C'est officiel, elle est désormais la troisième institution bancaire du privé marocain à élargir ses tentacules vers les économies du sud du Sahara. L'information était encore en instance d'être officiellement annoncée, mais les jeux sont faits aujourd'hui : la Banque centrale populaire (BCP) confirme la signature, avec le holding ivoirien Atlantic Financial Group (AFG), d'un accord de partenariat stratégique pour le développement d'activités bancaires à travers le réseau Banque atlantique, les filiales bancaires d'AFG présentes dans sept pays d'Afrique de l'Ouest. «Ce partenariat consiste en la création d'une holding commune dénommée Atlantic Bank International», confirme-t-on dans un communiqué officiel de BCP. Dans les termes de cet accord, AFG engage, dans cette nouvelle holding, ses participations dans les sept représentations du réseau de Banque atlantique, là où la BCP devrait apporter «l'équivalent en numéraire de la valeur de ces participations». Cela devrait ainsi permettre, à la banque marocaine, de détenir désormais, «en parité avec AFG», le contrôle des sept banques concernées par le deal, ainsi que d'autres enseignes du groupe AFG (la banque d'affaires Atlantique finance et la société d'ingénierie informatique Atlantique technologie, ndlr). «La BCP assurera désormais la gestion courante de toutes ces filiales ainsi que leur gestion stratégique, opérationnelle et financière», mais sous la marque Banque atlantique. Ce partenariat vient en tout cas confirmer des ambitions perçues depuis plusieurs mois déjà. Au tout début de cette année, en effet, plusieurs transactions informelles ont eu lieu entre les négociateurs des deux groupes, constituées de visites impromptues et de réunions en catimini. Cela aurait finalement donné fruit, du côté de la BP, à la prise de l'une des décisions les plus stratégiques de son histoire, celle de s'internationaliser vers l'intérieur du continent, un marché au sujet duquel la BP semblait pourtant encore nourrir peu de perspectives. Quoi qu'il en soit, il va de soi que l'expérience – BMCE Bank détient un peu plus de 51% de Bank Of Africa (BOA) et Attijariwafa Bank avait acquis 79,15% de la Compagnie bancaire de l'Afrique occidentale (CBAO) - nous a largement démontré que pour ce type d'opérations, les banques marocaines se montrent généralement très «gourmandes». Banque populaire n'a pas dérogée à cette règle, frappant un grand coup financier en réussissant cette opération. «Joker» capitalistique La décision de BCP de concrétiser ce renforcement de présence en Afrique subsaharienne, est certes loin d'être fortuite ou tendancielle. Elle semble même – au risque d'enfoncer une porte ouverte- en relation avec la dernière augmentation du capital réussie par le groupe, en mars dernier. Le groupe français BPCE avait en effet opéré une prise de participation à hauteur de 5% dans le capital de la BCP, à travers BPCE Maroc, filiale de BPCE International et Outre-mer. Cela entre dans le cadre de la concrétisation d'un «partenariat industriel, commercial et capitalistique», qui porte, entre autres aspects, sur une «collaboration en matière de croissance en Afrique». Par ailleurs, une interprétation des portées de cette opération et l'analyse des timings de cette prise de participation ainsi que celle qui vient d'être opérée chez Banque atlantique, laissent ressortir plusieurs hypothèses. La première voudrait que la BCP ait «emprunté» à la BPCE les moyens de ses ambitions africaines. D'autant plus que la banque marocaine n'était pas la seule en lice pour la reprise de Banque atlantique. BMCE Bank était en effet aussi parmi les intéressés, et paraissait, grâce à sa riche expérience à travers la BOA sur le marché subsaharien, la mieux dotée en chances de remporter le deal avec AFG. «Tremplin» français ? La deuxième lecture que l'on pourrait apporter sur cette opération - la plus plausible d'ailleurs - suppose le scénario inverse où ce serait le groupe français qui voudrait «utiliser» un tremplin marocain pour élargir ses activités sur le continent. La BCP, dans ce cas de figure, jouerait évidemment le rôle de ce tremplin, et de toute façon, elle est la mieux placée pour l'assumer, puisque les deux autres grandes banques du royaume ont déjà plusieurs pions avancés sur le marché ciblé. Le fait est que la BPCE avait en effet déjà entamé – en juillet 2011 plus précisément – des négociations avec Atlantic Financial Group pour la cession d'une partie de la Banque atlantique. Ces négociations étaient très vite tombées à l'eau, et les pourparlers suspendus, pour des raisons de «mauvaise gouvernance et d'actifs douteux» chez la structure en vente, en pleine crise de liquidités à l'époque, laquelle cherchait désespérément un ou plusieurs investisseurs pour le remettre très vite sur pied. La BCP est désormais parmi ces derniers, sinon la seule...