Les responsables de réseaux de centres de visite technique automobile sont amers. Tel est, en tout cas, le sentiment exprimé par les deux réseaux qui ont accepté de nous répondre, à savoir SGS Maroc Automotive (SGS Aman'Auto) et Dekra Automotive Maroc, le 3e réseau, le marocain Salama, n'ayant pas répondu à nos multiples appels téléphoniques. Aujourd'hui, les deux opérateurs étrangers, l'un français et l'autre allemand, dénoncent notamment les obstacles qui se sont dressés en travers de leurs demandes d'ouverture de centres en propre. «Nos ouvertures sont retardées, parfois même bloquées par des lenteurs, notamment au niveau des procédures administratives pour l'obtention des autorisations de construire, voire par l'absence d'autorisation d'exploitation une fois que les investissements ont été réalisés», explique ainsi Philippe Joyeux, DG de SGS Maroc Automotive. Et de poursuivre: «Depuis 2007, nous avons déposé 78 dossiers auprès de l'administration de tutelle, mais les absences de réponse et les lenteurs diverses ne nous ont permis d'ouvrir que 15 centres à ce jour». Même son de cloche auprès de Dekra. «Entre début 2010 et juin 2011, nous avons déposé 41 dossiers d'ouvertures de centres. Seulement 4 ont été traités et 20 ont été refusés», avoue également Xavier Landouer, PDG de Dekra Automotive Maroc. Traitement inégal ? L'histoire aurait pu s' arrêter là, sauf que SGS et Dekra affirment être victimes aujourd'hui de pressions de la part de leur administration de tutelle. «Nous déplorons le fait que l'administration nous demande des comptes sur nos réalisations et freine en même temps nos investissements», dénonce ainsi Philippe Joyeux. «Le ministère menace même de ne pas nous remettre la caution liée à l'appel d'offres», ajoute Xavier Landouer. La caution est d'ailleurs au centre d'une autre polémique. D'après Dekra, Salama aurait déposé une caution d'un montant 5 fois inférieur à celle déposée par Dekra et SGS, soit 3 MDH contre 15 MDH. Le nouveau ministre de tutelle, Abdelaziz Rabbah, étant désormais averti de la situation, la balle est dans son camp. Mais Dekra envisage sérieusement le recours en justice si rien n'est fait dans les plus brefs délais. Du côté du ministère, nous n'avons pu obtenir d'explications sur cette question. 4e opérateur La situation est donc loin d'être prospère, dans un secteur qui fête à peine ses 5 ans. Pour rappel, la mésaventure commence en 2007, par l'adjudication d'un appel d'offres international aux deux sociétés. Celui-ci prévoit alors exclusivement la création de réseaux de centres de visite technique, afin de mettre en place la réforme de la sécurité routière. Toutefois, en juillet 2007, le ministère de l'Equipement et du transport, alors sous la houlette de Karim Ghellab, demande aux sociétés adjudicataires de rallier à leur nom les centres indépendants existants et de les mettre à niveau. SGS Aman'Auto et Dekra acceptent alors de jouer le jeu. Il s'ensuit un travail de longue haleine pour faire le tour des 180 centres de visite et les convaincre de rallier l'une ou l'autre enseigne. «Nous avons offert aux centres qui nous ont rallié un an de chiffre d'affaires. Leur mise à niveau nous aura pris deux ans. Au final, entre 2007 et 2010, nous avons laissé 40 MDH de pertes d'exploitation», explique Xavier Landouer, PDG de Dekra Automotive Maroc. Entretemps, en 2010, débarquait un nouvel opérateur, le Marocain Salama. Et aujourd'hui, les soupçons de favoritisme envers ce 3e opérateur vont bon train. Néanmoins, Dekra et SGS sont loin de renier leurs engagements. «Ce ne sont pas les difficultés rencontrées pour ouvrir certains de nos centres qui vont remettre en cause 60 ans de partenariat avec le Maroc. Nos engagements d'investissements demeurent inchangés. Nous souhaitons juste que l'administration marocaine ne soit pas un frein à ces engagements», martèle Philippe Joyeux. Aujourd'hui, 250 centres sont répartis dans tout le Maroc pour assurer près de 1,6 million de visites techniques par an. Les parts de marché entre SGS, Dekra et Salama se répartissent de façon plus ou moins équitable. Mais cela devrait changer, puisqu'un appel d'offres a été lancé début juin, pour choisir un 4e opérateur.