C'est une Joan Baez très en forme qui s'est produite samedi soir à Bab Makina, en clôture de la 18e édition du festival de Fès des musiques sacrées du monde. Accompagnée de sa guitare, «la reine du folk» a ébloui le public, ce qui lui a d'ailleurs valu une longue ovation après la fin de son concert. L'amie éternelle de Bob Dylan a débuté le spectacle par des chansons célèbres telles que «God is God». Une chanson profonde et spirituelle qui a donné le ton à ce spectacle. S'en suivaient d'autres de son répertoire si riche. Il faut dire que ce soir-là, Joan Baez a arrêté la machine du temps dans les années 1960 et 1970. «J'ai vraiment de la chance de vivre dans cette période», a-t-elle confié au public de Fès. Artiste engagée, ne reconnaissant pas les frontières, ni les différences, Joan Baez a chanté en espagnol, rendant ainsi hommage à son père originaire du Mexique, en français et en arabe. Elle a ainsi interprété la célèbre chanson de Boris Vian «Le déserteur», réaffirmant ses engagements politiques. «C'est une lettre que j'adresse à tous les présidents du monde», a-t-elle souligné. Le célèbre tube tunisien «Jari ya hamouda» a été également interprété par Baez qui n'a rien perdu de son énergie. Figure emblématique du mouvement «Peace & Love», Joan Baez a répandu samedi son message de paix, d'amour et de tolérance. D'ailleurs la dernière chanson qu'elle a interprétée avant de quitter la scène n'est autre que «Imagine» de John Lennon, chantée en chœur par le public. À 71 ans, Joan Baez continue donc son combat contre l'injustice. Un combat qu'elle a entamé en 1963 à l'occasion de la Marche de Washington pour le travail et la liberté et au cours de laquelle Martin Luther King avait fait son discours historique, «I have a dream». Autre style, même objectif La veille, Bab Makina et le public de la capitale spirituelle avaient rendez-vous avec le spectacle Biophilia, de la star islandaise Björk. Une sorte d'exploration multimédia de la musique, de l'écosystème et de la technologie. Ce spectacle présenté pour la première fois en juin 2011 à Manchester, allie en effet musique, images et interactivité sur fond de sonorités électroniques. Bref, mystère, excentricité et nouveauté étaient les mots d'ordre de Biophilia. Vêtue comme une magicienne d'un conte de fées, Björk a livré un show époustouflant. Pourtant, une bonne partie du public semblait désemparée par cet aspect expérimental du projet, qui donne l'ascendant au visuel sur le son. «Je n'ai pas aimé ce spectacle... Ce n'est pas de la musique pour moi», nous confirme un quinquagénaire. Ainsi, au fil des minutes, presque la moitié du public quittait déjà les lieux. «Je n'aime pas spécialement le style Björk, mais j'aime bien sa personnalité. C'est quelqu'un qui ose... Malheureusement, j'ai l'impression qu'elle ne trouve pas son public à Fès», nous précise une touriste française, venue spécialement pour le festival des musiques sacrées. Vers la fin du concert, juste quelques spectateurs étaient toujours là. Versés dans la culture de la star islandaise, ils ont applaudi longuement sa performance. «Je n'en reviens pas encore... Le fait que Björk se produise au Maroc est un événement... Son concert était tout simplement magnifique», nous a déclaré un trentenaire casablancais qui a fait le déplacement spécialement pour assister à ce spectacle. À 47 ans, Björk qui a commencé sa carrière à 11 ans, continue d'explorer d'autres styles. Elle est en effet, dans un renouvellement constant, une créativité inachevée, un tourbillon multimédia. Le week end de clôture de la 18e édition de ce festival a été marqué également par la prestation époustouflante du Libanais Wadi Safi à la Place Bab Boujloud. Safi et Lotfi Bouchnak qui était lui aussi de la partie, ont rendu un hommage à la musique arabe, plébiscitée par le grand public. D'ailleurs, les spectateurs qui ont investi la Place Bab Boujloud ce vendredi soir le prouvent. L'autre moment fort du week end a eu lieu au musée Batha. Il s'agit en effet, d'un show inédit livré par le danseur indien du Kathak (danse indienne), Anuj Mishra. D'une grâce surprenante, Anuj réalise la synthèse si difficile entre une technique éblouissante de danse pure et un sens qui lui permet d'exprimer toute une gamme d'émotions (abhinaya). En un mot, Anuj a transporté le public dans l'univers des empereurs moghols et des maharajas hindous. Un voyage inoubliable !