Le dirigeant marocain est réputé pour son style de «leadership intellectuel». C'est là l'une des principales conclusions de l'étude menée par le cabinet IBB Management, en collaboration avec son partenaire international Korn/Ferry, sur le profil des dirigeants marocains. Si pour les grandes entreprises, l'étude peut s'avérer être comme une référence pour le choix, notamment par les actionnaires, des dirigeants et les spécificités qu'ils peuvent avoir, elle ne manque pas non plus de constituer un référentiel pour la PME. Elle touche en effet directement aux propriétaires même de l'entreprise dans le sens où une grande partie de cette catégorie d'entreprises est dirigée par ses propres actionnaires. Dans ce sens, il s'agit de mieux cerner les tendances et surtout les lacunes de chacun des styles de management que pourrait adopter un dirigeant. Ceci est d'autant plus important que l'analyse a démontré que les raisons de l'échec d'un dirigeant restent étroitement liées à son style de leadership. «Ainsi, il est essentiel pour un dirigeant d'évaluer son style de leadership. De même qu'il est essentiel pour l'entreprise d'évaluer sa culture de leadership» insiste-t-on auprès des initiateurs de l'étude. D'emblée, on peut dire que 40% des dirigeants subissent des échecs après 18 mois en moyenne d'activité. C'est en tous cas ce qui ressort de l'étude d'IBB Management et Korn/Ferry. Pour les dirigeants marocains, parmi les principales raisons d'échec, l'indécision. 81% des dirigeants sondés considèrent en effet que l'indécision ralentit le fonctionnement de l'entreprise. Par ailleurs, près de la moitié d'entre eux évoquent le micromanagement comme la raison de l'échec. Concrètement, ce concept consiste à porter une attention trop importante aux détails et à contrôler le travail des équipes. Un participant sur deux estime dans ce sens que le dirigeant doit maintenir sa capacité de prise de recul nécessaire dans sa gestion stratégique de l'entreprise. Enfin, le manque de courage est l'autre facteur pouvant affecter le succès de la gestion de l'entreprise. Là encore, un dirigeant marocain sur deux estime que la prise de risque est inhérente à la fonction de dirigeant. À titre de comparaison, les dirigeants internationaux sondés par Korn/Ferry estiment également que ces trois facteurs peuvent entrainer l'échec d'un dirigeant. Un style et des contraintes Pour éviter de tomber dans ces échecs, il convient donc de s'intéresser de près au profil du dirigeant marocain. Ainsi, «du point de vue du style de management, la plupart des dirigeants marocains ont une aisance à définir des visions et des stratégies claires dans l'exercice de leur fonction» note-t-on auprès des initiateurs de l'étude. Ils se concentrent en effet sur des objectifs de long terme et s'engagent à produire des résultats avec un haut standard de qualité. Pour honorer leurs engagements, la plupart des dirigeants marocains ont tendance à inscrire leur démarche dans du micromanagement visant à centraliser, à contrôler et à gérer tous les processus. Par ailleurs, en vue de sa prise de décision, le dirigeant marocain appuie son raisonnement sur l'analyse détaillée de toutes les données, aussi complexes soient-elles. Ils privilégient l'analyse objective et rationnelle, à travers des preuves, des statistiques, des chiffres...Les dirigeants marocains prennent rapidement la décision et la plus simple. Les dirigeants marocains puisent leur légitimité dans la qualité de leurs analyses et la force de leurs convictions. Dans le même sens, ils sont reconnus par leurs équipes pour leurs exigences élevées et pour leur expertise de haut niveau. C'est du moins ce que l'on relève auprès d'IBB et Korn/Ferry. Il reste maintenant à savoir si cette façon d'être du dirigeant est profitable à l'entreprise. Dans les faits, il faut dire que cet esprit ne manque pas de générer des conséquences qui peuvent finalement s'avérer problématiques pour l'entreprise. C'est notamment le cas pour la déresponsabilisation et l'étouffement de la créativité des équipes qu'induit une forte implication du dirigeant. Un décideur qui, par sa contribution à tout ce qui touche à la vie quotidienne de l'entreprise, laisse généralement peu de marges aux autres collaborateurs pour développer leur créativité ainsi que leur implication dans les processus de décision de l'entreprise. Ceci peut finalement s'avérer problématique pour l'entreprise dans le sens où cela pourrait également induire à restreindre la productivité des collaborateurs. C'est d'ailleurs de là que résulte l'une des principales recommandations d'IBB management et de son partenaire Korn/Ferry qui appellent les dirigeants à être plus sociaux et insistant davantage sur l'approche participatif. Cela dit, le risque à ce niveau pour l'entreprise est que le style social et participatif du dirigeant peut devenir une source de retard dans la prise de décision. «Social», avec modération En effet, pour la petite frange de dirigeants chez lesquels l'étude a révélé l'existence de cet aspect social, l'atteinte des objectifs dans les délais impartis peut être compromise. En effet, «du point de vue du style de management, le dirigeant social privilégie les stratégies d'innovation pour explorer de nouveaux marchés. Ils ont une habilité à s'engager simultanément sur plusieurs fronts», font remarquer les initiateurs de l'étude. Pour honorer leurs engagements, cette catégorie de dirigeants a en effet tendance à déléguer et responsabiliser les équipes pour stimuler la créativité. Concernant le style de réflexion, la sociabilité du dirigeant se traduit par une analyse de la situation dans son ensemble sans se soucier des détails. Son objectif est d'imaginer des solutions innovantes à travers des processus de décision plus longs. Ce sont les raisons pour lesquelles, l'atteinte des objectifs dans les délais impartis peut être compromise. À l'égard de ses équipes, le dirigeant social peut parfois donner le sentiment d'absence de convictions fortes sur un sujet. Comment attirer les bons dirigeants ? Qu'est ce qui attire les dirigeants dans une entreprise ? C'est l'une des réponses à laquelle ont tenté de répondre IBB Management et Korn/Ferry dans leur étude. Ainsi, il est ressorti que 72% des sondés considèrent que la notoriété de l'entreprise et le challenge du poste sont les principales motivations. Les dirigeants marocains sont motivés au premier lieu par la confiance que leur accorde l'actionnaire ou le supérieur hiérarchique. Le développement personnel et les réalisations se positionnent comme deuxième motivation principale, en raison de l'intérêt qu'ils portent à la création de valeur pour l'entreprise et la recherche du progrès. Pour ce qui est du volet rémunération, les dirigeants marocains recherchent l'équilibre entre la création de valeur pour l'entreprise et la rétribution des résultats qu'ils produisent. Les motivations des dirigeants internationaux sont similaires à celles des dirigeants marocains pour les deux premiers facteurs. En revanche, la rémunération est pour eux un élément moins prioritaire. Benchmark L'analyse comparée des échantillons retenus pour l'analyse du profil des dirigeants de par le monde a démontré que le style de leadership le plus répandu chez les dirigeants français et marocains est similaire. Il s'agit en effet du style intellectuel par un management exigeant et par la prise de décision rapide et simple. Néanmoins, force est de constater que le style de leadership le plus répandu chez les dirigeants turcs et brésiliens est le style social, qui correspond au deuxième style de leadership observé au Maroc. Celui-ci se caractérise par un management ouvert et flexible et par la recherche de solutions innovantes.