont représenté 6,5 mois d'importations en moyenne, contre 4 mois à fin juin 2012. Une situation qui risque de virer à la catastrophe si des mesures adéquates ne sont pas prises. D'autant que les déficits commerciaux, budgétaires et de la balance de paiement continuent de se creuser en 2012. Une simple analyse du positionnement du taux de couverture et des avoirs extérieurs nets de BAM, permet de lever le voile sur les principales raisons qui se tiennent derrière cette situation alarmante. D'après le même document, l'évolution du taux de couverture des importations par les exportations du Maroc, comparée à celle des pays de la région MENA, d'Amérique Latine et des Caraïbes, fait ressortir depuis 2001 une détérioration continue de cet agrégat par rapport à celui des deux régions. En effet, il est revenu de 64,7% en 2001 à 48,6% en 2011, contre 97,3% et 100,9%, en moyenne, pour les deux régions de manière successive. La facture énergétique, de l'ordre de 90,7 MMDH, s'est accrue de 32,4%, soit une contribution de l'ordre de 7,5% à la croissance des importations. En particulier, les achats de gasoil et de fuel ont augmenté de 64,1%, reflétant un accroissement de 28,8% du prix moyen de la tonne et de 27,3% des quantités importées. Les importations du pétrole brut, chiffrées à 31,4 MMDH, ont progressé de 25,2%, sous l'effet d'un renchérissement de 31% du prix moyen de la tonne, tandis que les quantités ont accusé une baisse de 4,8%. D'un montant de 38,8 MMDH, les importations de produits alimentaires (blé, sucre,...) se sont pour leur part accrues de 33,2%, participant à hauteur de 3,2% à la variation des importations. Même en 2012, le renchérissement des matières premières et l'affaiblissement de la croissance des pays partenaires, continuent de peser sur les dépenses publiques. L'augmentation des charges de compensation de 62,6% à 26,8 MMDH à fin juin 2012 en est une forte illustration. À préciser qu'en 2011, elles se sont situées à 48,8 MMDH au détriment des dépenses d'investissement publiques. S'agissant des avoirs extérieurs nets, ils ont accusé un repli de 12,5% à fin 2011, après une quasi-stabilité en 2010. Reflétant une nouvelle dégradation des comptes extérieurs, à cause du creusement du déficit commercial et, dans une moindre mesure, de la diminution des recettes au titre des investissements et prêts privés étrangers. Ce qui ne fait que réduire les marges de manœuvre budgétaires. Après avoir enregistré des excédents budgétaires en 2007 et 2008, la situation du Trésor à partir des années 2009, 2010 et 2011 a dégagé des niveaux de déficits importants, soit respectivement 2,2%, 4,7% et 6,9% du PIB. Dans ces conditions, la dette du Trésor est passée de 50,3% du PIB en 2010 à 53,7% du PIB en 2011. Réforme en vue du régimede change La réforme du régime de change semble se rapprocher à grands pas. Interpellé déjà en juin dernier, Jouahri n'a pas caché son penchant pour un régime de change plus flexible. Aujourd'hui, il revient à la charge dans le rapport annuel. Pour lui, il s'agit d'une condition qui permettra de tirer davantage profit de l'ouverture extérieure du Maroc. «Cette option appellera l'adaptation du cadre de politique monétaire qui pourrait évoluer vers un régime de ciblage d'inflation, si les pré-requis sont assurés», prévient le gouverneur de la Banque centrale. Ces pré-requis concernent principalement le maintien de la soutenabilité budgétaire à moyen terme, ainsi qu'un système financier solvable et résilient. Ceci dit, la Banque centrale prévient également que le succès de cette évolution du régime de change est conditionné par une bonne préparation de tous les acteurs concernés, qui doivent bien en mesurer les enjeux et en maîtriser les aspects opérationnels. C'est dire que la migration vers un régime de change plus flexible n'est pas une décision anodine. Dans le même contexte, de nouvelles étapes dans l'assouplissement de la règlementation des changes sont à franchir, le Maroc accusant selon BAM, un retard notable en matière d'ouverture du compte capital par rapport à ses principaux concurrents. Rigidités structurelles persistantes Répondre à la problématique des rigidités structurelles est l'un des facteurs mis en avant par la Banque centrale et qui permettrait au Maroc de mieux évoluer dans le contexte mondial actuel. Le Maroc prévoit certes une série de réformes pour surmonter ces rigidités, cependant, elles ne sont «pas suffisamment rapides dans plusieurs domaines transverses fondamentaux», peut-on lire dans le rapport de Bank Al-Maghrib. Le coût et l'accès aux facteurs de production, les lacunes du système judiciaire, les réformes du marché du travail, les procédures administratives, ou encore le degré insuffisant de la concurrence interne dans plusieurs secteurs, sont considérés par la Banque centrale comme au cœur de la problématique. Pour BAM, les difficultés sont à différents niveaux. Elles sont parfois liées aux modalités de mise en oeuvre, comme dans le système éducatif, dans certains cas en revanche, elles sont liées au rythme de finalisation, tel que pour le système judiciaire, ou dans d'autres, à l'absence de consensus sur le contenu à donner à la réforme, notamment celle de l'administration, du marché du travail et du foncier. Ce sont donc là des aspects qui mériteraient, selon BAM, une attention particulière. Les ALE pèsent sur la balance commerciale Les transactions commerciales réalisées dans le cadre des accords de libre-échange conclus respectivement avec l'Union européenne, les Etats-Unis, la Turquie et les pays signataires de l'accord d'Agadir ont continué d'être marquées par une montée en force des importations, se traduisant globalement par le creusement des déficits commerciaux. En effet, dans le cadre de l'accord conclu avec l'UE, les échanges commerciaux du Maroc ont connu un accroissement de 19% ou près de 17 MMDH par rapport à 2010, se chiffrant à 105,8 MMDH. Cette évolution s'est soldée par un déficit commercial de près de 45 MMDH, soit 5,6% du PIB. S'agissant des échanges commerciaux avec les USA, ils laissent apparaître un déficit commercial de 8,2 MMDH (1% du PIB), et ce, avec des transactions qui se sont établies en 2011 à 18,6 MMDH, en hausse de 43,5%. Par ailleurs, l'accord avec la Turquie a donné lieu à des échanges commerciaux qui font ressortir un déficit commercial de 3,2 MMDH, soit 0,4% du PIB, tandis qu'avec les pays signataires de l'accord d'Agadir (L'Egypte, la Tunisie et la Jordanie), le déficit commercial s'est établi à 3,1 MMDH, soit 0,4% du PIB. Ruée du Trésor sur le financement intérieur En 2011, le Trésor a financé les trois quarts de ses besoins par des ressources intérieures, tandis que le niveau de financement extérieur a diminué par rapport à l'exercice précédent, qui avait été marqué par la levée d'un milliard d'euros sur le marché international. Les concours extérieurs ont totalisé 13,7 MMDH, en baisse de 36,2% par rapport à l'année 2010. Les encaissements auprès de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement se sont ainsi élevés à 5,1 milliards, ceux de la Banque Africaine de Développement et du Fonds Monétaire Arabe à 2,6 et à 2,2 milliards, respectivement. Quant aux levées sur le marché intérieur, elles ont atteint un niveau historiquement élevé, avec un flux net de 33,2 MMDH, contre 13 MMDH en 2010, dépassant ainsi la moyenne des dix dernières années. Le scénario élaboré dans le cadre de l'évaluation de la soutenabilité de la dette du Trésor présente, selon bank Al-maghrib, les conditions permettant d'assurer le maintien du niveau de la dette à près de 53% du PIB à l'horizon 2020, à travers un ajustement hypothétique progressif devant ramener le déficit à 3% du PIB à terme. Ainsi, compte tenu d'un ratio moyen des recettes à 27% du PIB, le ratio des dépenses primaires (dépenses globales hors paiements d'intérêts) ne devrait pas dépasser 26,9% du PIB, niveau correspondant à la moyenne de la période 2005-2010. Dans ces conditions, le ratio de la dette par rapport au PIB devrait augmenter avant de connaître un ajustement à la baisse à partir de 2015, pour s'établir autour de 53% en 2020. Le solde primaire issu de ces évolutions est estimé à 0,10% du PIB, soit un écart moyen de 0,15% par rapport au solde stabilisateur. L'épargne nationale en repli En 2011, la consommation finale nationale s'est accrue à un rythme plus rapide que celui du RNBD (revenu national brut disponible). Ce qui s'est traduit par un repli de 4% de l'épargne nationale, après une augmentation de 5,5% en 2010. Exprimée en pourcentage du RNBD, cette dernière s'est établie à 26,6%, niveau inférieur à la moyenne de 29,4% enregistrée entre 2007 et 2010. L'épargne nationale ne permettant pas, dans ces conditions, de financer la totalité des dépenses d'investissement, le besoin de financement a atteint 8% du PIB, soit le niveau le plus élevé depuis 1982. Enfin l'épargne intérieure, qui exclut les transferts et revenus nets de la propriété en provenance de l'extérieur, a accusé une baisse de 4,8% pour s'établir à 183,3 MMDH après un accroissement de 6,6% enregistré en 2010. Reste à noter que sur les quatre dernières années, le taux d'épargne étant de 30,4% du PIB et le taux d'investissement de 36,2% du PIB, ce qui a amené le besoin de financement à 5,8% du PIB. En 2011, ce taux s'est creusé davantage pour s'élever à 8% du PIB. Des textes de lois pour une stabilité financière Il faut accélérer la mise en place des nouveaux textes réglementant l'autorité du marché des capitaux et l'autorité du secteur des assurances. C'est l'un des messages clés que tente de faire passer le gouverneur de la Banque centrale. Pour lui, il est urgent d'instaurer la pleine autonomie des deux institutions et ce dans le cadre des actions visant à assurer la stabilité du secteur financier. «Face aux enjeux liés au maintien de la stabilité du secteur financier, les actions des différentes parties prenantes auront à être rapidement insérées dans un cadre de coopération davantage renforcé», ajoute-t-on auprès de la Banque centrale. Il s'agit donc d'assurer une surveillance efficace des risques systémiques. Selon BAM, c'est dans ce même sens qu'interviendra la révision du statut de Bank Al-Maghrib et de la loi bancaire, devant aboutir à la définition d'une approche permettant d'assurer cette stabilité financière. Notons par ailleurs que la situation actuelle du marché financier ne satisfait pas l'autorité de régulation du secteur bancaire. C'est dans ce sens qu'elle considère dans son rapport que l'approfondissement du marché des capitaux devrait passer par «une nouvelle approche de la législation favorisant une plus grande flexibilité en termes de régulation et d'innovation». À cela, il faut ajouter l'accélération de la réforme du régime de prévoyance sociale et la diversification des instruments de la dette tant publique que privée.