Si les yeux des cinéphiles du Maroc sont braqués sur le Festival de Cannes, ceux des mélomanes sont rivés depuis vendredi sur le festival Mawazine Rythmes du monde, dont le coup d'envoi a été donné vendredi. Cela aura été un week-end haut en couleurs que celui vécu par les habitants de Rabat et de Salé. La musique marocaine, panarabe et occidentale a investi les quatre coins de la région pour le plus grand bonheur des festivaliers, venus nombreux. Selon Maroc Cultures, qui organise Mawazine depuis onze ans, quelque 200.000 personnes ont assisté aux concerts programmés le premier jour. Ce chiffre en dit long sur le succès de ce festival, décrié par certains, mais adopté par la majorité. La scène OLM Souissi où se sont produits de grands artistes tels qu'Elton John, Stevie Wonder, Sting, BB King, Santana et Withney Houston a accueilli durant ces trois jours de festivités trois idoles des jeunes à travers le monde. Il s'git de la formation LMFAO, du chanteur Pitbull et d'Evanescence. Des artistes aux talents multiples, qui ont enflammé la scène, devant un public complètement déchaîné. «Je n'ai jamais pensé assister à un concert de Pitbull...», nous confie une jeune adolescente, tout émue. Très en forme, le chanteur américain d'origine cubaine a livré tout simplement une prestation époustouflante. «Je suis très touché d'être parmi vous», a-t-il lâché devant des milliers de fans. Les férus de la chanson arabe, eux, ont eu rendez-vous ce week end avec des registres musicaux variés. Karima Skalli, Marouane Khouri, Yara, Fadl Shaker et Abdellah Rouiched ont été les vedettes de ces trois premiers jours de cette 11e édition. Malgré leurs styles musicaux différents, ces artistes, chacun de son côté, ont rendu a leur façon un hommage appuyé à la grande Warda El Jazairiya, décédée jeudi suite à une crise cardiaque. À Salé, la musique marocaine a été dignement représentée grâce à de jeunes chanteurs développant des styles plutôt modernes. Haoussa que l'on ne présente plus, Outlandish composé de jeunes Danois d'origine marocaine, Aziz Sahmaoui, Aziz Bouhaddada, Lamia Zaïdi... ont été au rendez-vous. De la musique et des débats Outre ces concerts qui sortent Rabat de son calme habituel, une table ronde et un atelier artistique ont été programmés ce week-end. «Les industries musicales au Maroc, réalités et perspectives», tel est l'intitulé de la table ronde qui a eu lieu samedi à la Villa des arts, avec la participation de professionnels, en l'occurrence le musicologue Ahmed Aydoun, le leader du groupe Mazagan Issam Kamal, le PDG de la radio Chada FM, Rachid Hayeg et le chanteur camerounais Ludovic Georges Njoh Mboule. Très critique sur la situation en Afrique, ce dernier a insisté sur les avancées réalisées. «Contrairement à de nombreux pays du continent, le Maroc est en train de voir émerger une véritable industrie du disque. Certes, il reste encore beaucoup de choses à faire, mais c'est en bonne voie», a-t-il souligné. Insistant sur la nécessité de protéger les artistes, Issam Kamal a ajouté que «le développement de l'industrie musicale ne se fera qu'à condition de garantir les droits d'auteurs et de lutter efficacement contre le piratage ». Enfin, la réalisatrice Sanae El Hamri, qui s'est imposée sur la scène artistique américaine, a animé un atelier hier à l'Isadac, au profit de jeunes étudiants sur la réalisation. Un week-end donc chargé, qui annonce la couleur de cette 11e édition, qui démarre sur des chapeaux de roue. INDISCRETIONS Des changements ont été opérés cette année sur les différentes scènes du festival. Bien aménagées (on a l'impression qu'elles étaient beaucoup moins spacieuses auparavant), elles ont été équipées de plusieurs espaces, comme celui réservé, à l'OLM Souissi, aux personnes handicapées. Bien positionné sur la scène musicale arabe, Mawazine attire de plus en plus de journalistes du Moyen-Orient. Plusieurs d'entre eux sont présents à Rabat pour couvrir l'événement. «C'est normal qu'on soit là ! C'est le grand festival de la région qui connaît la participation de plusieurs stars arabes... d'autant plus que l'activité artistique au Moyen-Orient est affectée par la conjoncture politique», nous confie la journaliste libanaise Zalfa Ramadane. Afin de faciliter la tâche aux journalistes, le service Presse a installé un bureau de presse à l'OLM (outre celui qui est à la Villa des arts) pour leur permettre de récupérer leurs badges dans les meilleures conditions. Gloria Gaynor, Chanteuse américaine : «Je suis une survivante» Les Echos quotidien : C'est la deuxième fois que vous vous produisez au Maroc. Qu'est-ce qui justifie ce choix ? Gloria Gaynor: Si je suis parmi vous aujourd'hui, c'est parce que le public marocain m'a adopté dès notre première rencontre. J'aime bien votre pays ainsi que le public qui, à ma grande surprise, connaît mes chansons par coeur. Dans mes deux spectacles à Mawazine, le public était là, présent... C'est cette interactivité, cette symbiose qui m'encourage à donner le meilleur de moi-même et à enflammer la scène (rires). «I will survive» est l'un des tubes les plus célèbres au monde. Êtes-vous vraiment une «survivante» ? Absolument. Dans ma vie il n'y a pas que de la joie. J'ai perdu des membres de ma famille qui représentaient tout pour moi et pourtant, j'ai survécu. J'ai vécu des moments très difficiles que, je l'espère, je ne revivrai jamais. Mais heureusement, j'ai un métier extraordinaire qui me permet de voyager, de découvrir d'autres cultures, d'autres personnes et surtout de sentir que les gens m'aiment. Vous êtes considérée aujourd'hui comme la reine du disco. Aviez-vous pensé un jour avoir pareille carrière ? Pas du tout. Je ne me suis jamais fixé cet objectif... Tout ce que je voulais, c'était chanter. Les choses ont pris un autre tournant et c'est tant mieux ! Le disco n'est plus vraiment à la mode et pourtant la nouvelle génération connaît vos tubes par coeur. Quel effet cela vous fait-il ? Je suis une artiste comblée (rires). Cela montre que malgré les années mes chansons sont toujours plébiscitées par le public à travers le monde. C'est la plus belle consécration que l'on puisse avoir en tant qu'artiste. Outre la musique, vous avez participé à quelques séries américaines. Le cinéma ne vous tente-t-il pas ? Si ! Il y a des projets mais je ne peux pas vous en parler pour le moment. C'est un peu tôt de parler de ces projets d'autant plus qu'ils sont toujours en gestation. Tout sera dévoilé au bon moment.