Le chef de gouvernement était très attendu mercredi dernier concernant les mesures concrètes pour gérer l'après-crise, mais il faudra visiblement attendre le projet de loi de Finances rectificative pour discuter les contours et les détails de la vision gouvernementale, tant sur le plan économique que social, au sein de l'institution législative. Le chef de l'Exécutif n'a pas présenté de calendrier détaillé du plan de sauvetage ni de données chiffrées pour sauver l'économie et soutenir les citoyens, ce qui lui a valu des reproches acerbes de la part des députés. Le parlementaire du Parti de l'Istiqlal, Omar Hjira, appelle le gouvernement à annoncer un calendrier pour les différentes mesures qu'il compte prendre et à mettre fin à la situation actuelle, marquée par un flou conséquent qui altère les efforts déployés par les autorités. À ce titre, le chef de gouvernement a souligné qu'il ne donnera pas, pour le moment, de rendez-vous «imprécis». Quant aux chiffres, la discussion du projet de Budget rectificatif, a-t-il estimé, sera l'occasion de passer au crible toutes les mesures. Ainsi, il n'a rien laissé filtrer sur les chiffres de ce projet qui est réclamé par les parlementaires depuis de longues semaines car, d'une part, «ces chiffres changent» même sur le plan international et, de l'autre, «les grandes lignes de ce texte doivent être présentées et approuvées, en premier lieu, en Conseil des ministres». On s'attend à ce que le projet de loi de Finances rectificative, qui doit être examiné et adopté en seulement 15 jours au sein des deux chambres du Parlement, constitue le pilier fondamental de l'activation du plan de relance économique. La concrétisation de cet objectif passe, selon El Otmani, par des mesures urgentes pour la sauvegarde du pouvoir d'achat des Marocains, l'appui de la reprise des activités économiques et la mise en place d'un système incitatif transitionnel prenant en considération les contraintes des contribuables pour faire face à la crise. Il s'agit aussi du renforcement du budget des secteurs prioritaires, dont la santé et l'enseignement, et de la reclassification des crédits de gestion et d'équipement selon les priorités de cette conjoncture. À cela s'ajoute la révision du taux du déficit en se basant sur les nouvelles prévisions. Le plan de relance, qui va s'étaler sur un an et demi, est basé sur plusieurs piliers dont la sauvegarde du pouvoir d'achat (emploi, appui social...), l'encouragement de la demande, le maintien de la stabilité de l'investissement public, l'encouragement de la production et la reprise de l'activité économique (appui aux entreprises et aux secteurs lésés), la mobilisation des ressources supplémentaires pour l'appui à l'investissement public tout en instaurant une équité fiscale... Manque de communication Une nouvelle dynamique sera insufflée au programme Intelaka. Un fonds d'investissement public sera créé pour mettre en place des circonstances «convenables» à la dynamisation de l'économie et de l'emploi après la crise. La création d'un climat favorable à la relance économique figure aussi parmi les objectifs, et ce à travers l'accélération de la mise en place des réformes de l'intégration de l'économie informelle dans le cycle économique, la simplification des procédures administratives, l'accélération de la déconcentration et la restructuration des établissements et des entreprises publics. Ce sont certes des objectifs ambitieux. Mais ce qui est recommandé au gouvernement, c'est de présenter des mesures concrètes, précises et applicables sur le terrain dans l'immédiat, comme le soulignent nombre de parlementaires. «On attendait du gouvernement un plan de déconfinement avec un agenda précis et des priorités précises», a souligné le président du groupe du Mouvement populaire, Mohamed Moubdii, par ailleurs coordinateur du groupe de la majorité à la Chambre des représentants. On reproche aussi au gouvernement son manque de communication à destination de l'opinion publique, qui n'était pas préparée à la prolongation du confinement dans la zone 2. Applaudi pour sa gestion de la crise, le gouvernement est désormais critiqué pour sa politique de déconfinement progressif, même de la part de la majorité, à commencer par le PJD. L'unanimité au sein du Parlement est rompue. Abdellatif Ouahbi, député et secrétaire général du PAM, n'a pas hésité à dégainer et tirer sur le gouvernement. Le parti du tracteur retire son soutien inconditionnel au gouvernement et appelle à la création de deux commissions parlementaires exploratoires sur la gestion du dossier des Marocains bloqués à l'étranger et sur les marchés publics lancés durant la période de la crise sanitaire, notamment ceux de la santé. Ouahbi et d'autres parlementaires pointent du doigt la décision accordant de larges prérogatives aux walis et gouverneurs sur le plan territorial alors que les élus locaux et les conseils régionaux ne sont pas impliqués dans les efforts de lutte contre la crise.