Le Maroc va-t-il opter pour le modèle sud-africain en matière de parité et de non-discrimination ? Rien n'est sûr à l'heure actuelle, où le gouvernement n'a pas encore donné de visibilité sur le scénario de la mise en place de l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations (APALD). Cependant, l'expérience sud-africaine apparaît comme la piste la plus sérieuse sur laquelle planche le Conseil national des droits de l'homme (CNDH). L'institution que préside Driss El Yazami s'est, en effet, penchée sur la question au lendemain de l'adoption de la dernière Constitution, préparant ainsi le terrain à la future loi organique qui viendra donner le coup d'envoi de la mise en place de l'APALD. C'est en ce sens et en vue d'ouvrir les débats avec la société civile et les partis politiques, que le CNDH a organisé, hier à Rabat, les premières Assises nationales de la parité et de la non-discrimination. La rencontre qui a vu la participation des représentants des institutions nationales, des partis politiques et de la société civile ainsi que de plusieurs experts et universitaires, sera axée autour de plusieurs problématiques relatives à la question de la parité. Il s'agit, notamment, des principales mutations de la société marocaine durant les dernières décennies et leurs impacts sur les statuts et conditions des femmes, les fondements et approches pour l'élaboration des politiques publiques dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la parité ainsi que de la mise en œuvre de l'APALD. L'un des aspects qui a retenu le plus l'attention des participants, a été la question de la complémentarité entre l'APALD et les autres institutions intervenant dans le domaine des droits de l'Homme, de la promotion de l'égalité et de la justice sociale. Modèle sud-africain «Le CNDH a initié une réflexion visant à contribuer au débat public nécessaire au processus de mise en place des mécanismes de promotion des droits de l'homme stipulés par la nouvelle Constitution», a indiqué Driss El Yazami à l'ouverture des travaux qui dureront deux jours. Le président du CNDH a, entre autres, cité le cas de l'APALD, qui en vertu des articles 164 de la Constitution aura pour principales attributions, de veiller au respect des droits et des libertés prévues à l'article 19 de la même loi fondamentale. L'objectif principal de la rencontre est d'ailleurs orienté sur ce point, celui d'une plateforme pour sa mise en œuvre. Le CNDH a réalisé, à cet effet, une étude de référence, explicitant les missions de l'APALD, présentant les expériences internationales en la matière et proposant des scenarii pour son établissement. L'étude qui s'inscrit en droite ligne des prérogatives du Conseil, est destinée selon le CNDH, «à préparer les conditions d'un débat national sur la mise en œuvre des dispositions de la Constitution et à mobiliser l'ensemble des acteurs concernés par ce grand chantier national». C'est ainsi qu'avec l'appui de l'organisme spécialisé de l'ONU pour la promotion de la femme, le CNDH s'est basé sur les bonnes pratiques internationales en matière de lutte contre la discrimination et est parvenu à élaborer un référentiel pour l'APALD. Qu'il s'agisse des prérogatives, de la question de son mandat ou de la composition de la structure organisationnelle de l'institution, le CNDH a analysé les ébauches de pistes de réflexion, «dans la perspective d'introduire et de faciliter le processus législatif visant la promulgation de la loi pour la mise en œuvre de l'APALD». Des différents modèles qui ont retenu le plus l'attention des experts du CNDH et des acteurs concernés sollicités, il apparaît que c'est le modèle sud-africain qui semble le plus convenir aux objectifs que s'est fixé le Maroc. La balle est donc désormais dans le cas du gouvernement à qui incombe, constitutionnellement, le soin de donner le coup d'envoi du processus pour la mise en place de l'APALD. Les organisations non gouvernementales, principalement la société civile féministe, attendent de pied ferme la proposition des autorités, qui pourra enfin permettre de s'assurer du respect de la parité prévue par la Constitution. «Jusque-là, nous sommes en porte-à-faux avec la Constitution et il est temps que l'on dispose d'une institution qui rappellera au gouvernement ses obligations en matière de parité» nous a confié un participant membre du «Printemps pour la dignité», une coalition d'ONG marocaines très actives dans la promotion des droits de la femme. Pour lui le mauvais signal donné par le gouvernement, à travers la composition du gouvernement, qui ne comprend qu'une seule femme, et la faible présence de ces dernières dans la haute instance du dialogue national sur la réforme de la Justice, ne plaide pas en faveur de Benkirane et de son équipe. Un mauvais signal que le CNDH tente de corriger en ouvrant le débat.