Voilà un rapport que Benkirane et son équipe feront certainement valoir lors du dialogue social pour arguer de la pertinence des actions entreprises par l'Etat en matière d'emploi. Le royaume est, en effet, cité par les experts de la Banque mondiale dans leur dernier rapport sur l'emploi, comme l'un des rares pays de la région MENA à avoir connu un «miracle dans l'emploi» durant les trois dernières décennies. En effet, selon l'institution, le Maroc et son voisin algérien ont su sensiblement réduire leur taux de chômage ces dernières années. Les deux pays ont fait preuve d'une importante réduction du taux de chômage, suite à l'accélération de la croissance économique et à la mise en place d'une réglementation plus souple. De plus, la Banque mondiale estime que la spécificité du Maroc réside dans le fait que «la baisse du chômage a été le résultat des réformes rapides dans la seconde moitié des années 1980», notent les analystes de BM. Il s'agit en fait de la stabilisation macroéconomique, de la dévaluation, de la libéralisation progressive et de la dérégulation économique, ainsi que du lancement d'un programme de privatisation. Toutes ces réformes ont augmenté l'efficacité des investissements et permis de mettre en place une base solide pour le développement du secteur privé. Ces réformes auraient même pu avoir un impact plus important sur le marché de l'emploi si ce n'était les vagues de sécheresses sévères qu'a connues le royaume dans les années 90 et qui ont sensiblement freiné la croissance économique du pays. Nuance ! «Après 2001, le rythme de stabilisation et de réformes structurelles s'est accéléré à nouveau et la croissance est entrée dans un cycle d'expansion (d'environ 4% en raison également de bonnes saisons agricoles)», rappelle la Banque mondiale. Cela a permis de nouvelles baisses du taux de chômage. Rappelons à ce titre que le taux de chômage au Maroc est passé de 23% en 1995 à 8,5% actuellement selon les données officielles. Ce chiffre, quoique sa fiabilité soit souvent remise en cause par les économistes nationaux, fait aujourd'hui du Maroc un exemple pour la région MENA, où «le miracle de l'emploi», tel qu'il est commenté par la Banque mondiale, se fait très rare. Cela dit, la Banque mondiale insiste sur les tensions qui continuent à peser sur le marché de l'emploi au Maroc, en dépit des nettes améliorations enregistrées. À ce titre, l'institution déplore le niveau plus élevé du chômage dans le milieu urbain, particulièrement chez les femmes et les jeunes diplômés. Ceci est en partie le fruit de la vague d'exode rural qu'ont connue les villes, en marge des vagues de sécheresse des années 90 et qui ont mis le marché de l'emploi dans le milieu urbain sous pression. Des pistes à exploiter Par ailleurs, le rapport de la Banque mondiale ne manque pas de recommandations pour soutenir la création d'emploi. Ces recommandations tombent à point nommé pour le Maroc, puisque le nouveau gouvernement place justement le soutien à la création d'emploi comme l'une de ses priorités les plus urgentes. Dans ce sens, on retiendra donc que les pays dotés d'un meilleur cadre réglementaire ont beaucoup plus de chances d'y parvenir, selon le rapport. Ce dernier cite trois moyens d'action essentiels pour créer des possibilités d'emploi durable : une gestion macroéconomique prudente, une réglementation judicieuse de l'activité économique et la bonne gouvernance. «Une bonne réglementation offre un double avantage pour la création d'emplois», explique Caroline Freund, économiste en chef pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. «Notre tour d'horizon des pays qui ont connu un miracle de l'emploi montre qu'une bonne réglementation est associée à un taux de chômage moins élevé en moyenne, et offre de meilleures perspectives de création d'emplois durables lorsque le chômage est élevé». Les réglementations et les politiques commerciales qui encouragent les échanges sont donc clairement un puissant catalyseur de la création d'emplois. Toutefois, «la formulation et l'application des règles sont indissociables d'une bonne gouvernance», ajoute l'experte de la Banque mondiale. Pour que la réglementation des affaires contribue à la création d'emplois, il ne suffit donc pas de promulguer des règles, encore faut-il qu'elles soient strictement appliquées. Le rapport conclut donc que la solution au problème de l'emploi dans la région MENA passe par une bonne gouvernance, l'amélioration de la réglementation et, surtout, sa stricte application.