SM le Roi Mohammed VI a adressé un discours à la Nation à l'occasion de la Fête du Trône dans lequel il a réitéré l'engagement du Maroc à reformer l'appareil de l'Etat dans le sens d'une régionalisation avancée et d'une déconcentration administrative pour «assurer une responsabilisation véritable des services déconcentrés en matière d'élaboration et de gestion judicieuse des projets». Il convient de signaler de prime abord que l'adoption d'une large déconcentration et sa mise en œuvre effective sont indispensables «pour une régionalisation judicieuse, dans le cadre d'une gouvernance territoriale efficiente, fondée sur la corrélation et la convergence». En effet, la déconcentration permet de décongestionner l'administration centrale, vouée à jouer des rôles de définition de politiques publiques et de stratégie, et permettre par la même d'accélérer la prise de décision pour répondre aux besoins locaux en rapprochant l'administration aux administrés et en produisant des normes plus efficaces, plus adaptées et surtout plus acceptées. Déjà en 2009, Sa Majesté a exhorté le gouvernement à diligenter l'élaboration d'une Charte de déconcentration administrative. Le Premier ministre de l'époque a préconisé la mise en place d'une commission technique, sous la supervision du ministère de l'Intérieur et regroupant tous les secteurs concernés, dans le but d'élaborer des projets de textes relatifs à la charte de déconcentration administrative. Bien avant, le décret du 20 octobre 1993 a posé le principe d'une déconcentration fondée sur une répartition des attributions et des moyens entre les services centraux et extérieurs. Cependant, aucune mesure d'application de ce décret n'a été diffusée à cause de la préparation insuffisante de la réforme qu'il se proposait de promouvoir. De même, et en vertu du décret du 2 décembre 2005 qui a fixé les règles d'organisation des départements ministériels, ainsi que la répartition des attributions et des moyens entre leurs administrations centrales et les services déconcentrés, les chefs de départements ministériels devaient adresser à la commission d'organisation des structures administratives et de la déconcentration administrative, dans un délai d'un an, leurs schémas directeurs de déconcentration à mettre en oeuvre durant une période allant de 2 ans à 5 ans. Ce texte n'a pas reçu une application effective. Au Maroc, ce chantier ouvert il y'a plusieurs années, est toujours d'actualité à cause du rythme assez lent de progression. Le cas du ministère de la Santé est intéressant du fait que d'abord ce ministère fait partie des départements couvrant par leurs services extérieurs la quasi-totalité du territoire national, et ensuite de la sensibilité et l'importance de sa mission par rapport au quotidien du citoyen et par rapport à l'avenir du pays. Quels sont les efforts déployés et quelles perspectives ? Quelle contribution de la déconcentration dans la convergence de l'action publique ? Etat des lieux Certes, l'organisation du ministère de la Santé faite en 1994 a permis l'amélioration notable des indicateurs épidémiologiques, un maillage performant du territoire, une bonne prise en charge des programmes verticaux nationaux et le développement d'une expertise reconnue. Cependant cette organisation a révélé un certain nombre de dysfonctionnements dont «une fonction de coordination centrale insuffisante, qui en valorisant l'autonomie, laisse développer la redondance au détriment de la transversalité», des chevauchements entre directions centrales et des omissions dans l'organisation centrale en matière de normalisation, d'audit et de contrôle de gestion. Ceci induit la non utilisation de la contractualisation possible entre les services centraux et les délégations pouvant induire à son tour une réelle déconcentration. Dans le cadre organisationnel actuel, le ministère a entrepris des efforts notables essentiellement sur le plan des RH, la gestion budgétaire et sur le plan technique. En matière de ressources humaines, des actes de gestion ont été effectivement déconcentrées et d'autres peuvent être immédiatement déconcentrées. En outre, il y'a des actes partiellement déconcentrés et où la décision prise au niveau régional doit être consolidée au niveau central. Enfin, d'autres actes sont reliés à la déconcentration au niveau des autres départements à savoir le recrutement, la radiation et le détachement. La gestion des ressources humaines peine à s'installer même à l'échelle centrale, notamment la gestion prévisionnelle. Il est à signaler qu'un certain nombre d'outils ont été développés dans des sites pilotes dans le cadre du PAGSS/MEDA, comme la description des emplois et des compétences, l'élaboration de plans d'effectifs. Concernant la formation, la déconcentration est plus prononcée par rapport aux autres domaines de la GRH. En effet, s'agissant de la formation médicale, elle est plutôt décentralisée au niveau de cinq facultés de médecine. La formation paramédicale est plus déconcentrée avec l'accumulation de plus de 20 IFCS qui sont bien rattachés aux directeurs régionaux du MS. En matière de déconcentration budgétaire, le ministère s'est approprié progressivement la démarche s'articulant autour de trois axes, la globalisation des crédits, la contractualisation et le partenariat. Sur le plan technique, tout ce qui concerne le génie civil et appels d'offre de construction est en grande partie déconcentrée au niveau des provinces et préfectures. Pour les équipements biomédicaux, les raisons d'économie d'échelle justifient qu'il n'y ait pas de déconcentration. La même logique préside à l'acquisition des médicaments qui est assurée par la pharmacie centrale même si ça pose des problèmes logistiques de distribution d'une part et d'expression des besoins de l'autre. La mise en place d'une stratification suprarégionale (8 dépôts régionaux) peut y remédier. Il ne faut pas perdre de vue que la réussite de la politique de déconcentration se heurte également à la mobilité des RH. En effet, la motivation de ces ressources de haut niveau pour adhérer à l'expérience régionale, est à même de permettre une réussite de l'expérience dont l'élément humain est décisif. En définitive, le ministère de la Santé est appelé à lancer une série de démarches visant la préparation de la réorganisation du ministère de la Santé et l'aménagement des compétences entre administration centrale et services déconcentrés. Se préparer à la déconcentration dans la perspective d'une convergence de l'action publique. La déconcentration n'est pas une fin en soi. Elle permet de garantir efficacité, cohérence et proximité. Ce qui fait de la convergence un objectif et un préalable indispensable à une gestion moderne du service public. La convergence est tributaire de la réussite du chantier primordial de la déconcentration. La quête de la convergence des politiques publiques peut être envisagée selon différents niveaux. Au sein du secteur public, entre les différents départements, cette question est particulièrement importante vu la rareté des ressources. En tenant compte de la dimension territoriale, il soulève la problématique de l'architecture de l'Etat en particulier de la déconcentration et de la décentralisation. La santé des citoyens est une œuvre pluridisciplinaire et un chantier multisectoriel. Il est l'exemple type du chantier ou la convergence est requise et l'élément qui doit converger avec d'autres politiques pour réaliser le développement humain escompté, en relation avec le territoire. En quête de convergence Pour le ministère de la Santé, la convergence dans l'appareil de l'Etat doit commencer par la visibilité des choix de tous les intervenants. Dans ce sens, l'élaboration d'une stratégie et d'un plan d'action quinquennal qui retrace les choix prioritaires à moyen terme avec des objectifs précis et inscrits dans le temps est un préalable incontournable. Encore mieux une charte de la Santé serait la bienvenue. La convergence ne peut se réaliser complètement que si on repense notre intervention publique dans le sens de la définition de politiques publiques en missions qui peuvent être ministérielle et interministérielle à l'image de l'expérience fort intéressante de la LOLF française. Ce chantier implique tout le monde et l'élite marocaine doit s'atteler au travail dans ce sens. Dans la quête de la convergence, l'administration centrale doit se préparer à s'orienter vers les définitions des politiques et des orientations stratégiques et déléguer l'opérationnalisation aux services déconcentrés qui à leurs tours ne doivent s'occuper que de ce qu'ils savent faire et prôner l'externalisation. Tout cela impose une refonte organisationnelle et la mise en place des pratiques managériales qui permettront l'effectivité de la déconcentration. De son côté, le ministère de la Santé a instauré des directions régionales depuis septembre 2008. C'est un saut important vers le renforcement de la région et la facilitation des prises de décisions. Cependant, il a été effectué réellement dans le sens d'une concentration des attributions de la province vers la région plutôt que d'une déconcentration du central vers la région. Cette démarche permettrait de la convergence au sein du département à l'échelle régionale et la disponibilité d'un interlocuteur au président de la région capable de prendre des décisions concertées avec les autres départements d'un côté et avec les intervenants locaux en particulier les élus et les ONG. Certes, il y'a d'autres dispositions réglementaires à mettre en place dans le sens d'une définition exacte des prérogatives de l'administration centrale et des entités déconcentrées, mais la question essentielle est également de définir exactement le statut du Wali et du président de la région, tenant compte de la responsabilité politique de l'un et de l'autre et de leurs relations avec le chef du gouvernement et les ministres qui se verront contraints de partager leurs pouvoirs.