Après l'Union européenne, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale, c'est au tour de l'Agence américaine d'aide au développement (USAID) de recadrer son intervention au Maroc pour intégrer les nouveaux défis socioéconomiques du pays. L'organisme américain planche, actuellement, à l'élaboration d'une nouvelle stratégie quinquennale d'intervention au Maroc. Une stratégie d'envergure puisqu'elle sera étendue à tout le territoire national en fonction des secteurs concernés. La stratégie, qui sera opérationnelle à partir du mois de septembre 2013, s'inscrit dans le cadre de son futur programme d'appui à la croissance économique. Deux axes stratégiques structureront le nouveau programme américain au Maroc. Il s'agit de la croissance et de l'emploi des jeunes, des chantiers jugés prioritaires par ailleurs par le gouvernement. À ce titre, l'USAID vient de lancer deux études d'évaluation dont la première est relative à la gouvernance économique et la deuxième concerne une évaluation rapide de l'emploi des jeunes au Maroc. Pour le premier marché, il s'agit d'abord de dresser le bilan des actions menées jusque-là dans ce domaine afin de «tirer les enseignements et les meilleurs pratiques pour la planification des nouveaux projets». Il s'agit pour l'USAID d'identifier, en accord avec les principaux acteurs et les bénéficiaires cibles, d'identifier «les perspectives pour le développement des opportunités économiques et la réduction des coûts de transaction, surtout pour les PME». L'objet de la seconde étude, s'inscrit, d'ailleurs dans cette vision puisqu'il consiste, entres autres, à «une évaluation rapide de la main d'œuvre jeune et du marché du travail au Maroc afin de déterminer la stratégie qui convient le mieux à la future programmation». Soutien au gouvernement À travers la déclinaison des principaux axes de sa futur stratégie d'intervention au Maroc, l'USAID se positionne, donc à son tour, en appui au gouvernement. C'est ce que souligne le document d'orientation de la mission qui met un accent particulier sur la prise en compte «des priorités et des initiatives en cours du gouvernement du Maroc, du secteur privé et des initiatives existantes futures, financées par des bailleurs de fonds». Un recadrage qui s'inscrit dans la dynamique de celle adoptée par la plupart des bailleurs de fonds et des agences de développement intervenant dans la région, à la suite des tensions sociopolitiques enregistrées en 2011, et qui ont engendré de nouveaux défis pour ces pays. C'est ce qui a d'ailleurs déterminé le choix des deux thématiques, de la croissance et de l'emploi pour le prochain programme quinquennal. Selon une analyse de l'USAID, «les perspectives économiques limitées ont contribué à des troubles sociaux grandissants sous la forme d'une vague de manifestations publiques». Les jeunes «confrontés aux perspectives d'emploi réduites sont frustrés par le fait que la réussite dépend plus d'appuis de personnes influentes que du mérite» a constaté l'agence américaine. Sans faire dans la complaisance, l'USAID prend comme contexte politique l'arrivée «d'un parti islamique modéré, le PJD» qui a promis «une diminution de la corruption et davantage de transparence et de recevabilité». Pour l'USAID qui évalue les premiers mois d'exercice de l'équipe Benkirane, «si beaucoup de Marocains ont adopté une approche attentiste, le secteur privé reste en grande partie sceptique quand à la capacité du gouvernement de lutter contre la corruption». Selon les experts américains, «dans le passé, des cas de grande corruption ont été dissimulés pour éviter qu'ils n'embrasent la direction du pays». Les tares à corriger S'agissant des défis socioéconomiques, l'USAID a relevé le fait que si le taux de croissance enregistré au Maroc au cours de la dernière décennie a été en moyenne de 5%, l'augmentation du taux annuel de l'emploi n'a, cependant, augmenté que de 1,7%. Pour les experts de l'USAID, l'incohérence entre la croissance du PIB et des tendances du marché de l'emploi peut trouver son explication dans le fait que les gains de productivité n'ont été enregistrés que dans un nombre limité de secteurs. L'USAID s'est également penchée sur l'environnement des affaires, lequel tout en enregistrant une sensible amélioration, reste encore tributaire de certaines faiblesses. Il s'agit, notamment, des taux d'imposition et l'accès aux crédits ainsi que des «restrictions statutaires déclarées concernant la propriété dans certains secteurs». Il faut dire que par rapport à la situation économique du Maroc et les freins à une véritable croissance productive et créatrice d'emplois, l'USAID n'y est pas allée avec le dos de la cuillère pour dresser le diagnostic pays pour le cas du Maroc. Une faiblesse du secteur privé, un marché régional fragmenté, une main d'œuvre improductive et des produits marocains non compétitifs, justifient pour l'USAID, une situation, qui n'est ni plus ni moins, que la conséquence de pratiques de «longue date». L'agence américaine a ainsi pointé du doigt, «un paysage économique marocain qui peut se décrire comme une pyramide de privilèges». Autant de failles qu'il va falloir corriger pour améliorer le système économique du pays et mettre les fruits de la croissance au service de la résorption du taux de chômage des jeunes, avec à la clé des emplois décents, et où les PME joueront leur rôle de levier. En tout cas, prévient l'USAID, les initiatives visant à appuyer cette dynamique risqueront d'êtres vaines «en l'absence d'une révision fondamentale de la culture de fixation des règles». En un mot, la lutte contre la corruption, l'économie de rente et la promotion de l'intégrité que prône le gouvernement Benkirane. Une évaluation stratégique «Stratégie quinquennale pour un futur programme d'appui à la croissance économique au Maroc». Telle est la contribution d'USAID-Maroc réalisée dans le cadre de la série des programmes d'appui que l'organisation américaine mène au Maroc depuis une cinquantaine d'années. Pour réussir cette stratégie, la Division de la Croissance Economique et des Echanges Commerciaux (DCEEC) D'USAID-Maroc projette de mener une évaluation stratégique concernant la gouvernance économique. Cette évaluation, qui prendra en considération «les priorités et les initiatives actuelles du gouvernement du Maroc et du secteur privé, ainsi que les initiatives financés par les bailleurs de fonds», aura comme mission principale de fournir des informations indépendantes pour la programmation de projets à venir dans la sphère de la gouvernance économique. Réalisée sous forme d'étude, l'évaluation devra également désigner les domaines stratégiques dans lesquels USAID-Maroc sera bien située pour contribuer au mieux au développement du climat d'affaires dans le pays, en donnant plus d'importance aux PME. Selon le rapport de présentation, l'étude doit mettre en lumière un certain nombre de questions nécessaires pour appréhender la gouvernance économique au Maroc. Il faut signaler que la présentation de l'étude n'a pas omis de mettre cette évaluation stratégique dans le contexte du printemps arabe et de la montée du mouvement de contestation qui s'est conjuguée avec l'amélioration de l'environnement économique au Maroc, sacré par le rapport Doing Business 2012 de la Banque mondiale.