La feuille de route 2012-2013 est déjà claire pour les partenaires sociaux. En contrepartie de la paix sociale durable exigée par l'Etat, les réformes structurelles ont été promises avant la fin de cette année 2012. La mise en place de deux commissions interministérielles relatives respectivement, à l'emploi et aux investissements, ont couronné l'approche suivie jusqu'à présent et qui a consisté à tenir compte à la fois des attentes des représentants des salariés et de celles du monde des affaires. Les deux commissions auront jusqu'au mois de septembre prochain, date de la tenue du premier cycle de pourparlers selon la nouvelle formule, pour livrer leurs principales conclusions. Les deux manches des réunions du dialogue social qui ont réuni l'Etat et les syndicats de l'Administration, ont montré que l'accès à la fonction publique uniquement par voie de concours, nécessitait quelques réglages. Le même constat est valable pour le volet relatif au statut de la fonction publique, à la réforme des retraites, ainsi qu'aux deux lois sur les syndicats et la grève. La méthodologie de travail commune, qui a été décidée, consiste à accorder la priorité à l'aspect réglementaire, afin d'aboutir à des résultats dans des délais raisonnables. Si le gouvernement a bien affiché son intention de ne pas vouloir gagner du temps durant cette étape, les cinq centrales syndicales les plus représentatives veulent que les lois projetées soient conformes à l'esprit de la nouvelle Constitution. Timides avancées Les thématiques relatives à l'exécution du reste des engagements, pris lors de l'accord du 26 avril 2011, ont été pour leur part reléguées au second plan, afin que les deux nouvelles législations soient débattues en profondeur par les partenaires sociaux. Jusqu'à présent, rien ne présage un déblocage rapide des pourparlers, tiraillés entre l'exigence de la continuité des services publics et celle de la liberté de grève, consacrée elle aussi par la Constitution de 2011. Si l'ensemble des syndicats ont livré leurs propositions concernant les deux projets qui seront au cœur de la future Charte sociale, l'avis du patronat ne s'est pas encore fait entendre, ni celui du CES, qui devra présenter cette semaine son bilan devant l'instance législative, qui englobe son rôle consultatif en matière de nouvelles lois sociales. Les cinq centrales (UMT, CDT, FDT, UGTM, UNTM) ont unanimement émis des recommandations allant dans le sens du renforcement de «la présence des branches syndicales au sein des entreprises et de l'activation de la convention collective comme moyen de sauvegarde de la paix sociale», mentionne la CDT dans ses recommandations. Les groupes de travail chargés du dossier au sein des partenaires sociaux ont émis des remarques sur les amendements qui ont été prévus après le retrait du projet préparé par le gouvernement sortant, essentiellement sur les questions relatives à la valorisation des conditions de travail au sein des entreprises du secteur privé, ainsi qu'aux «garanties dues aux partenaires sociaux afin de faire prévaloir leurs droits dans les moments de crise», souligne pour sa part la présentation préparée par l'UNTM. La deuxième grande priorité syndicale est à chercher dans le refus catégorique de l'application des retenues sur les salaires des grévistes. Cette disposition, incluse par l'Etat pour atténuer les ruptures abusives des services publics, suscite toujours la grogne des meneurs syndicaux, dont certains pensent qu'il s'agit d'une mesure inconstitutionnelle. Pour ne pas être taxées de «négativistes», les centrales syndicales indiquent les nouvelles voies d'une paix sociale moins fragile que celle obtenue actuellement dans plusieurs secteurs. C'est le cas de l'encouragement de la conciliation individuelle des conflits du travail. Les syndicats demandent en effet l'amélioration de la cadence des visites aux entreprises, pour renforcer la procédure de conciliation dans une démarche préventive de désœuvrement collectif. Abdelaâdim El Guerrouj, Délégué auprès du chef du gouvernement, chargé de la Fonction publique et de la modernisation de l'Administration. «Les syndicats se focalisent sur les considérations matérielles» Les Echos quotidien : À l'occasion de la première édition de la fête du travail pour le nouveau gouvernement, quel bilan pouvez-vous dresser des initiatives prises par le gouvernement dans ce secteur, qu'il a fixé comme une de ses priorités ? Abdelaâdim El Guerrouj : Le gouvernement a témoigné de son grand intérêt pour les questions sociales à travers une réunion dédiée au dialogue social et présidée par le chef du gouvernement le 10 mars dernier. En ce qui concerne le secteur public, deux réunions ont été tenues dont l'objectif est de passer en revue les principaux axes de travail instituant une démarche de travail efficace. Ces deux rencontres ont également été l'occasion de présenter la nouvelle stratégie de modernisation du secteur public. Deux rounds de discussions sont dans ce sens prévus d'ici à septembre prochain. Entre-temps, des comités thématiques ont été constitués pour donner plus de visibilité au projet qui doit être mis en œuvre sur les deux années 2012 et 2013. En outre, d'autres comités ont été mis en place pour plancher sur la réforme de la fonction publique, la mise en œuvre des mesures initiées dans le cadre d'accords signés par l'ancien gouvernement et la révision du décret qui institue la commission paritaire. Les premières réunions ont été marquées par une levée de boucliers de la part de certains syndicats, notamment concernant la loi sur la grève. Comment le gouvernement entend gérer ces genres de question qui risquent de perturber le dialogue social ? Pour ce qui est des points qui fâchent certains syndicats, des commissions ont été créées pour travailler sur l'élaboration de la loi régissant le droit de grève et celle régissant les organisations syndicales. Comme je l'ai évoqué précédemment, ces deux volets connaissent aujourd'hui quelques blocages au niveau syndical, dans la mesure où la CDT et l'UMT ont émises des réserves. Cela ne nous empêche bien évidement pas de continuer le travail, tout en espérant que ces deux syndicats rejoignent la table des négociations. Jusque-là, pourtant, tout cela entre dans le cadre de la continuité, et, pour certains, rien ne changera. Concrètement, comment le gouvernement entend-il imprimer sa marque sur ce secteur ? Ce qui est à mon sens important de retenir, c'est que le gouvernement tient à s'inscrire dans une démarche de partenariat qui institue un débat préalable à tout projet de loi. Aujourd'hui, j'ai la ferme ambition que l'on respecte cette démarche. La nouvelle Constitution et les attentes des citoyens marocains vont dans ce sens, et il est de surcroît nécessaire de mener un chantier de réformes dans lequel les syndicats et la société civile jouent un rôle prépondérant. Notre société change et le gouvernement se doit d'accompagner ces mutations. Le problème, qui persiste aujourd'hui dans le dialogue, réside dans la focalisation des syndicats sur des considérations essentiellement matérielles, qu'il va vraiment falloir dépasser pour le bien de tous les citoyens marocains.