C'est un peu à mon corps d'électeur défendant que je vais m'aventurer dans cette enceinte si imposante, mais si intrigante. C'est mon rejeton qui m'a mis la puce à l'oreille, un jour: «Papa, pourquoi des gens dépensent autant d'argent pour aller s'enfermer dans un truc pareil?». Je vous avoue que je n'ai pas su quoi lui répondre. En fait, il m'avait posé cette question subversive -il a de qui tenir- parce qu'un copain de sa classe lui avait raconté que son père avait dépensé plus de 4 millions de DH pour devenir député. Je vous assure que c'est vrai, car je connais bien le concerné qui va sûrement se reconnaître. Mais, comme ça s'est passé, il y a plus de 10 ans, il y a prescription. Blague à part, si vous étiez à ma place, qu'auriez-vous répondu ? En attendant vos réponses qui, je ne suis pas bête, ne viendront jamais, je vais essayer de vous en suggérer quelques-unes. Je vais commencer par la plus évidente : il a dépensé tout ce fric pour défendre le peuple... ? Qu'est-ce qu'il y a ? Je vous vois tous et toutes tout sceptiques. C'est quand même, normalement, à ce que je sache, pour ça que tous ces gens-là font tout ça ! Ne vont-ils pas là-haut, au nom des gens d'en bas, pour les «représenter» ? N'appelle-t-on pas cet endroit là justement, «La Chambre des représentants» ? Représentants, mon... œil ! Ou plutôt si, car si je réfléchis, je trouve que certains d'entre eux sont de grands VRP (Vrais Ramasseurs de Profits). C'est vraiment dommage qu'ils n'en fassent pas profiter leurs «représentés». Et je crois que c'est une bonne transition pour ma deuxième suggestion de réponse : notre ami, en déboursant tout ce blé, a voulu tout simplement, dans un élan de générosité, distribuer une (infime) partie de la future récolte qu'il compte tirer de cette aventure très belle, mais, ma foi, à durée limitée. Ah ! Je vous vois moins dubitatifs. Est-ce à dire que vous êtes d'accord avec moi, qu'après tout, le Parlement est un placement comme un autre ? Je vais dire peut-être n'importe quoi, mais ça doit être un peu comme la Bourse : tu places ton oseille, tu te casses et tu attends. En attendant, tu vaques à tes autres occupations de «ramassage». D'ailleurs, voyez-vous, je ne l'ai même pas fait exprès, voilà un excellent point commun entre la Bourse et le Parlement : tu n'as pas besoin d'être là. Ça peut marcher – ou ça peut ne pas marcher – sans toi. Mais, il faut noter qu'à la différence de la Bourse où tu ne joues qu'avec ton fric, au Parlement, tu t'amuses quand même avec la confiance de tes électeurs que tu as embobinés, après, parfois, les avoir bien rassasiés. Le problème, c'est que tu n'as pas encore mis les pieds dans «La Chambre des représentants», qu'ils ont déjà faim. Les pauvres ! Non, je n'ai même pas pitié d'eux. Bien fait pour eux ! Par contre, j'ai pitié de nous, à commencer par moi, nous qui regardons en laissant faire, comme si nous étions devenus des êtres amorphes juste capables de regarder sans voir et de subir sans réagir, sans rugir et sans même rougir. Pauvres de nous !