Après une année du lancement de la stratégie «Maroc Numeric 2013», l'heure est au bilan. Un premier vient d'être dressé par les professionnels du secteur. La Fédération des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring, (APEBI) vient, en effet, de dévoiler les conclusions d'une étude réalisée autour de la stratégie Maroc Numeric 2013, lancée en octobre 2009, par Ahmed Réda Chami, ministre du Commerce et de l'industrie. Une stratégie qui vise la modernisation du tissu entrepreneurial marocain, du système éducatif et de l'administration. À travers cette étude, l'Apebi dit vouloir amorcer une première analyse de la stratégie, d'en identifier les manques, les opportunités, pour ses acteurs, d'en discuter les modalités de mise en œuvre et d'aboutir à des recommandations «concrètes». Quatre séances de réflexion ont été, ainsi, initiées, dans le cadre d'un «think tank», lancé à partir de mars 2010, pour identifier cinq axes : l'accès aux marchés, le cadre légal et administratif, la promotion du secteur, l'accès au financement et la gouvernance de la mise en œuvre. Chaque axe est décortiqué, passé au peigne fin pour en identifier les insuffisances à combler. Première remarque : une bonne partie de l'étude traite de l'accès des PME du secteur aux appels d'offres lancés ou futurs de Maroc Numeric 2013. L'Apebi apporte, à ce niveau, une multitude de propositions, telle la mise en place d'une quote-part des marchés publics au profit des PME/TPE, faciliter l'accès aux appels d'offres inférieurs à un certain montant pour les entreprises locales, un mode de notation qui encourage les soumissionnaires internationaux ayant un partenaire local associé avec une part significative à la réalisation du projet. Pour rappel, les projets de la stratégie devraient contribuer à la création de plus de 26.000 emplois et à une croissance du PIB de plus de 27 milliards de DH. Autrement dit, un nombre important d'opportunités d'affaires pour les PME et TPE du secteur des nouvelles technologiques. D'où les «suggestions» de l'Apebi. Pour ses membres, l'objectif est de rendre réelles les opportunités qui seront créées par le déploiement de cette stratégie. Aussi, la Fédération dit souhaiter «enrichir» sur la base de l'expérience de ses membres le volet «mise en œuvre» de la stratégie. Elle a, ainsi, suggéré un ensemble d'évolutions visant à renforcer l'impact de la stratégie et limiter les risques de mise en œuvre. Accès aux marchés Priorité aux entreprises locales L'Etat marocain modernise ses structures. Le besoin en équipements se chiffre à quelque 5 milliards de DH pour les trois prochaines années. Ce chantier fait de l'Etat le premier donneur d'ordre du secteur des nouvelles technologies. Pour que les PME aient une part du gâteau et se développent, il est primordial pour l'Apebi que les décideurs pensent à consommer d'abord marocain. «Un investissement basé sur des compétences ou intérêts économiques extérieurs ou intérieurs influe de façon sensiblement différente la dynamique de ces facteurs de développement», lit-on dans l'étude de l'Apebi. À titre d'exemple, la Fédération donne celui d'un scénario où 75% des budgets e-gouvernement (e-Gouv) sont confiés à des acteurs locaux généralistes ou positionnés sur des niches (ERP, m-paiement...). Le PIB va croître du fait des projets e-gouv menés pour l'Etat, mais aussi du fait de l'exportation vers d'autres pays. «Ceci influera positivement la balance commerciale, ainsi que la capacité à long terme dans le secteur», explique la Fédération. A contrario, si 75% des budgets e-Gouv sont traités par des acteurs internationaux et sans le souci de développement de la compétence locale, il y aura toujours une «dépendance nationale en matière de TIC». Dans ses conclusions, l'Apebi appelle ainsi à être associée à la gouvernance des chantiers e-Gouv, en devenant membre à part entière des commissions de décision, telles que le Cigov (Comité interministériel pour l'e-Gouv). Elle appelle aussi à garantir une participation significative des acteurs locaux aux grands projets NTIC de l'Etat, en exigeant par exemple des groupements impliquant des acteurs locaux avec des objectifs de transferts de savoir-faire, sans oublier d'adapter les contraintes des appels d'offres publics, notamment en ce qui concerne les références et les attestations, qui excluent de facto les entreprises marocaines et favorisent les acteurs internationaux. Cadre légal et administratif Réadapter les consultations L'accès pour les PME aux marchés de Maroc Numeric est aussi influencé par les volets légal et administratif. Telle est la deuxième conclusion majeure de l'étude de l'Apebi. Au regard des premiers projets lancés dans le cadre de la dite stratégie, il s'est avéré aux professionnels que certains règlements de consultation «n'encouragent pas les entreprises locales et sont inadaptés aux projets NTIC», constate l'étude. Cette dernière propose ainsi plusieurs aménagements, à commencer par l'adaptation de la réglementation des marchés aux spécificités du secteur des nouvelles technologies. L'Apebi entend par là que la profession fait le constat de conditions contraignantes d'exécution des marchés publics. «Au regard de la pratique, certains règlements de consultations sont inadaptés, du fait que les textes restent généraux et ne sont pas en phase avec toutes les spécificités du secteur IT», font remarquer les rédacteurs de l'étude. Ainsi, il faudra réfléchir à un organisme qui doit prémunir les donneurs d'ordre et les opérateurs contre un certain nombre de risques, tels l'arrêt du marché en pleine phase d'exécution sans compensation, l'annulation des marchés après adjudication, la non-communication des ordres de service après adjudication, etc. L'Apebi propose aussi l'élaboration de contrats-types par catégories de prestations (fourniture, applicatifs spécifiques, solutions progiciels, maintenance...) pour une «gestion plus fluide des marchés». Promotion du secteur Réactiver les fonds Maroc Numeric 2013, c'est aussi la modernisation du tissu entrepreneurial marocain. Un objectif intrinsèque à la promotion du secteur des nouvelles technologies. Sur ce volet, l'étude Apebi a identifié deux éléments importants : le partage de l'information et l'allocation rationnelle des ressources financières dédiées. C'est le deuxième élement qui a été surtout décortiqué par les analystes du «think tank». Ainsi a-t-on appelé à la réactivation des fonds dédiés à l'innovation et à la promotion des projets structurants pour encourager l'innovation. Sur un autre registre, l'Apebi dit se féliciter du lancement prochain de l'Observatoire national des nouvelles technologies (Ontic) et rappelle la nécessité d'en préserver l'indépendance. Cet observatoire doit être doté des moyens nécessaires lui permettant d'assurer la disponibilité des données et de suivre l'évolution du marché à travers la mise en place d'indicateurs et de tableaux de bord, la communication de métriques économiques, des chiffres financiers... pour contribuer à lever le manque de chiffres liés au secteur, indique l'Apebi. La Fédération se propose même de jouer un rôle «axial» au sein de l'Ontic, en participant à la constitution et à l'alimentation en continu des banques de données qui seront suivies par cet observatoire. L'Apebi envisage l'octroi des fonds nécessaires pour ce faire. Accès aux financements Manque de cohérence Pour les outils de financement, les dispositifs existants sont «multiples et divers», constate l'Apebi, sauf qu'il y a lieu de parler d'un manque de cohérence et d'engouement des acteurs quant à leur utilisation. En effet, on privilégie principalement le court terme et moins le stratégique. «L'accès aux financements est d'autant plus important qu'il influe sur les efforts de R&D et contribue aussi à la création de facteurs de différentiation de l'industrie marocaine», explique l'étude Apebi. Le développement de l'offre est directement lié à l'importance accordée à la R&D dans les entreprises. Aussi, la fédération insiste dans son document sur la nécessaire articulation entre l'innovation, l'accès aux marchés et l'accès aux financements. Un «tryptique» essentiel pour le développement du secteur local, selon les conclusions de l'Apebi, qui appellent aussi à revoir les conditions d'accès au fonds de soutien à l'innovation et au programme IMTIAZ. L'Apebi n'a pas manqué aussi de remettre sur la table le fameux fonds R&D, financé par les opérateurs de télécommunications à hauteur de 0,25% de leurs chiffres d'affaires. L'Apebi dit vouloir rediscuter des modalités d'affectation de ce fonds. Mise en œuvre Une Agence d'exécution de Maroc Numeric 2013 La bonne gouvernance et la définition du besoin, deux axes stratégiques pour le succès de la stratégie 2013, selon l'Apebi. Dans ce sens, la Fédération recommande vivement au gouvernement de créer une Agence d'exécution de la stratégie Maroc Numeric 2013. Cette agence aura pour mission de mener à bien tous les projets classés dans le cadre de cette stratégie et de mettre en place les dispositifs d'accompagnement de l'offre locale. L'Agence rendra aussi compte des avancées pour garantir l'élan au-delà de 2013. Comme plusieurs plans stratégiques incluent les nouvelles technologies comme levier de développement économique et d'augmentation des exportations, l'Apebi appelle les officiels à assurer sa présence au sein du Cigov. Elle souhaite aussi participer de façon plus opérationnelle, pour d'une part assurer le cadrage entre les besoins des projets e-gov et les possibilités offertes par les professionnels et d'autre part faire remonter plus régulièrement les préoccupations et problématiques des entreprises du secteur.