Une production cinématographique ou audiovisuelle par an et par million d'habitants minimum et ce à travers neuf pays du sud de la Méditerranée, dont le Maroc. Serait-ce là un idéal concret ou une énième utopie d'un loobing économique ou culturel ? En réalité c'est l'objectif, à mi-parcours, que s'est fixé le programme Euromed audiovisuel, dont le budget s'élève à plus de 11 millions d'euros pour trois ans (2011-2013). Lancé en 2011, ce programme de soutien qui vise à favoriser la production cinématographique, de manière spécifique, et audiovisuelle plus largement dans le bassin méditerranéen, vient de publier les résultats d'une étude portant sur le «Financement de la production audiovisuelle». Quels types de financement sont disponibles pour appuyer des projets audiovisuels et cinématographiques en Méditerranée ? Comment en bénéficier ? Comment rentabiliser une production nationale à travers la région ? Ce sont autant de questions et plus encore, auxquelles tente de répondre ce document à l'attention des professionnels du secteur mais également des acteurs économiques du marché. Le rapport de l'Euromed vise donc à «aider les producteurs à élaborer des stratégies de financement pour leurs projets» d'une part et à nourrir une «réflexion» auprès des décideurs sur les «mécanismes de soutien financier à la production et la coproduction» d'autre part. Un modèle économique chamboulé À en croire le schéma de base du modèle économique de la production audiovisuelle «le coût de fabrication et de diffusion est moins élevé que les bénéfices». Seulement voilà, dans la réalité, le business modèle d'une production audiovisuelle est totalement inversé. À moins qu'il ne s'agisse d'un blockbuster ou d'une production hollywoodienne à gros budgets, les acteurs méditerranéens du secteur subissent des frais de production nettement plus élevés par rapport à ce que rapporte le film (fiction, documentaire, reportage, animation...) une fois proposé au public (cinéma ou télévision). D'ailleurs à ce titre, le rapport signal que «le sud de la Méditerranée et l'Europe, sont dominés par les films américains». «Cette domination se traduit surtout par la disponibilité des productions sur le Net», explique-t-on. En effet, la disponibilité des outils technologiques, et la démocratisation de l'accès à Internet ont favorisé une production «presque» professionnelle, notamment dans des pays industrialisés. En 2011, le site de partage de vidéo en ligne, YouTube par exemple, a observé une fréquence de plus de 600 vidéos téléchargées par minute, et la fusion technologique Télévision-Internet n'arrange en rien la situation. Selon le New Yorker, «la télévision sur Internet est susceptible de produire 100.000 chaînes de télévision très fortement spécialisées et destinées à des publics mondiaux», et d'ajouter qu'au cours des six premiers mois de 2012, YouTube avait lancé au moins une centaine de chaînes de télévision sur Internet. Résultat, «cette approche à faible coût ne permet pas au secteur de l'industrie audiovisuelle d'adopter un fonctionnement économique stable» souligne l'enquête de l'Euromed. Il n'est même plus question de grosses productions grand public, mais de la structuration d'un marché audiovisuel dans des pays qui en dépit de leurs efforts de production gardent un positionnement de consommateur. Le Maroc en est la preuve, en dehors de quelques productions nationales, qu'ils s'agissent des salles obscures ou des écrans de télévision, les Marocains sont essentiellement consommateurs de production étrangères. Du coup, pas de public, pas de rentrées et donc pas de fonds de production... C'est ce cercle vicieux que tente de rompre Beath à travers son analyse du marché mais surtout ses recommandations. La feuille de route de l'Euromed En tête de la liste des recommandations figure la «construction d'une audience». De l'avis de Beath, les professionnels sud-méditerranéens de l'audiovisuel ont prouvé à l'international qu'ils ont du talent. C'est chez eux qu'il est plus compliqué de convaincre de la pertinence de leur production. Aussi, «la commercialisation de films locaux et régionaux exige une plus grande expertise et devrait user d'innovation plutôt que de dépenser plus d'argent en promotion classique». À ce titre, le rapport fait état d'initiatives lancées dans plusieurs pays du Maghreb, notamment au Maroc visant à «construire un circuit alternatif utilisant un équipement de projection numérique». Une démarche, qui devrait être «encouragée et soutenue» estime l'Euromed, du fait qu'elles sont initiées par la société civile. Le suivi des évolutions numériques est également un point clé de cette stratégie de promotion de la production audiovisuelle nationale dans cette partie du monde. Si Internet parvient à drainer des centaines de milliers d'adeptes à travers le monde, il est utile pour les professionnels locaux de se mettre également à l'heure du Web. Du côté du financement, l'Euromed est aussi d'avis de développer les systèmes de subventions et d'encourager la création d'une industrie audiovisuelle. En effet, bien que «plusieurs fonds cinématographiques soient aujourd'hui sous-financés», ce qui est le cas dans plusieurs pays du monde, le rapport estime que c'est surtout au niveau de «la transparence dans la décision et sur le processus d'octroi de subventions qu'il faut travailler». En somme, une redistribution des cartes financières est à revoir dans la région, afin d'optimiser les ressources existantes. On pourrait également ajouter le renforcement des partenariats avec le privé. Comme c'est le cas aux Etats-Unis notamment, où les marques ne lésinent pas sur les fonds d'investissements en la matière, moyennant une visibilité évidemment. Cette tendance jusqu'ici peu perçue par les spectateurs est aujourd'hui clairement affichée et le fait de voir une marque de fast-food, de sport ou d'appareil électronique dans un (télé)film fait désormais partie du quotidien audiovisuel des publics.