Une belle performance économique signée par le Maroc. Le pays confirme son modèle attractif en termes d'IDE. C'est en substance ce que relève le World Investment Report 2012 réalisé par la CNUCED. Un rapport international de plus, consacrant l'exception marocaine qui sort son épingle du jeu dans une conjoncture international difficile. En 2011, le flux net des IDE entrants a atteint 2,52 MM$, soit une hausse de 60% par rapport à l'année 2010 qui enregistrait des entrants de près de 1,57 MM$. «Après trois années successives de baisse, le flux net a repris une tendance haussière et a dépassé le flux moyen d'avant crise», expliquent les économistes de la CNUCED. Le Maroc enregistre par là la plus forte hausse des pays de la région, au moment même où les IDE à destination de l'Afrique du Nord enregistrent une baisse de 50%. Le pays aurait-il tiré profit des désinvestissements que connaissent les différents pays arabes où le vent du «Printemps arabe» a soufflé ? Rien pour l'heure ne permet de l'affirmer avec certitude. Cependant, il convient de souligner que face à la bonne performance du Maroc, il faut comptabiliser les nombreux désinvestissements dans la région MENA et dans laquelle des pays comme l'Egypte, enregistrent un flux d'IDE négatif en 2011. Pendant ce temps, pour la même année, le Maroc a représenté 33% des flux des IDE à destination d'Afrique du Nord (contre 10% en 2010) et 6% des IDE à destination du continent Africain. Dans une tendance plus globale, le royaume arrive en tête et s'accapare 39% des IDE destinés à la région. Dans le détail, la part des projets Greenfield (installation d'entreprises étrangères) demeure prépondérante, comparée aux fusions et acquisitions. Cette performance permet au pays de totaliser le tiers des projets Greenfield d'Afrique du Nord pour l'année 2011. Néanmoins, si les récentes fusions acquissions, telles que celles opérées par Danone (www.leschos.ma) laissent entendre de bons résultats quant aux recettes IDE de l'année en cours, le directeur de l'AMDI, Ahmed Fassi Fihri préfère appeler à la prudence. Céder à l'euphorie de ces résultats, aussi bons soient-il ne serait par conséquent pas judicieux. «Faire de la crise une opportunité» Si l'année 2011 avait été l'occasion pour le Maroc de démontrer sa stabilité politique, de mettre en avant un climat des affaires propice aux investissements, l'année 2012 présente une toute autre configuration et devra mobiliser de nouveaux arguments. Les perspectives donnent une rechute des IDE de près de 8%. Et pour cause, la conjoncture économique internationale, le poids de plus en plus pesant des dettes souveraines chez les principaux partenaires européens sont là pour rappeler le climat morose dans lequel la promotion des IDE au Maroc devra s'effectuer. Compter uniquement sur les aspects politiques ne serait donc pas la recette miracle, la diplomatie économique marocaine devra bien en tenir compte. L'année 2009, durant laquelle les opérations exceptionnelles, telles que l'entrée de Téléfonica ou encore d'Orange dans le capital Meditel et l'entrée du CIC dans le capital BMCE sont bien loin derrière. C'est à juste titre ce que soulignent les responsables de l'AMDI : «le contexte n'est vraiment pas idéal et il faut avouer que la conjoncture aura un impact sur l'économie marocaine». Plus concrètement et sur le terrain, les opportunités d'investissements au Maroc sont bien là, mais les décisions d'investissement prennent beaucoup plus de temps. C'est en tenant compte de toutes ces données que la nouvelle stratégie de l'AMDI tend à s'articuler. Le principal promoteur des investissements étrangers vers le Maroc, adapte en circonstance son mode opératoire. Aussi, pour les experts de cet organisme, la crise peut être une opportunité à saisir de manière stratégique. En clair, il faudra se positionner en véritable relais de croissance face aux partenaires européens étouffés par les effets de la crise que traverse l'UE. C'est à juste titre aussi, ce qui justifie la nouvelle stratégie adoptée par l'AMDI et qui s'articule autour de deux axes principaux. Le premier vise essentiellement à consolider les partenaires traditionnels. Le Maroc ne représente aujourd'hui que 0,8% des investissements des pays comme la France ou l'Espagne dans le monde et la marge est donc assez importante. Le deuxième axe consiste à séduire de nouveau partenaires, outre les partenaires traditionnels pour concentrer une attention particulière sur l'Allemagne. Le pays est à ce jour, comme nous le savons, le bon élève de l'UE. Cette «référence dans l'industrie» aurait de surcroît beaucoup à apporter au Maroc en termes d'IDE et elle matérialise très concrètement les enjeux que présentent la crise économiques européenne, si tant est qu'elle profite au Maroc en termes de compétitivité. Mutation de profil La stratégie de l'AMDI pourrait bel et bien trouver du répondant au regard du développement d'un tout nouveau profil du Maroc. Le plan émergence commence à porter ses fruits. L'industrialisation du pays adopte une vitesse de croisière qui pourrait bien dégager de nouvelles opportunités d'investissements au Maroc. Si le tourisme et l'immobilier domestique avaient jusque-là représenté les principaux secteurs de prédilection du pays, la tendance aujourd'hui place davantage le secteur industriel aux devants. Les IDE dans ce secteur sont en effet en constante hausse ces deux dernières années ce qui dénote véritablement un nouveau cap que pourrait bien franchir le pays. C'est dans ce sens que toute l'expertise de géants de l'automobile tels que Renault ou encore de poids lourds de l'aéronautique tels que bombardier, serait bénéfique. Pour l'heure, les différentes stratégies sectorielles, les nombreux chantiers en marche font émerger de nouvelles opportunités d'investissements pour les entreprises étrangères. À noter également le gigantesque chantier de la LGV, qui éveillera probablement l'intérêt d'opérateurs du monde entier. En somme, le Maroc déploie des efforts bien étudiés pour adapter son «offre investissement» et son modèle de compétitivité à la demande du marché mondial. Les bases d'une réflexion sont ici soulevées, reste à savoir si les stratégies gouvernementales en tiendront compte. Ce qui est sûr, c'est que les atouts du Maroc ne manquent pas, sa position stratégique sur le continent africain en font une destination de plus en plus prisée et il gagnerait beaucoup à dépasser les inquiétudes de la conjoncture internationale pour la tourner à son profit. Ahmed Fassi Fihri , Directeur de l'AMDI. «L'année 2012 ne sera pas extraordinaire» Les Echos quotidien : Quels sont les éléments qui ont permis cette performance enregistrée par le Maroc en 2011 ? Ahmed Fassi Fihri : La stabilité politique a eu un impact très important sur ces résultats, puisqu'il n'y a pas eu de désinvestissements contrairement aux pays voisins. Il faut aussi compter tous les autres atouts du royaume, à savoir des fondamentaux macroéconomiques très stables, qui nous permettent d'être sur une croissance de 5% ces dix dernières années. Il ne fait nul doute qu'un pays en constante croissance attire nécessairement des investisseurs étrangers. De plus, nous avons une inflation maîtrisée. Sur ces dix dernières années la moyenne est inférieure à 2% et en 2011 elle était de 0,9%. La dette maîtrisée participe de ce fait également à ces résultats, puisque nous somme à 51% du PIB, ce qui permet au Maroc de sortir sur les marchés internationaux et de s'endetter à des taux préférentiels. Les stratégies sectorielles ont aussi donné de la visibilité aux investisseurs. D'autre part, l'amélioration continue de l'environnement des affaires y est aussi pour beaucoup. Rappelons qu'en 2011 nous avons fait une belle performance dans le classement du Doing business. Il y a une bonne dynamique et bien évidemment, il convient de rester ludique puisque des efforts importants sont encore à fournir dans les années à venir. Le plus important réside dans la prise de conscience de nos difficultés, auxquelles il va falloir mettre en place des mesures adéquates. Le gouvernement mise beaucoup sur les IDE pour assurer un bon taux de croissance. L'année 2012 répondra-t-elle à cette ambition ? Il faut souligner que les IDE n'ont qu'un petit impact sur la croissance. Cela ne veut pas dire qu'il faut lâcher du lest. Des IDE c'est bien évidement des transferts de technologies, des transferts de savoir faire, des dépenses de R&D dans des industries innovantes, telles que l'industrie automobile, électronique, aéronautique et l'offshoring. Ceci a donc un impact important sur le développement humain qui, à son tour, exerce une influence directe sur le niveau de croissance d'un pays. Si nous observons les IDE sur leur formation brute de capital fixe, elles ne représentent pratiquement que 10%. En mesurant tous les investissements du pays, la part des IDE n'est pas très importante. Cependant ils sont à l'origine de beaucoup plus de choses, autres que la pure croissance économique. Quelle est la tendance pour 2012 ? Nous restons optimistes, cependant 2012 ne sera pas une année avec une performance extraordinaire. Je veux dire par là qu'il ne faudra pas s'attendre à une croissance des recettes de 30 ou 40%, c'est évident. Par contre, vu le contexte morose, vu ce qui se passe dans la région, je pense sincèrement que la performance du Maroc sera globalement bonne et nous pouvons bien sûr attendre l'arrivée de 3 ou 4 gros investissements qui peuvent complètement chambouler la donne. Quelles sont les attentes des investisseurs étrangers en termes d'encouragements ? Aujourd'hui, l'expérience montre que l'investisseur étranger n'est pas à la recherche d'encouragements sous formes d'aides, à proprement parler, de la part du gouvernement. Il est concrètement à la recherche d'opportunités d'investissements. Il y trois sortes d'investisseurs dans le monde. Ceux qui sont à la recherche de ressources naturelles, ceux qui se focalisent sur un marché, notamment ceux qui prospectent dans le secteur des télécoms et enfin les investisseurs à la recherche de gains de points de compétitivité. C'est le cas en l'occurrence du projet Renault qui vise à exporter via le Maroc. C'est ce type d'investisseurs sur lesquels nous mettons l'accent au sein de l'AMDI. Ces investisseurs là, n'attendent pas nécessairement des aides de l'Etat, mais plutôt de réelles opportunités. Le rôle que le gouvernement aura à jouer est donc indirect. Le contexte macro-économique devra créer de nouvelles opportunités. Le gouvernement devra alors faire en sorte que l'environnement des affaires soit meilleur, en réduisant les procédures administratives, en assurant plus de facilités d'implantation et en développant un meilleur flux d'informations. C'est essentiellement sur ce point là, que tout l'effort du gouvernement devra se concentrer dans les années à venir. L'Afrique, une carte à jouer L'atout « plateforme des investissements » vers le continent africain n'est aujourd'hui plus à démontrer. Une fois encore les investisseurs étrangers soulignent l'attractivité du Maroc dans le continent en ce qu'il permet de mieux appréhender les opportunités d'investissement d'un marché en pleine croissance et qui plus est représente plus de 900 millions de consommateurs. Pour les mastodontes de l'économie mondiales tels que l'UE, les Etats Unis ou encore la Chine l'importance du marché est primordiale. Cependant pour s'y intéresser concrètement des garanties doivent être présentées pour les que les entreprises étrangères puisse prendre l'initiative d'investir dans ce nouveau relais de croissance. C'est à juste titre sur ce volet que tout le rôle du Maroc s'articule. Les éventuels investisseurs étrangers voient en la présence de grands groupes marocains, qui ces dernières années se sont lancés à la conquête de l'Afrique subsaharienne une véritable aubaine. Aussi, au lieu d'investir seuls ce marché dont les paramètres restent largement inconnus, ces dernières opteront pour des projets communs ou se grefferont à de gros projets d'investissements. Le dernier rapport de la CNUCED souligne alors l'importance de l'accompagnement que pourraient représenter les entreprises marocaines pour drainer davantage d'IDE au pays et dans l'ensemble du continent. Dans une approche plus concrète, la forte présence de groupes bancaires tels que Attijari Wafa Bank ou encore BMCE ont ces dernières années permis aux investisseurs étrangers «d'oser» la destination Afrique ayant par là plus d'assurance sur le volet payement des prestations ... Ceci n'est alors qu'une infime démonstration de l'impact de l'activité marocaine dans les différents pays d'Afrique subsaharienne en plein développement. Ce qui pourrait alors donner bien des idées à ceux qui hésitait encore à prospecter dans ces contrées.