Bienvenue à Ankara. La capitale turque s'est transformée, le temps d'un forum, en une grand-messe, où les journalistes africains tiennent le rôle de têtes d'affiche, et ils se sont vraiment pris au jeu ! Tout a été fait pour veiller au confort des 300 professionnels des médias africains venus assister au Forum des médias Turquie-Afrique, qui se tient les 9 et 10 mai. De l'aveu de nombreux invités représentant une cinquantaine de pays d'Afrique, dont le Maroc, l'événement a tenu toutes ses promesses. Encore un joli coup de communication du gouvernement turc ciblant les médias. Un premier forum a eu récemment lieu à Istanbul, mais cette fois, ce sont les médias arabes qui ont été à l'honneur. Vous l'aurez certainement compris, les journalistes sont devenus le coeur de cible en termes de communication des autorités turques. Il ne faut pas être un expert en la matière pour savoir que les journalistes sont des leaders d'opinion et que leurs paroles et écrits influencent aussi bien les officiels, les acteurs économiques que l'opinion publique. Connaissant les grandes ambitions africaines de la Turquie, la séduction et la sensibilisation des journalistes du continent s'imposaient comme des actes de relations publiques vitaux et structurants pour l'avenir de la coopération entre la Turquie et ses partenaires africains potentiels. Le forum qu'abrite Ankara n'est qu'un des supports composant le dispositif de communication mis en place. La présence fort remarquée du vice-Premier ministre turc à la cérémonie d'ouverture du forum en dit long sur l'importance stratégique que revêtent aujourd'hui les médias dans la stratégie turque en Afrique. Implication Afin de montrer à quel point son pays agit par des actes pour prouver son implication en Afrique, Bülent Arinç cite l'ouverture de plusieurs ambassades dans différents pays, au moment où d'autres ferment leurs représentations. «Entre 2009 et 2011, ce nombre est passé de 19 à 32», précise-t-il. Sur le plan économique, le vice-Premier ministre turc parle d'un volume des échanges commerciaux entre la Turquie et l'Afrique qui dépasse les 7 milliards de dollars. Ce volume était de 742 millions de dollars, il y a à peine quelques années. Les chiffres parlent d'eux mêmes ! Le pays d'Ataturk ne s'arrêtera pas en si bon chemin pour consolider sa présence africaine dans tous les secteurs. Les médias du continent sont donc appelés à jouer le jeu pour que le déploiement turc se fasse dans les meilleures conditions et soit perçu de manière positive. Du moins, c'est le message clé de cette opération de charme. Pour convaincre les participants, les autorités turques ne manquent pas d'arguments, à commencer par Tika, l'Agence de coopération turque. Son président, Sedar Çam, avance que la Turquie s'inscrit, depuis 2005, dans une logique de gagnant-gagnant en matière de coopération avec les pays africains. Les réalisations sont là pour démontrer concrètement ce que fait la Turquie pour l'Afrique sur plusieurs plans, notamment social et humanitaire. En un mot : le gouvernement turc mise sur le co-développement pour communiquer sur le bien-fondé de sa stratégie africaine. Co-développement, le mot est lâché. Un mot magique, qui va tout droit au coeur des journalistes africains. La preuve, l'essentiel des interventions des professionnels des médias a porté sur l'importance de veiller avant tout au développement social et économique des populations locales. C'est un avis partagé par le patronat turc. Le président de la puissante confédération des hommes d'affaires et des industriels turcs, Riza Nur Meral déclare: «En Afrique, les entreprises turques ne font pas que vendre, elles achètent et s'impliquent dans la vie économique», souligne-t-il. Il insiste : «Nous misons sur le transfert d'expertise pour respecter nos engagements». Autant dire qu'officiels et opérateurs privés turcs sont sur la même longueur d'onde. Les discours et les arguments sont les mêmes pour soutenir et donner un sens à la diplomatie turque en Afrique. En tout cas, le charme turc a opéré dès la première journée de cet événement. La preuve en est que la Turquie a été choisie comme pays d'honneur du prochain forum African Media Leaders, qui aura lieu en novembre prochain à Abidjan. C'est une forme de reconnaissance de l'association African Media initiative, organisatrice de l'événement, envers la Turquie. Le Maroc n'est pas en reste, puisqu'il s'est vu attribuer, par l'African Media Initiative, la co-présidence de cette 5e édition, en la personne de Mustapha Mellouk. Rappelons que cette initiative, soutenue par les Nations-Unies, l'Union africaine et la BAD, vise à promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance et le développement économique et social, par un renforcement du rôle des médias. Amadou Mahtar Ba, Président d'African Media Initiative (AMI) La Turquie doit miser sur une relation de partenariat durable avec le continent africain. Il y a lieu de tirer les leçons des expériences passées. De nombreuses erreurs ont été commises par des pays qui ont affiché des ambitions pour le continent africain. Il faut consolider les relations d'amitié entre les peuples. L'Afrique regorge d'opportunités pour la Turquie, à commencer par le secteur bancaire, les infrastructures, les TIC et les médias. Les défis de développement sont de taille pour l'Afrique et les professionnels des medias africains sont appelés à parler davantage de leurs pays respectifs.