L'opération séduction des produits alimentaires marocains au Salon international de l'agroalimentaire (Sial) de Montréal, qui s'est tenu du 9 au 11 mai derniers, a-t-elle porté ses fruits ? De l'avis des différents exposants présents sur place, le résultat est mitigé. Globalement, tous sont relativement satisfaits de leur présence sur les lieux. «Nous avons lié contact avec près d'une dizaine d'opérateurs locaux avec lesquels nous pourrions éventuellement aboutir à quelque chose de sérieux», affirme ainsi pour sa part Aziz Chirb, responsable Export chez Agro Juice Processing, qui détient la jeune marque de jus Valencia. Déjà distribuée au Québec via un distributeur exclusif, le fabriquant s'est offert les portes du Canada grâce à ces nouveaux contacts. Trois commandes ont même été passées directement depuis le stand. À l'issue de cette première participation au salon montréalais, la marque de jus est bien décidée à revenir à la prochaine édition. De son côté, la marque de couscous et pâtes alimentaires Kayna s'avoue également très satisfaite de sa première participation à cette manifestation. «C'est très positif pour nous. Nous avons décroché une commande ferme de couscous et cheveux d'ange pour un partenaire qui nous permettra ainsi d'être présent dans les grandes et moyennes surfaces canadiennes», s'enthousiasme ainsi Nour Eddine Bahji, responsable export du groupe Kayna. Néanmoins, ce dernier tient à souligner les raisons de ce succès. «Nous avions déjà participé au Summer Fancy Food de Washington, précise ainsi Nour Eddine Bahji. Nous avions alors remarqué que les salons du continent nord-américain ne sont un succès que s'ils se préparent en prenant à l'avance contact avec d'éventuels partenaires. Pour notre première participation au Sial Canada, nous avions justement retenu la leçon et avions préparé nos contacts. La commande réalisée à l'occasion du Sial n'est en réalité que la concrétisation d'une prise de contact antérieure». Le marché canadien, difficile d'accès Jugé difficile à conquérir par les producteurs marocains de l'agroalimentaire, le marché canadien est surtout radicalement différent de ce que ces derniers ont l'habitude de faire avec l'Europe. Sur le Vieux Continent, nombreux sont les produits marocains (jus, couscous, etc.) qui réussissent à convaincre les grandes et moyennes surfaces (GMS) de les référencer. La diaspora marocaine en France peut ainsi retrouver dans les plus grandes chaînes d'hypermarchés les jus Valencia ou le couscous Tria. Le marché dit parallèle ou ethnique, à savoir les épiceries de quartier ou les boucheries hallal, complète le système de distribution des produits marocains à l'export vers l'Europe. Au Canada en revanche, la tendance est légèrement inversée car rares sont encore les produits marocains disponibles en GMS. Pour les produits made in Morocco déjà disponibles au Canada, ils le sont quasiment toujours dans le marché dit «ethnique». «Si l'on cible le marché ethnique, tout le monde a sa chance au Canada. Il suffit juste d'adapter son emballage. Mais pour pénétrer le vrai marché canadien, nous sommes alors loin du compte», explique ainsi Nour Eddine Bahji. Dans la perspective du futur accord de libre échange (ALE) entre le Maroc et le Canada, les entrepreneurs marocains sont en effet moins positifs. «Nous sommes un pavillon très peu innovant. Je ne pense pas que l'ALE créera un engouement incroyable pour les produits marocains», critique ainsi Reda Tahiri qui dirige L'Oleastre, société productrice d'huile d'olive de terroir. Très connaisseur du marché canadien de par son expérience personnelle, Reda Tahiri est donc très sceptique quant aux retombées éventuelles de cet ALE. «D'une part, notre offre est très limitée. D'autre part, nos coûts de production sont élevés, en comparaison à d'autres pays de la région. Nous ne sommes pas assez compétitifs. Le Maroc souffre également d'un problème de logistique. Il est clair que l'ALE bénéficiera en priorité au Canada. Les céréaliers canadiens, subventionnés, n'attendent d'ailleurs que ça», regrette-t-il. «Aucun secteur alimentaire ne pourra tirer partie de l'ALE. Même le couscous est fabriqué au Canada», conclut-il. Même son de cloche du côté du groupe Kayna. «Au Maroc, les entreprises ne font pas d'efforts pour innover. Avec un marché aussi difficile que le Canada, il est évident que l'ALE sera au profit du Canada. Néanmoins, nous devons profiter du peu que l'on peut faire», temporise ainsi Nour-Eddine Bahji.