Concerts événements, réflexion autour de l'industrie musicale, spectacles de rue, le 11e Festival Mawazine Rythmes du Monde colore Rabat d'un visage festif pour l'amour du son. Electrique, riche, intense, la fièvre Mawazine s'est emparée de la capitale et des Rbatis. Tous les hôtels de la ville sont pris d'assaut, toutes les soirées sont animées et teintées du programme de ce festival, au-delà des différentes scènes en adéquation avec cette nouvelle édition : Rabat vit et vibre aux rythmes des nombreux concerts. Depuis, vendredi 18 mai, un flot ininterrompu de festivaliers toujours plus nombreux, de trafic routier complètement fou, se déverse de concert, telles des ondes frénétiques dans la capitale, qui joue une nouvelle partition. « J'aime voir ma ville si vivante, elle s'agite dans tous les sens», confie Maria, une jeune Rbatie, qui bataille pourtant au volant de sa voiture depuis près d'une demi-heure pour gagner la scène OLM Souissi, la plus redoutable d'accès. Nous sommes samedi soir, et la star incontestée du rap, Pitbull, s'est produit à cet endroit. Public jeune, enfants et même famille sont venues applaudir le roi du flow américain actuel. Mais cette soirée a, sans conteste et à l'unanimité, été marquée par l'incroyable performance de la diva, Gloria Gaynor. Il est presque 20 heures sur la scène du Théâtre National Mohamed V. La Disco Queen – qui déclarait quelques heures auparavant, lors d'une conférence de presse : « Je suis toujours ravie et honorée quand je suis invitée dans un pays où la musique est un langage» – a également été emportée par le goût du rythme des spectateurs, venus massivement l'applaudir. Passées les dix premières minutes du concert, le public n'a pu résister à l'envie de se lever et de danser, complètement extatique, jusqu'à la fin du spectacle, encouragé par Gloria Gaynor, « ce soir ça va être la fiesta !». Généreuse, débordante d'énergie communicative, la talentueuse chanteuse, a interprété les standards de son répertoire qui ont largement contribué à asseoir son phénoménal succès, à travers les quatre coins du monde, mais aussi l'éternel tube des Jackson Five, « I'll be there» et celui, lancinant et plaintif, qui, passé minuit, vous lézarde le cœur de coups de couteaux, l'unique « Killing me softly», de Roberta Flack, repris l'été 1996, par les Fugees. Placée de plus, sous le signe de la diversité, ces deux premiers jours qui ont ouvert les festivités ont rassemblé artistes issus d'Inde, des Etats-Unis, de la Côte d'Ivoire ou encore du Liban. La soirée d'inauguration a compté près de 200 000 personnes. Les formations, Aziz Sehmaoui & University of Gnawa, LMFAO, ont marqué les différentes scènes. Le festival Mawazine, a notamment rendu un vibrant hommage à deux divas récemment disparues : l'icône américaine de la musique disco Donna Summer et la chanteuse algérienne Warda Al Jazayria, qui avait livré un concert mémorable à Mawazine en 2009. Ainsi, l'espace Nahda, devant une assistance très émue, Karima Skalli a repris une chanson de “ La rose d'Algérie ” et évoqué “ une amie, une dame exceptionnelle qui a beaucoup compté ”. Le Libanais Marouan Khoury a charmé une foule conquise par ses chansons d'amours et son timbre unique. Amie intime de Donna Summer, Gloria Gaynor a rendu hommage à la diva et au Maroc, «un pays que je connais bien et que j'apprécie énormément», a-t-elle souligné. Autre jalon du début de cet événement, une table ronde s'est tenue samedi 19 mai, à 15 heures à la Villa des arts de Rabat, autour de la thématique, « culture et industrie musicale ». Producteurs de l'industrie du disque et artistes qui représentent l'Afrique subsaharienne comme le Cameroun, le Congo, le Gabon, et le Maroc, comme Issam Kamal, Ludovic Georges Njoh Mboule, Rachid Hayeg ont évoqué aux côtés du modérateur et musicologue Ahmed Aydoun, les contours d'une industrie « en devenir», pour le continent africain, mais aussi, la précarité et la difficulté des auteurs pour vivre de leur art, puisque bien souvent ils ne parviennent « qu'à survivre». Un modèle d'industrie, basé sur la diffusion, la production, fait encore défaut, alors que les métiers du disque doivent véritablement répondre à une structure digne de ce nom, comme celle proposée en Europe et aux Etats-Unis. Titres de fièvre, artistes planétaires, public fidèle, l'ère Mawazine se confirme, en tant qu'entité culturelle. * Tweet * * *